TUNIS, 17 fév 2011 (TAP)- M. Rafaa Ben Achour, professeur de droit, a souligné que la fuite sans préavis du président déchu a surpris tout le monde y compris ceux qui étaient au pouvoir, dont en premier lieu, le Premier ministre, le président de la Chambre des Députés et le président de la Chambre des Conseillers, relevant que ce départ imprévu a généré un désarroi constitutionnel. Dans une communication présentée lors d'une conférence organisée, jeudi, par la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, sur "Les questions juridiques et institutionnelles, à la lumière de la révolution", le Pr. Rafaa Ben Achour a indiqué que le fondement constitutionnel sur lequel s'est appuyé le premier ministre pour accéder à la présidence de la République n'était guère sérieux et que le recours à l'article 56 de la Constitution s'est effectué à l'effet de gagner du temps, en attendant que les choses se clarifient. Cette situation a pu ensuite être dépassée grâce au recours à l'article 57 de la Constitution et à l'annonce de la vacance au poste de président de la République, ce qui a permis d'être en conformité avec le texte de la Constitution. Pr. Rafaa Ben Achour a fait observer que l'accession du président de la Chambre des Députés à la présidence de la République par intérim a permis de rétablir à la normale la légalité constitutionnelle, indiquant qu'il s'est avéré, de son point de vue, que "l'article 57 de la Constitution n'était pas à l'aune de l'ampleur de cet événement que vit le pays." Il a souligné que cette situation a donné lieu à de nombreuses lectures et interprétations constitutionnelles de la situation actuelle et que certains ont plaidé en faveur de l'impossibilité de l'organisation d'une élection présidentielle, dans une période comprise entre 45 et 60 jours et qu'il est possible de résoudre ce problème à travers la prorogation du mandat du président de la République par intérim. M. Ben Achour a ajouté que ces lectures n'étaient pas défendables sur le plan juridique, ce qui montre qu'il s'agit d'une nouvelle théorie qui repose sur le primat de la légalité révolutionnaire par rapport à la légalité constitutionnelle et qui appelle à l'élection d'une Assemblée nationale constituante afin d'élaborer une nouvelle constitution pour la Tunisie. Il a, en outre, relevé que l'article 57 de la Constitution n'est pas adapté à l'élan révolutionnaire que vit la Tunisie, ce qui explique, a-t-il dit, l'émergence d'une tendance visant à instaurer un nouveau régime constitutionnel, à se débarrasser définitivement de la Constitution du 1er juin 1959 et à entamer dans les plus brefs délais l'opération de rénovation constitutionnelle et d'édification de la "deuxième République", ce qui constitue une orientation irréversible et décisive qui est une revendication du peuple et des différentes composantes de la société civile. Il a réaffirmé que l'appel à la tenue d'une assemblée constituante après expiration du mandat du président de la République par intérim, marquera une coupure avec la lettre et l'esprit de l'article 57 de la Constitution et sauvera la Tunisie des tractations oiseuses, relevant que cette option permettra au pays de transiter de la phase de la légalité constitutionnelle vers la légalité révolutionnaire qui suppose l'implication du peuple dans la définition des contours de son propre destin. Sur un autre plan, M. Béji Caïd Essebsi, ancien ministre des affaires étrangères, a fait observer que les évènements survenus en Tunisie au cours des mois de décembre et de janvier derniers, est une première dans l'histoire contemporaine du pays, indiquant que ces mois ont été marqués par le déclenchement d'une révolution typiquement populaire, ainsi que par la fuite du président déchu sans déléguer ses prérogatives à quiconque, ce qui a fait que l'improvisation soit de mise dans le traitement avec la Constitution. Il a fait remarquer que la situation que vit la Tunisie depuis le 14 janvier est des plus délicates, ce qui explique le passage rapide de l'article 56 à l'article 57 de la Constitution, opéré après seulement quelques heures, relevant que l'appel à la tenue d'une assemblée nationale constituante constitue un choix raisonnable en cette conjoncture. M. Ben Achour a formé le voeu de ne plus voir les structures de l'Etat se trouver dans une impasse, après expiration du mandat du président de la République par intérim prévu par la Constitution, pour assurer la gestion des affaires publiques, soulignant que le plus important durant la période à venir sera de garantir le fonctionnement régulier et normal des institutions de l'Etat, abstraction faite des personnes. Il a indiqué que certaines parties tentent inlassablement de contourner la révolution, relevant que ces tentatives seront vouées à l'échec et que la révolution de la liberté et de la dignité a toutes les chances de se prémunir contre semblables tentatives et de préserver ses acquis. Pour sa part, Mme. Sana Ben Achour, professeure de droit public a indiqué que le véritable problème auquel se trouve confronté le pays en cette étape ne consiste pas à statuer sur l'existence ou l'inexistence de la légalité constitutionnelle mais plutôt à identifier les voies propres à instaurer une démocratie effective qui profite à toutes les composantes de la société. Elle a ajouté que les principaux défis qui se posent à l'heure actuelle consistent à ne pas permettre à l'ancien régime de se repositionner et d'élaborer une nouvelle Constitution qui répond aux aspirations et attentes du peuple, principal acteur de la Révolution. Au sujet de l'activité des trois commissions créées par le gouvernement provisoire, Mme Sana Ben Achour a précisé que la commission nationale sur l'établissement des faits sur les dépassements durant les derniers évènements, est investie d'une mission historique plus que d'une mission juridique, en ce sens qu'elle prendra acte de tous les dépassements survenus depuis le 17 décembre dernier et les gardera dans la mémoire nationale, afin qu'elle soit le témoin incontesté de toute une époque.