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La révolution
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 03 - 2011


Par Sadok MARZOUK
Rappel de quelques concepts : Il n'est peut-être pas inutile de rappeler, d'abord, la définition de certains concepts essentiels :
La souveraineté : c'est la détention du pouvoir de décider de l'ordre social et politique, autrement dit de l'ordonnancement juridique valable dans la société.
La marque essentielle de la souveraineté, c'est la possession du pouvoir constituant, autrement du pouvoir d'établir une Constitution.
Dans une perspective républicaine, la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce, dans les sociétés modernes, par délégation à des représentants par voie d'élections. C'est ce qu'on appelle la démocratie représentative, par opposition à la démocratie directe.
Les élections sont, ainsi, le moyen par lequel le peuple exprime sa volonté. Mais cela n'est valable que dans le cas où le peuple reconnaît encore les institutions politiques en place, dont notamment la Constitution, et les considère donc encore comme légitimes. Car il est bien entendu que le peuple en révolution ne peut s'exprimer par des élections. Il manifeste, alors, sa volonté par consensus.
La légitimité (politique) : c'est la conformité à l'ordre social et politique désiré par le peuple. Elle se distingue de la légalité qui est la conformité au droit positif existant.
Le consensus : c'est un accord général tacite ou manifeste parmi les membres d'un groupe, pouvant permettre de prendre une décision sans vote préalable.
Le peuple : le concept peuple est un concept politique. En cela, il se distingue de la population qui est un concept démographique et statistique.
Ce sur quoi il faut insister, c'est que dans une situation révolutionnaire, le peuple ne se confond pas avec les électeurs, mais il est constitué par les révoltés qui, par leur courage et leur détermination, se trouvent rassemblés pour résister au pouvoir établi et prouvent, ainsi, qu'ils représentent le peuple tout entier.
Je ne trouve pas mieux, ici, pour définir le peuple, dans une situation révolutionnaire, que de citer ce très beau passage de Alain Badiou extrait de son article «Tunisie, Egypte : quand un vent d'est balaie l'arrogance de l'Occident. Les soulèvements des peuples arabes sont un modèle d'émancipation», article publié au journal Le Monde du 19 février 2011:
«Le peuple, le peuple seul, est le créateur de l'histoire universelle. Il est très étonnant que, dans notre Occident, les gouvernements et les médias considèrent que les révoltés d'une place du Caire soient le peuple égyptien. Comment cela ? Le peuple, le seul peuple raisonnable et légal, pour ces gens, n'est-il pas d'ordinaire réduit, soit à la majorité d'un sondage, soit à celle d'une élection ? Comment se fait-il que, soudain, des centaines de milliers de révoltés soient représentatifs d'un peuple de 80 millions de gens ? C'est une leçon à ne pas oublier, que nous n'oublierons pas.
Passé un certain seuil de détermination, d'obstination et de courage, le peuple peut en effet concentrer son existence sur une place, une avenue, quelques usines, une université … C'est que le monde entier sera témoin de ce courage et surtout de stupéfiantes créations qui l'accompagnent. Ces créations vaudront preuve qu'un peuple se tient là».
Conséquences de la révolution du 14 janvier sur les institutions politiques existantes
La révolution du 14 janvier, comme son nom l'indique, n'est pas un mouvement réformiste. Les révolutionnaires du 14 janvier n'ont pas entendu demander que certaines réformes soient apportées au système existant. Ils ont exprimé clairement leur volonté de ne plus reconnaître ce système. La constitution est devenue, de ce fait, caduque et le peuple a récupéré son pouvoir constituant originaire. Il a, par ailleurs, révoqué la délégation qu'il était censé avoir faite à ses représentants : président de la République, Chambre des députés, Chambre des conseillers et gouvernement. Toutes ces institutions sont devenues caduques et n'ont même pas besoin d'être formellement dissoutes.
Est-il besoin de souligner que la régularité du recours fait à l'article 57 de la Constitution est plus que douteuse.
*En effet, l'application de cet article suppose la vacance de la présidence de la République pour trois causes limitativement énumérées, à savoir le décès, la démission ou l'empêchement absolu du président de la République. Il est évident que c'est la démission qu'on a visée pour faire application de l'article 57 de la Constitution. Mais sommes-nous dans l'hypothèse d'une démission ? La réponse, d'un point de vue strictement juridique, est à l'évidence négative. Car Ben Ali n'a pas présenté sa démission, mais s'est enfui, ce qui est différent. En effet, si la démission est prévue par la Constitution et donc un acte constitutionnel, autrement dit un acte juridique régulier, la fuite est un abandon de poste, autrement dit un fait anticonstitutionnel puisque, non seulement elle n'est pas prévue par la Constitution, mais elle constitue une trahison de celle-ci. Il faut rappeler, à cet égard, que d'après l'article 41 de la Constitution «le Président de la République est le garant de la l'indépendance nationale de l'intégrité du territoire et du respect de la Constitution et des lois ainsi que de l'exécution des traités. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels et assure la continuité de l'Etat».
La fuite de Ben Ali a créé, ainsi, un vide constitutionnel (Voir mon article sur Le Monde. fr. Débats. du 1er février 2011).
Il s'en, suit que la délégation faite par la Chambre des députés et la Chambre des conseillers de leur pouvoir législatif au président de la République par intérim, en s'appuyant sur l'article 28 d'une Constitution caduque, est nulle et non avenue, pour défaut de qualité du délégant. Dans ces conditions, le recours à l'article 57 de la constitution de 1959 pour faire désigner le Président de la Chambre des députés aux fonctions de président de la République par intérim et le recours à l'article 28 pour faire déléguer par les deux chambres du Parlement le pouvoir législatif au président de la République par intérim, constituent un artifice destiné à confisquer la révolution et à faire obstacle à l'exercice par le peuple de sa souveraineté retrouvée . Mais le peuple révolutionnaire ne s'est pas laissé faire. Par ses manifestations dans tout le pays et ses rassemblements à la Kasba, il refuse de reconnaître les pouvoirs mis en place par l'utilisation abusive de certains articles d'une Constitution, par ailleurs, morte, même si on ne veut pas encore se résoudre à l'enterrer, et ce, dans le vain espoir de la faire ressusciter !
Que faire, alors ?
Le nouvel ordre social et politique voulu par le peuple
Le gouvernement provisoire de Monsieur Mohamed Ghannouchi et les partis politiques de l'opposition qui en faisaient partie voulaient organiser des élections présidentielles d'abord. La question de la révision de la Constitution viendrait après.
Cette démarche, si elle aboutissait, aurait toutes les chances de nous ramener un Ben Ali bis. Le peuple n'est pas dupe. C'est pourquoi il demande, d'abord, la formation d'une Assemblée constituante qui aura pour tâche de définir le nouveau régime politique. Cette proposition semble, aujourd'hui, recueillir l'adhésion de tous ceux qui ont exprimé leurs opinions sur les journaux ou sur les plateaux de télévision (anciens ministres, universitaires, journalistes, etc). Mais ces opinions ont toutes les qualités sauf l'essentiel, à savoir qu'elles n'indiquent pas comment former cette Assemblée constituante et, pire encore, elles demandent soit au gouvernement provisoire soit au président de la République de convoquer cette assemblée, alors même que le Code électoral n'est pas encore modifié ; sans parler de la non-habilitation du président de la République par intérim pour convoquer une Assemblée constituante, pour les raisons que je viens d'évoquer (un Parlement caduc ne peut valablement déléguer le pouvoir législatif qu'il a perdu) et parce que, de toute manière, la délégation faite au président de la République par intérim  par la loi n°2011 du 9 févier 2011 ne comporte pas le pouvoir de convoquer une Assemblée constituante, un tel pouvoir étant, du reste, implicitement mais nécessairement interdit par l'article 57 de la Constitution.
Comment faire ?
La solution est simple comme l'œuf de Colomb. Il suffit d'y penser et il fallait y penser dès le jour de la fuite de Ben Ali, mais on n'y avait pas pensé ou on ne voulait pas y penser. La voici, la solution :
Le peuple révolutionnaire souverain , après une large consultation de toutes ses composantes réunies, s'il le faut en congrès, mais pas nécessairement, désignera par consensus, dans les plus brefs délais, une assemblée qu'on pourra appeler Assemblée nationale révolutionnaire, pour éviter l'appellation de Conseil de la Révolution, généralement utilisée par les auteurs de coups d'Etat . Les tâches qui seront assignées à cette assemblée seront les suivantes :
Désigner un gouvernement provisoire qui ne sera responsable que devant elle et sur lequel le président de la République par intérim (maintenu par consensus du peuple et ne tirant pas sa légitimité de l'article 57 de la défunte Constitution) n'aura aucun pouvoir;
Exercer le pouvoir législatif et, pour commencer, voter la loi modifiant le Code électoral ;
Une fois le nouveau Code électoral adopté, organiser des élections pour la désignation d'une Assemblée constituante, en spécifiant que cette assemblée cumulera le pouvoir législatif et le pouvoir constituant;
Une fois l'Assemblée constituante réunie, l'Assemblée nationale révolutionnaire se séparera, autrement dit se dissoudra.
L'Assemblée constituante exercera, alors, le pouvoir législatif, tout en préparant le projet de la nouvelle Constitution.
Une fois le projet de la nouvelle Constitution établi, il sera soumis pour adoption soit au vote de l'Assemblée constituante, soit au référendum.
Après l'adoption de la nouvelle Constitution, l'Assemblée constituante continuera à siéger jusqu'à la réunion du Parlement dont elle aura organisé l'élection en même temps que celle du président de la République, s'il est décidé qu'il sera élu au suffrage universel.
Une fois le Parlement réuni, l'Assemblée constituante se dissout.
Et tout rentrera dans l'ordre, le nouvel ordre, bien entendu.


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