Les hausses tarifaires de Trump : un choc frontal pour le Canada Sous la présidence de Donald Trump, les Etats-Unis ont déclenché une véritable guerre commerciale contre plusieurs partenaires, dont le Canada. Prétextant la "sécurité nationale", Washington a imposé en 2018 des droits de douane punitifs de 25 % sur l'acier et 10 % sur l'aluminium en provenance du Canada. Ces deux métaux représentent à eux seuls 24 milliards de dollars canadiens d'exportations annuelles vers le marché américain. Le choc a été immédiat. Les exportations canadiennes d'acier vers les Etats-Unis ont chuté de 38 % dès le premier mois. Celles d'aluminium ont reculé de 19 % en moyenne sur l'année suivante. Des entreprises comme Tenaris ont été contraintes de licencier des dizaines d'employés, et la pression s'est rapidement étendue aux chaînes d'approvisionnement industrielles, particulièrement en Ontario et au Québec. Le bois d'œuvre, victime collatérale du protectionnisme américain Avant même les métaux, c'est le secteur du bois d'œuvre canadien qui a été ciblé. En avril 2017, l'administration Trump imposait des droits compensatoires de 20 % sur ces exportations. Avec 96 % des exportations de bois québécois destinées aux Etats-Unis, l'impact a été dévastateur. Ces surtaxes rétroactives ont fragilisé les scieries canadiennes, mettant en péril des milliers d'emplois dans plus de 225 communautés forestières. À titre de comparaison, un conflit tarifaire similaire entre 2001 et 2006 avait provoqué la perte de 20 000 postes dans ce secteur. Des répercussions économiques ciblées mais réelles À l'échelle nationale, l'impact macroéconomique est resté limité : les secteurs visés ne représentent qu'environ 0,5 % du PIB et 3 % des exportations canadiennes. Néanmoins, les conséquences sur le terrain ont été bien tangibles. Le Congrès du travail du Canada estimait à 43 000 le nombre d'emplois menacés dans la métallurgie, dont 9 500 dans l'aluminium. Certaines entreprises ont gelé des investissements ou fermé des usines. Le climat d'incertitude a aussi freiné l'investissement, avec 6 % des exportateurs canadiens reportant leurs projets selon Exportation et développement Canada. Un pouvoir d'achat légèrement affecté, mais maîtrisé Les consommateurs canadiens ont ressenti une légère hausse des prix sur certains produits américains. En réaction aux tarifs américains, Ottawa a imposé des contre-tarifs "dollar pour dollar" sur 16,6 milliards $ CAN de biens importés des Etats-Unis. Parmi les produits visés : bourbon, jus d'orange, ketchup ou encore canettes. Cette riposte a entraîné une hausse des prix pour les Canadiens, mais limitée à environ 3 % des importations. La Banque du Canada a jugé que l'impact sur l'inflation globale resterait faible. Une immigration peu impactée mais des talents attirés Sur le plan migratoire, les tensions commerciales n'ont pas directement influencé les politiques canadiennes. Le pays a maintenu ses objectifs ambitieux d'immigration économique, en réponse au vieillissement démographique. Cependant, dans le contexte du protectionnisme américain et des politiques migratoires restrictives de Trump, le Canada est apparu plus attractif aux yeux de certains travailleurs qualifiés vivant aux Etats-Unis. Résultat : une augmentation continue du nombre de résidents américains devenant immigrants économiques au Canada de 2015 à 2019. La riposte du Canada : entre fermeté et diplomatie Le gouvernement canadien a opté pour une stratégie équilibrée. Outre les contre-tarifs, il a soutenu ses industries touchées par une enveloppe de 2 milliards $ CAN, incluant prêts, subventions à l'innovation et aides aux PME. Sur le front diplomatique, le Canada a activement participé à la renégociation de l'ALENA, aboutissant à l'Accord Etats-Unis–Mexique–Canada (AEUMC) en 2020. Celui-ci a permis de sécuriser l'accès au marché américain et d'exempter les automobiles canadiennes de futurs tarifs pour des motifs de sécurité nationale. Enfin, Ottawa a misé sur la diversification commerciale, avec la signature de nouveaux accords comme le CPTPP avec l'Asie-Pacifique et l'AECG avec l'Union européenne, pour réduire sa dépendance vis-à-vis des Etats-Unis. Un épisode révélateur de la fragilité économique nord-américaine Si le Canada a réussi à limiter les dégâts par une réaction rapide, cette guerre commerciale a mis en lumière la vulnérabilité de son économie face aux décisions politiques américaines. L'épisode a servi de catalyseur pour des réformes, une diversification des marchés et une meilleure préparation aux conflits commerciaux futurs. L'avenir dira si ces efforts suffisent à immuniser le Canada contre un possible retour des tensions, surtout si Donald Trump redevient acteur majeur de la scène politique américaine Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!