Elle reproche à la police de l'air et des frontières de n'avoir posé aucune question à son fils de 16 ans lorsqu'il s'est envolé vers la Turquie pour gagner le front syrien. Son fils a passé les contrôles aux frontières sans éveiller le soupçon de la police, malgré son jeune âge, son absence de passeport et le caractère sensible de sa destination. Nadine D. est la première mère de famille à attaquer l'Etat pour faute, via une plainte déposée mi-novembre devant le tribunal administratif de Paris, après le départ de son fils mineur pour le front syrien. Il y a un an, Dylan*, 16 ans, a quitté sa ville du sud de la France pour gagner les rangs des combattants jihadistes. Elle explique les raisons de cette procédure inédite contre le ministère de l'Intérieur qu'elle juge responsable de n'avoir pas tenté d'en savoir plus sur ce drôle de voyageur solitaire. Qui est votre fils ? NADINE. C'est un garçon plutôt timide. Notre famille est de culture catholique, mais il s'est intéressé à l'islam environ un an avant son départ, sous l'influence de certains camarades d'école. Son comportement n'avait pas changé, si ce n'est qu'il refusait de manger du porc. Comment avez-vous appris son départ ? Un soir, il m'a dit qu'il allait dormir chez un ami, comme il le faisait parfois. Il est parti sans même prendre un sac à dos, je ne me suis pas méfiée. Le lendemain, il n'est pas rentré et son portable ne répondait pas, ce qui était inhabituel. J'ai appris par d'autres mamans du quartier qu'il était parti en Turquie avec deux ou trois copains pour gagner la Syrie. Je n'y croyais pas, jusqu'à ce qu'il m'appelle la nuit suivante. Il était en pleurs et m'a dit : « Maman, pardonne-moi, je suis en Turquie et je pars en Syrie pour faire de l'humanitaire. » J'étais effondrée et très en colère. Vous en voulez à la police ? Enormément. La loi autorise un mineur à partir en Turquie, réputée pour être un point de passage vers la Syrie, avec une carte d'identité, ce qui est aberrant. Vu l'actualité, la police aux frontières aurait au moins dû s'inquiéter en voyant un mineur seul rejoindre cette destination. Le bon sens aurait voulu qu'on lui demande pourquoi il s'y rendait, s'il y avait des attaches familiales, et pourquoi il n'était pas accompagné. La liberté d'aller et venir s'accompagne pour la police d'un devoir d'agir pour mettre fin à une situation à risques. C'était le cas, mais ils l'ont laissé passer. Je tiens l'Etat pour responsable du départ de mon fils. Avez-vous des nouvelles de lui ? Oui, sur Facebook ou par Skype. Nos échanges sont brefs. Il se borne à me rassurer en me disant qu'il va bien, qu'il ne fait rien de mal. En réalité, je suis certaine qu'il est surveillé lors de nos échanges.