En cette journée du mardi 15 Octobre 2019, jour de commémoration de la fête de l'Evacuation, un autre événement de première importance pour toute la région de Bizerte a aussi marqué cette journée, s'agissant de l'inauguration du nouveau Centre d'Arts dramatique de la capitale du Nord, Bizerte. Un autre acquis pour les jeunes amateurs du 4ème Art et pour tous ceux qui s'intéressent à la vie culturelle locale et à toutes les formes d'expression scénique, la région ayant un riche passé dans le domaine comme en témoigne l'exposition présentée à l'occasion, sur « L'Association Annahdha de représentation théâtrale de Bizerte » et ses illustres figures et hommes de théâtre ; une association au parcours fort éloquent et qui fêtera son centenaire à partir de l'année prochaine. Ce nouveau local du CADS de Bizerte a élit domicile dans un pittoresque lieu longtemps délaissé mais d'une beauté architecturale qui sied avec son nouveau rôle d'espace culturel, cette partie de l'église de Bizerte se trouvant derrière la nef, bien aménagée pour devenir un local « exploitable », ce lieu de culte étant géré par le ministère des Affaires culturelles en accord avec le Vatican, mais en tant qu'espace culturel évidemment. Cette journée inaugurale a été entamée par une conférence présentée par le professeur Ezzedine Abbassi, et conduite par M. Sami Nasri, traitant du sujet « Les structures dramatiques : l'ordonnancement et le fondement » et où le conférencier a présenté le passé du mouvement théâtral dans le pays, les problématiques posées à ce secteur et la manière de « sauvegarder » le théâtre tunisien de cette absence d'intérêt et de stratégie, particulièrement pour les Centres d'Arts dramatiques et Scéniques, anciens et ceux nouvellement créés. Après avoir rappelé l'apparition des premières troupes de théâtre, à Sfax et au Kef respectivement en 1964 et 1966), et des premiers CADS toujours au Kef et plus tard à Gafsa et à Sfax, M. Ezzedine Abbassi a précisé que 55 ans après, le théâtre régional reste sans soutien, sans structure, et surtout « non reconnu ». Et même la « tentative » du président défunt Habib Bourguiba de structurer le secteur et de créer des espaces de création, les « Maison du Peuple » (« Dar Ech-Chaâb »), selon les expériences des pays de l'Est en ce temps-là, ces lieux s'étaient transformés en lieux de propagande politique, loin de leur vocation première, selon M. Ezzedine Abbassi. A ce jour donc, aucun statut ne gère le secteur théâtral, et trop d'obstacles ont toujours freiné toute tentative de mettre sur pied ledit statut, et ce, en raison de la « sensibilité » du domaine au niveau social, entre autres, étant le meilleur moyen d'acculturation des masses. Cette grave carence pourrait entraîner la « dissolution », tôt ou tard, de ces Centres d'Arts dramatiques et Scéniques, à l'image, comme l'a soutenu l'orateur, de la Troupe de la Ville de Tunis, déjà que les anciennes Troupes régionales ont subi ce sort en 1983, juste après la création du Théâtre National qui a condamné celles-ci à la disparition par sa monopolisation de la vie théâtrale. Mais parallèlement à ce constat amer, le sujet de la décentralisation a été aussi soulevé, une réelle décentralisation qui donnerait aux régions l'occasion de « créer » l'événement par leurs propres moyens, car le théâtre a toujours été une forme de résistance à tous les obstacles et contre toutes les orientations, et ne peut être qu'au profit du peuple, particulièrement à ces nouvelles générations qui s'intéressent, et légitimement, à la Culture. Quant aux solutions proposées, il s'agit, entre autres, du côté juridique des CADS, de leur « légitimité », de leur réglementation, des activités propres à ces Centres, de la nécessité de mettre en pratique pour ces derniers de la formule « Contrats à Objectifs » … Pour sa part, M. Sami Nasri a mis en exergue l'importance de ce projet de création des CADS qui donne l'occasion à toutes les régions du pays à vivre leur propre expérience théâtrale et à donner la chance aux jeunes férus de théâtre de s'illustrer, tout en rappelant le cheminement du théâtre tunisien et l'influence des changements politiques et leurs incidences sur son parcours, devenant de ce fait un « théâtre orienté ». Nasri a souligné aussi l'importance de la riche expérience des Troupes régionales de théâtre dans les années 70-80 qui a permis au mouvement théâtral en Tunisie de se prolonger, même s'il a connu après leur dissolution une réelle stagnation. Il s'agit donc pour ces CADS de leur délimiter les cadres administratifs et juridiques afin qu'ils puissent avoir une assise légale qui les protègera et ceux qui s'y activent. Et comme cérémonie d'ouverture, ce sont les ensembles de l'Association euroméditerranéenne de la culture de Monastir et leurs poupées géantes, de la Troupe « Percussions des tambours » de Mahrès les accompagnant, ainsi que les jeunes stagiaires dans la « Commedia Del Arte », dirigés par Naoufel Azara, qui ont animé l'espace extérieur du nouveau Centre, avant son inauguration officielle par M. Mohamed Gouider, Gouverneur de Bizerte, en présence de M. Abdelhalim Messaoudi, conseiller auprès de M. le ministre des Affaires culturelles, du Délégué régional aux Affaires culturelles, M. Chokri Tlili et de la Directrice du CADS de Bizerte, Mme, Jamila Tlili. Suite à quoi, deux performances ont eu lieu dans la salle de spectacle de la Maison de Culture jouxtant ledit Centre, la première, un monologue intitulé « Infra-rouge » et donné par la jeune Emna Gharsalli, texte et mise en scène de Seifeddine Al-Adib, la seconde, une chorégraphie de la jeune Amel Aouini, intitulée « La mafarr » ( « Pas d'échappatoire »), deux jeunes qui ont émerveillé les présents par la qualité de leurs jeux et qui ont été chaudement saluées.