Alors que le président Ben Ali, démis, serait sur la route vers un pays du Golfe arabique, la polémique a été déjà lancée en Tunisie à propos de la légalité et de la légitimité de la passation des pouvoirs. L'article 56 de la constitution, stipulant que le président de la République peut déléguer ses pouvoirs au Premier ministre en cas d'inaptitude de ce dernier à exercer ses prérogatives, ne serait pas, d'après des juristes, le plus approprié pour la circonstance. L'article le plus valable serait, d'après eux, l'article 57 qui délègue les pouvoirs au président de la Chambre des députés pour au moins 45 jours, le temps de préparer de nouvelles élections législatives et présidentielles. Dans l'intervalle, le peuple tunisien ne peut même pas savourer les fruits de sa révolution, à cause de l'insécurité vécue dans plusieurs cités de la capitale et régions de l'intérieur. Les gens barricadés, en état de siège. Sur la toile, des messages de panique se multiplient. Des agresseurs continuent à saccager des biens publics et privés. «La ville est en train d'être pillée, encore maintenant», témoigne un journaliste. «Informez les gens qu'ils se protègent». De nombreuses voix commencent à se demander où est l'ordre? Pourquoi tarde-t-il à revenir? Qui manipule cette violence? Les militaires sont dans les rues pour protéger le pays du chaos. Selon M. Kilani, bâtonnier de l'Ordre des avocats tunisiens en direct sur France24, assure: "La prison d'Ennadhour à Bizerte à été désertée par le personnel de la prison, tous les détenus se sont échappés, et il s'agit tous des criminels dangereux et même des condamnés à mort... Faites attention!. Entre temps, d'autres prisons se sont libérées, des gangs pillent les villes, saccageant tout sur leur passage. Les témoignages précisant des actes de pillage et de violence continuent de se perpétrer à Tunis, Sousse, Hammamet, Nabeul, Ariana, Sur Facebook, on lit «ca tire, l'armée est en train d'assumer son rôle». On lit aussi «n'ayez pas peur. C'est l'armée qui reprend le contrôle. Elle tire pour dissuader et maîtriser les agresseurs». A la radio, les gens appellent, affolées, s'interrogeant sur les raisons d'un tel désordre. La population ne parvient pas à comprendre Les gares, hôpitaux et autres sont attaqués. D'autre part, de nombreux appels à la vigilance sont émis de la part de citoyens, de manifestants, d'opposants et d'internautes «La Constitution n'a pas été respectée. Pourquoi? La toile se déchaine contre le nouveau président provisoire de la République. On y lit notamment des appels à continuer la révolution, alors que d'autres appellent au calme. Le juriste Riadh Ben Achour a déclaré sur la chaîne Al Jazeera que bien que la procédure suivie n'ait pas respecté les clauses stipulées sur la Constitution concernant la relève en cas de vacance présidentielle, il vaut mieux une solution incomplète que de vivre dans le chaos. Des universitaires ont aussi déclaré que Mohamed Gahnouchi est une solution de rechange valable dans l'urgence. Si quelques-uns appellent à la pondération, au calme et pensent qu'«au bout de quelques semaines, le nouveau président (entouré de l'armée et des forces vives du pays) devra annoncer l'incapacité définitive de Ben Ali à présider; on devra basculer sur l'article 57, et ce sera dans ce cas à Mbazaa, le président de l'Assemblée nationale, d'assurer l'intérim. Il aura pour tâche d'organiser des élections législatives à partir desquelles sans doute des figures présidentiables émergeront. Certains évoquent une période transitoire de 2 mois sous la présidence de Mbazaa même si la Constitue indique 45 jours-, mais sous le contrôle rapproché de l'armée. Etant donné que la police s'est illustrée, encore une fois, par sa cruauté envers le peuple. «Voilà pour l'appréciation optimiste de ce tournant pour la Tunisie». D'autres restent encore moins tranchés. Entre temps, sur les plateaux télé, Nessma et Hannibal Tv, on n'en revient pas à dire «Ghannouchi, pas Ghannouchi!». Un avocat invité sur le plateau et agressé par les forces de l'ordre deux jours auparavant semble abasourdi. Le nouveau président provisoire lui-même au téléphone répond aux questions des journalistes et se veut rassurant. La question primordiale est le retour de l'ordre. Beaucoup plus loin et notamment à Paris, un citoyen tunisien se félicite de ce qui vient de se passer, déclarant: «Le peuple tunisien est le premier peuple dans un pays arabe à avoir fait tomber un dictateur. Il faut garder en tête que ce moment est historique. Je suis plus que jamais fier d'être Tunisien. Cette révolution a été voulue et faite par le peuple tunisien. Il l'a payé de son sang». A Tunis, certains sont en colère contre l'annonce et la forme donnée à l'annonce. «Trop froide. Pas rassurante. Il fallait envoyer des messages forts que le peuple a obtenu ce qu'il voulait», clame M.A ayant participé à la manifestation et joint par téléphone, quelque peu après l'annonce de la nomination d'un nouveau président tunisien provisoire. Et ce que voulaient pour certains, c'était le départ de Ben Ali. Pour d'autres, c'était l'application de la Constitution. Ce peuple est exceptionnel. Alors que la démocratie n'est fraîche que de quelques heures, d'ores et déjà les opinions fusent dans tous les sens. On s'exprime, explique et argumente. Les dérapages sont là. Les modérés et les radicaux s'affrontent sur la toile et sur tous les autres moyens de communication. Nul doute que la Tunisie, forte de ses forces vives et de ses compétences, saura reconstruire demain. La démocratie est bel et bien en route.