Un voyage très faste, dans tous les sens du terme. C'est la première visite officielle du président Donald Trump à l'étranger. On ne la mettra pas sur le même niveau que son déplacement à Rome le 26 avril dernier, pour assister aux obsèques du pape François et pour un petit entretien sur le dossier ukrainien. Sa tournée dans les pays du Golfe c'est du lourd, du très lourd. Ce n'est pas pour rien que Washington a calé ce voyage dès le retour du républicain à la Maison-Blanche. Rien ne gâchera la fête : Ni Gaza ni l'Iran… Ce n'est pas pour rien que le Prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane (MBS), a été le premier dirigeant étranger à converser avec Trump, dès le 22 janvier dernier, 2 jours après son investiture pour un second mandat. MBS avait mis 600 milliards de dollars sous le nez du républicain et fait miroiter d'autres gros investissements et contrats, des marchés qui depuis hantent depuis le sommeil du président. Il est entré dans le vif du sujet ce mardi 13 mai à Riyad, après un accueil très coloré, avec le décorum et la majesté de circonstance, comme le royaume sait le faire pour impressionner ses invités. Il se dit que les deux hommes vont éviter de s'éterniser sur tous les sujets qui fâchent, notamment les crises sécuritaires à Gaza et avec l'Iran. Personne n'a intérêt à ce que cette actualité brûlante soit mise sur la table, ça gâcherait complètement les retrouvailles entre Trump et MBS. Dans l'enclave palestinienne le sort des populations n'a jamais été aussi tragique, et pour Téhéran Riyad est toujours terrifié par tout rapprochement entre Washington et les ennemis historiques des Wahhabites… Donc on en restera au thème qui met tout le monde d'accord : le business. Trump avait réservé la première visite officielle de son premier mandat à cette région. C'était en 2017, MBS n'était pas encore le successeur désigné du roi Salmane. Le président américain était retourné à Washington avec des contrats de près de 400 milliards de dollars. Cette fois on sera nettement au-delà, on parle de 1000 milliards, un montant que Trump juge toujours insuffisant. Washington appuie encore sur le bon bouton : Un armement de 100 milliards $ Le républicain a fait le déplacement avec quelques ténors du monde des affaires, dont l'incontournable Elon Musk, le plus fortuné de la planète, éminence grise et mécène du président. Ils sont attendus au Forum d'investissement américano-saoudien. Après ça cap sur le Qatar demain mercredi puis sur les Emirats arabes unis. Là aussi du très copieux en vue. Il est possible que Trump raccourcisse un peu les réjouissances pour filer vers la Turquie, où sont annoncés les présidents ukrainien et russe… Enfin, c'est surtout la Maison-Blanche qui fait des annonces, Moscou jusqu'ici se refuse à tout engagement ferme. Le président Vladimir Poutine, sous la contrainte et surtout par crainte des foudres de Washington, a fait mine d'avancer en proposant des négociations directes avec Kiev. Mais il n'a rien précisé sur les modalités, la composition de sa délégation et surtout il n'a pas confirmé sa présence, alors que son homologue ukrainien y sera. Donc vous aurez compris qu'il y a peu de chances que le festin royal de Trump dans le Golfe soit troublé. Le secrétaire d'Etat, Marco Rubio, également conseiller intérimaire à la sécurité nationale, le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, le directeur général de BlackRock, Larry Fink et la directrice générale de Citigroup, Jane Fraser, accompagnent également le président américain. D'après des sources ce dernier devrait mettre à la disposition de l'Arabie saoudite du matériel militaire de pointe d'une valeur globale de plus de 100 milliards de dollars. ça sert pour calmer le voisin, l'Iran… Théoriquement Riyad a fait la paix avec Téhéran depuis mars 2023, mais les Saoudiens seront toujours terrifiés par les Chiites. C'est inscrit dans l'ADN de ce combat confessionnel qui ne cessera jamais. Entre les rêves de MBS et les confidences surréalistes de Trump Ces armes dernier cri feront le bonheur de MBS, à défaut d'avoir des gages solides sur le funeste sort des Gazaouis et l'Etat palestinien. L'homme fort du Golfe en rêve pour concrétiser un autre rêve : normaliser avec Israël, un projet qui était à deux doigts d'aboutir en septembre 2023, de l'aveu même de Ben Salmane. L'attaque du 7 octobre 2023 et la réplique encore plus sanglante de l'Etat hébreu ont barré la route… Steve Witkoff, l'émissaire spécial de Trump, a dit la semaine dernière qu'il faut s'attendre à une extension des Accords d'Abraham, que le président américain avec confectionnés en décembre 2020. Mais à ce stade on ne voit pas comment d'autres arabes se joindraient à ceux qui ont déjà établi des liens avec Tel-Aviv (principalement le Maroc, les Emirats arabes unis et le Bahreïn). MBS et tous les autres derrière lui se heurtent au refus obstiné de Benyamin Netanyahu de stopper sa guerre dans la bande de Gaza, ne parlons même pas de la création d'un Etat palestinien digne de ce nom. Le Prince héritier saoudien ne peut pas enjamber les cadavres de ses "frères" pour aller festoyer avec Netanyahu. Il y a des limites à ce qu'il peut imposer à ses pairs arabes, fût-il le Maître de cette partie du monde. Donc avec Trump il en restera au business et à l'armement. Après toutes ces réjouissances le président américain repartira avec le luxueux Boeing 747-8 gracieusement offerte par le Qatar. Cet appareil hors normes est censé prendre la place de l'avion présidentiel Air Force One. Mis à part les aspects moraux – un acte de corruption manifeste ? – il y a cette confidence surréaliste de Trump : il envisage de garder cet appareil à la fin de son mandat, en 2028, pour son usage personnel. Cupide il est, cupide il restera. Ces 400 millions de dollars auraient pu régler beaucoup de problèmes quelque part dans le monde, les Qataris en ont décidé autrement. Une tache de plus sur le blason des nababs du Golfe.
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