TUNIS (TAP) - Le discours prononcé par le Premier ministre du Gouvernement de transition Béji Caïd Essebsi, lors du meeting qui a eu lieu, jeudi matin, au palais des congrès, est venu nourrir les craintes de voir le Gouvernement de transition échouer dans le traitement des diverses questions et dossiers nationaux, ont affirmé les dirigeants des partis politiques ayant boycotté ce meeting. Ils ont, à cet égard, dénoncé la non-association de l'ensemble des partis politiques à la définition des contours de la Tunisie et le mutisme du gouvernement face à l'argent politique qui risque de menacer l'opération électorale, en plus de la dégradation de la situation sécuritaire et sociale. Le Secrétaire général du mouvement "Baâth", Othmane Belhadj Amor a déclaré que les deux points sur lesquels le mouvement a émis des réserves sont la violence perpétrée contre les participants, lors du sit-in de la Kasbah III et la distinction entre les partis «amis» et les partis «non souhaitables». Joint par téléphone, M. Belhaj a précisé à l'Agence TAP que «ces réserves ont été confirmées après le discours de Béji Caïd Essebssi qui, a-t-il dit, n'a même pas pris la peine d'évoquer ou de faire allusion à ces deux points». Il a, à cet égard, estimé que «l'ignorance de la question de l'argent politique est sciemment voulue», dénonçant, à ce propos, le mode de traitement par le gouvernement de plusieurs questions et dossiers qu'il a qualifié d'«inefficace et d'incohérent». Pour le coordinateur général du Front populaire Unioniste Amor Mèjri, le discours de M. Caïd Essebsi est venu confirmer les appréhensions du Front concernant les préparatifs des élections du 23 octobre, dénonçant, à ce propos, l'association de certains partis au détriment de plusieurs autres dans ces préparatifs et le silence sur le dossier de l'argent politique qui, a-t-il dit, «n'a été évoquée ni de près ni de loin». Il a fait remarquer que «le boycottage du meeting ne signifie point une rupture avec le gouvernement de transition» qui, selon lui, est invité à associer l'ensemble des partis politiques à la construction de l'avenir du pays et à les consulter sur les dossiers de l'heure, dans le droit-fil de la consécration du pluralisme et du respect de l'opinion et de l'opinion contraire. Quant au Secrétaire général du parti du Congrès pour la République (CPR) Samir Ben Amor, il a indiqué au téléphone que «le discours du Premier ministre a brisé les espoirs», estimant que les dirigeants du pays «sont incapables de faire des pas concrets pour réaliser les objectifs de la révolution». «Le gouvernement actuel ne fait que sombrer les gens dans la désillusion, dès lors qu'il n'a jusqu'à présent réalisé aucun acquis pour les Tunisiens», a-t-il relevé, précisant que la position du CPR opposée au gouvernement de transition demeure constante, dans la mesure où il n'a pas encore jugé les symboles du régime déchu et les tueurs d'innocents. Il a, également, dénoncé l'échec du gouvernement à contenir la dérive sécuritaire et la poursuite de la répression des manifestations pacifiques, concluant que «le gouvernement a échoué dans la réalisation des objectifs de la révolution». M. Lotfi El Mraihi, président de l'Union populaire républicaine (UPR) a précisé que la décision de boycotter la réunion du Premier ministre du gouvernement de transition intervient à la suite des défaillances de la politique sécuritaire et du mode de gestion des affaires politiques et du laxisme dans le jugement des symboles de l'ancien régime. Ces questions, a-t-il indiqué, n'ont pas été évoquées dans le discours du Premier ministre et demeurent encore en suspens. Le gouvernement de Béji Caïd Essebsi n'est autre qu'un prolongement du «gouvernement Ghannouchi III», a-t-il rapproché, dès lors qu'il englobe des figures de l'ancien régime qui dirigent encore le pays derrière les coulisses». Pour sa part, le Secrétaire général du parti du progrès, Fathi Touzri a indiqué à l'Agence TAP que la décision de boycotter la réunion du jeudi vient d'être confirmée à posteriori. «Le discours n'a pas apporté de nouveaux éléments, ni évoqué la situation qui prévaut actuellement dans le pays», a-t-il indiqué, «Le gouvernement de transition oeuvre dans un cadre restreint et en concertation avec certains partis à l'exclusion d'autres, rappelant les pratiques de l'ancien régime», a-t-il dit. «En cette étape transitoire et en l'absence d'une instance parlementaire, le gouvernement de transition aurait dd instaurer un dialogue national et lancer le processus politique avec la participation de toutes les composantes de la société», a-t-il soutenu. «Le faible rendement du gouvernement dans la gestion du dialogue a nourri le scepticisme et donné lieu à un déficit de confiance chez les tunisiens, notamment chez les jeunes générations», a-t-il expliqué. Le gouvernement est appelé plus que jamais à engager des réformes urgentes et tous azimuts, a-t-il fait remarquer, ajoutant qu'il aurait dû instaurer des plate-formes idoines favorisant la participation des parties politiques et sociales. «Le gouvernement n'est pas parvenu à jeter les fondements de la réconciliation et de l'unité nationale et à engager des réformes judiciaires, sécuritaires, administrative et médiatiques», a-t-il conclu, précisant que ces réformes auraient balisé la voie au prochain gouvernement pour qu'il poursuive l'élan de réforme.