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LE MOT POUR LE DIRE : ATTEINTE AU SACRE
Publié dans Tunivisions le 24 - 10 - 2012

La mort de Lotfi Nakdh marque une étape décisive dans la démarche de la « Troïka » et, plus particulièrement, dans son mode de gouvernement. R. Gannouchi en personne vient de le confirmer, hier à Fouchana, en s'étendant sur la nature de la prétendue « troïka », dominée par son invincible parti, affirmant, avec son arrogance coutumière, qui dit long sur sa piété, sur sa modestie, sur sa conception de la démocratie et sur le respect qu'il voue à ses adversaires politiques, que la Nahdha (le nom de Quiyama conviendrait mieux à un parti-confrérie qui entend s'éterniser dans le pouvoir) est, selon ses dires, la colonne vertébrale de tout gouvernement de coalition présent et à venir, dans le cadre duquel il incombe aux partis satellites d'assurer, comme c'est le cas dans l'actuel gouvernement, le rôle dégradant de comparses. Cette analyse extralucide se fonde sur la conviction, quasi-religieuse, qu'il n'existe pas – et qu'il n'existera jamais, à tout jamais – d'alternative pour la Nahdha, que le peuple chérit et vénère jusqu'à l'idolâtrie. Fort d'un droit divin, qu'il estime être irrévocable (remarquez, au passage, que l'orateur de Fouchana, ne s'offusque pas d'instrumentaliser Dieu en personne, en faisant de lui le serviteur obéissant de ses desseins dictatoriaux), R. Gannouchi ne se donne pas la peine de ménager l'amour propre de ses alliés présents et futurs. Son message est clair, et sans appel : la Nahdha n'a pas besoin de partenaires, elle peut parfaitement gouverner le pays toute seule, et elle n'hésitera pas à le faire en cas de désistement des partis mineurs, désireux de s'allier à elle.
Cette curieuse prophétie, qui condamne tout un peuple à aimer, bon gré mal gré, un seul parti politique et à le consacrer par la voie des urnes, procède de la démarche du RCD défunt, tant décrié en apparence par les favoris du moment, mais dont on calque, jusque dans les détails, le mode de gouvernement. Cette prophétie qui, curieusement, ne suscite pas la moindre indignation chez ceux qui ont fait de la défense du sacré leur fond de commerce, annonce la victoire anticipée de la Nahdha dans les élections qui se tiendront – si Dieu le veut – dans huit ou neuf mois ! Mais qu'importe la date puisque le résultat est connu d'avance ? Qu'importe le suffrage si Dieu en a décidé ainsi. Remarquez, encore une fois, que la Nahdha, s'étant assuré le monopole de Dieu, s'obstine à lui faire jouer le rôle d'adjuvant, son adjuvant exclusif cela s'entend. Une autre atteinte au sacré qui est passée inaperçue !
Il serait bon alors, en accord avec cette heureuse perspective, d'annuler les élections et d'épargner aux partis de l'opposition, battus d'avance et, aux contribuables en faillite, l'effort de financer une campagne électorale complètement inutile, puisque le champion est, de toutes les façons, connu d'avance. Il serait donc plus sage de consacrer à l'unanimité l'invincible formation de R. Gannouchi, de préférence pour un mandat indéterminé ou, mieux encore, pour l'éternité, et se détourner, une bonne fois pour toutes, de cette mascarade d'élections ! Que ferait R. Gannouchi s'il ne haïssait pas Bourguiba ? Il faut être aveugle en effet pour ne pas voir, dans le projet du leader islamiste, une reprise intégrale de l'itinéraire bourguibien qui s'est soldé, comme nous le savons tous, par la présidence à vie. R. Gannouchi, en apparence plus respectueux des formes et moins narcissique que son frère ennemi, entend introniser son parti et non sa personne ! La différence est capitale, même si, dans les faits, pour les administrés (réduits au statut humiliant de troupeau ou, ce qui revient au même, de ra'iyya (رعية), sujets dociles, peureux, frileux et impuissants de sa majeste-excellence-sainteté), le changement est à peine sensible. Troquer un joug contre un autre, cela tombe sous le sens, ne change strictement rien au calvaire d'un esclave.
Ce scénario, que d'aucuns diraient absurde, est le scénario favori de tous ceux qui, Nahdha en tête, prônent, haut et fort, le rétablissement du califat. Il est donc normal que la majorité au pouvoir, l'incarnation charnelle de la formation religieuse dite Ahl As-sonna wal-jama'a (أهل السنة والجماعة), forte d'une légitimité incontestable, bénie par le ciel et accréditée par la communauté des croyants (جماعة المؤمنين), cherche à pérenniser, au-delà de toute limite, les institutions qui lui ont donné naissance et lui a permis, de ce fait, de façonner l'Etat à sa convenance. Voilà pourquoi l'ANC devrait continuer son petit bonhomme de chemin aussi longtemps que les dépositaires du pouvoir le jugent nécessaire. Un retard d'un semestre, d'une année ou même de deux, n'est rien dans la marche victorieuse du pays vers la démocratie islamiste, soucieuse aussi bien des corps que des âmes de ses administrés. Le gouvernement, qui tire sa légitimité de l'ANC, doit être maintenu, lui aussi, dans son intégralité. Si on devait maintenir intact l'ANC, il faudrait faire de même pour le gouvernement, et qu'on cesse – ô sacrilège ! – de parler à tort et à travers de la fin de la légitimité électorale le 23 octobre 2012.
Pour préserver la révolution contre les fauteurs de trouble, pour la fortifier contre les menées insidieuses des « pourris », les suppôts du régime déchu, les princes régnants (l'heureux trio intronisé suite aux élections du 23 octobre 2011), forts, au-delà de toute limite, de la confiance populaire, décident de recourir à tous les moyens nécessaires pour faire respecter la volonté sacro-sainte du peuple. C'est dans ce cadre précis que se situe l'action de la Ligue de défense de la révolution, qui n'est pas sans rappeler la ligue catholique et son action macabre lors des guerres de religions en France, à laquelle une force occulte a confié la tâche d'effectuer la purge sans laquelle la révolution risque d'être irrémédiablement compromise. Les différents comités de la Sainte Ligue (nom que portait – quelle coïncidence ! – la ligue catholique), qui quadrillent littéralement le pays, sont autorisés à assainir l'administration des éléments corrompus et d'empêcher, coûte que coûte, les contre-révolutionnaires de s'adresser à la communauté des croyants. Lotfi Nahdh est la victime (la première, mais probablement pas la dernière) de ce dérèglement institutionnel qui a frappé de plein fouet la Tunisie postrévolutionnaire, après la prise du pouvoir par un parti islamiste et ses satellites laïcisantes et qui a abouti, en l'espace d'une année, à l'exacerbation de la tension dans le pays, à la désagrégation du tissu social, au recul des libertés fondamentales ; symptômes évidents d'une crise politique sans précédent qui pourrait déboucher, selon certains observateurs, sur une guerre civile dévastatrice.
Comme dans toutes les purges qui se respectent, les exterminateurs – car c'est bien de cela qu'il s'agit – ne manquent pas de lancer une mise en garde à leurs futures victimes, dans laquelle ils précisent au nom de quel idéal ils agissent. Celle des exterminateurs de Tataouine commence, comme par hasard par : Au nom de Dieu clément et miséricordieux. On tue toujours au nom d'une divinité, d'un credo. Dans le cas qui nous retient ici, paradoxe on ne peut plus criard, les exterminateurs ne se rendent même pas compte qu'en agissant comme ils l'ont fait, ils vont à l'encontre du Dieu clément et miséricordieux qu'ils prétendent servir.
Mais à bien considérer les choses, on se rend rapidement compte que les hordes fanatisées et haineuses agissent bel et bien au nom d'une divinité, mais pas au non du Dieu clément et miséricordieux des Tunisiens et des musulmans. Leur/s divinité/s (contrairement à Dieu l'Unique, les divinités des exterminateurs, les associateurs du moment, font légion : ils sont aussi nombreux que les cheikhs qui meublent les plateaux de télévision et passent leur vie à travailler des foules anonymes, mais disponibles) à eux sont des êtres en chair et en os qui ne prennent pas la peine, pour donner l'illusion qu'ils respectent les règles d'un jeu dont ils se prétendent être les garants, de se dérober. Sous couvert d'une immunité à toute preuve, conséquence naturelle de l'impunité dont ils jouissent dans un Etat qui se prétend être de droit, ils distillent leur venin sur les plateaux de télé, sur les places publiques, dans les mosquées surtout pendant les prêches du vendredi. Ces redoutables divinités de la discorde et de la sédition se comptent par centaines et elles ont les coudées franches.
Les prières du vendredi sont devenues des véritables meetings politiques au cours desquels des « imams » déchaînés, sans la moindre retenue, étripent allègrement leurs adversaires (les adversaires de leurs dieux cachés) qui, par un simple goût de langue – terrible baguette magique dont l'effet est décuplé par les minbars (autels) sur lesquels se tiennent ces énergumènes – deviennent les ennemis de Dieu. Ces illuminés, imbus de suffisance et de haine (deux qualités qui devraient, en toute logique, leur interdire l'exercice d'un ministère religieux de cette importance, celui de disposer des consciences de leurs semblables), avec l'inconséquence caractéristique des forcenés de tous poils, n'hésitent pas, à coups de versets et de hadiths, non seulement d'appeler au meurtre, mais d'en faire une obligation susceptible de perdre le croyant qui s'en détourne ! Le résultat est, à tous les points de vue, désastreux : ceux qui, parmi les fidèles, ne se pressent pas de prendre les armes, sont pleins d'une haine farouche à l'égard d'une frange de leurs concitoyens qui a le tort – ô sacrilège ! – d'être différente d'eux. En fait, leur véritable crime est d'avoir osé démasquer les forces occultes, ces princes des ténèbres, qui n'ont pas le courage d'affronter le soleil.
Une question s'impose : Mais où est l'Etat ? Pourquoi délègue-t-il des particuliers pour s'acquitter d'une tâche qui lui revient de droit ? Si l'administration est infiltrée ou infestée par les suppôts du régime déchu, comme le prétend R. Gannouchi, il incombe à l'Etat, et non à des hordes, déguisés en révolutionnaires, de les débusquer et de les mettre hors d'état de nuire. Il va sans dire qu'il s'agit là d'un acte de justice qui doit être pris en charge par les tribunaux et non par des tribuns échevelés et partisans. Il va sans dire également qu'il n'est du droit d'aucun parti, aussi puissant soit-il, de discréditer un autre parti, qui plus est légal, et de l'accuser de tous les torts. Si Nidâ Tounès, comme le prétend R. Gannouchi, est préjudiciable à la Tunisie, il n'a qu'à entamer, en son nom propre ou au nom de son parti, une action en justice pour contraindre les autorités compétentes de lui retirer son autorisation. Toute autre manœuvre, en dehors de celle-là, relève de la surenchère politicienne. Pire encore, elle s'apparenterait à une incitation à la haine et à la violence : celles-là mêmes qui ont coûté sa vie à feu Lotfi Nakdh.


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