Je suis toujours heureux des commentaires qui donnent suite à la pensée engagée et aux débats suscités par certains de mes écrits, car ma conviction est qu'une idée exprimée est toujours incomplète sans la conversation qui pourrait en découler. Je suis donc redevable à ces commentaires, quelles qu'en soient la nature et la couleur, de l'enrichissement que j'en tire et du dialogue qu'ils me permettent. N'est-ce pas ainsi que s'édifie et se consolide la culture de la démocratie ? N'est-ce pas là, le projet de la nouvelle Tunisie ? Dans sa majorité, la Tunisie doit avoir tiré la leçon qu'il faut de son présent et de son passé, pour savoir ce qui est à y prendre et ce qui est à laisser. Parce qu'à l'issue de son parcours transitionnel, elle est appelée à faire ce qui se doit pour mieux construire son avenir sur les principes du droit, de la justice et de la démocratie intégrale. C'est sans doute dans cet ordre d'idées que certains amis m'ont interrogé, à partir de l'article que j'ai publié ici même sur Mustapha Kamel Nabli après la présentation de sa candidature à l'élection présidentielle : « Ne pensez-vous pas, m'a-t-on dit, que ce Monsieur, à tous points respectable et compétent, serait mieux à la tête du gouvernement, plutôt qu'à la présidence ? » J'ai pu constater d'ailleurs que l'idée est largement partagée parmi plusieurs citoyens. Cela ne m'empêche pas d'apporter ici quelques nuances qui me semblent mériter réflexion. D'abord, il est évident que la présidence du gouvernement sera partisane et ne saurait de ce fait revenir à un indépendant aussi compétent soit-il, car le parti qui gagnera les législatives n'acceptera pas de se départir d'un pouvoir acquis au profit de quiconque ne soit pas attaché à sa laisse, même s'il est convaincu qu'il s'agit d'une grande compétence, tel qu'il n'y en a pas parmi ses militants. L'expérience des trois dernières années est éloquente à ce propos, surtout les deux premières d'entre elles. Ensuite, pourquoi voulons-nous que notre futur président, au moins pour les cinq ans à venir, soit ignorant en matière d'économie et de finances, alors que l'avenir du pays est étroitement lié à ces secteurs ? Si nous acceptons le principe, rationnel et intelligent pour certains spécialistes, d'un président non impliqué dans les tiraillements partisans, appelé ainsi à jouer le vrai modérateur capable de fédérer autour de l'intérêt de la patrie et non de celui de son parti, n'est-ce pas aussi rationnel et aussi intelligent de le choisir avec assez de savoir et de maîtrise des secteurs clés du développement ? De cette façon, il ne sera pas appelé, dans les grands rendez-vous internationaux en la matière, d'aller marquer sa présence comme un mauvais élève, et de profiter de l'argent du peuple pour aller enrichir son calepin touristique. Au contraire, son rayonnement aidant, et l'homme dont nous parlons en a des plus influents, comme d'autres rares candidats d'ailleurs, il peut donc constituer un pilier solide à l'action du gouvernement et, au lieu de se perdre avec elle dans des tergiversations inutiles et des simagrées ridicules, il oeuvrera à fédérer autour de ses programmes, à la fois l'énergie et la volonté des citoyens ainsi que la collaboration solidaire des partis les plus pesants et les plus pensants. A un moment où certains candidats semblent appeler à voter les malheureux du passé, qui se sont d'ailleurs offert le loisir de se faire largement compenser, ou les grands riches, qui sont capables de tout acheter, apparemment même l'Etat, pour certains, d'après leurs déclarations, n'est-ce pas plus responsable et plus patriotique d'opter pour la richesse intelligente de la compétence et de l'expérience ? Les cinq années à venir sont essentielles pour l'avenir de la Tunisie et le plant de la démocratie qui y pousse n'a peut-être besoin ni d'une présidence et un gouvernement de même parti, ni d'une présidence et un gouvernement antagonistes. Puisque le gouvernement est partisan, même s'il s'ouvre à la participation d'autrui, notre chance est peut-être dans une présidence neutre, tout en sachant que la neutralité n'est pas absence de position, mais indépendance de décision entre les concurrents, pour l'intérêt de l'ensemble et pour la qualité du vivre-ensemble. Voilà mon idée, qui n'est pas à prendre comme un parti-pris systématique pour M. Mustapha Kamel Nabli, car d'autres candidats peuvent être classés dans la même catégorie ! Il s'agit juste d'une approche personnelle de la situation, une pensée libre et indépendante, non personnalisée même s'il a fallu la développer à partir d'un exemple concret. D'ici le 23 novembre au moins, le débat continuera à ce sujet et c'est tant mieux, pour la patrie et pour l'éducation et la culture démocratique du citoyen.