Le président de la Chambre des promoteurs immobiliers ne partage pas les positions récemment prises par certains de ses confrères sur l'autorisation du gouverneur, l'AFH et la SNIT. WMC: Orsaf, l'organisateur du Salon de l'Immobilier Tunisien à Paris (SITAP), et la Chambre des Promoteurs Immobiliers, ont organisé le 1er mars 2011 un débat sur la situation de l'immobilier auquel vous n'avez pas assisté. Pourquoi? Moncef Kooli: Le promoteur du SITAP m'a sollicité pour organiser cette réunion pour essayer de sauver l'édition 2011 de ce salon. J'ai donné mon accord, mais je me suis désisté par la suite dès que j'ai constaté qu'un certain nombre de questions étaient à l'ordre du jour. Ce sont des questions sur lesquelles j'avais un avis différent ou pas de position claire. Quelles sont ces questions? J'ai été choqué de voir que vous avez rapporté dans votre article des propos selon lesquels il y aurait 35.000 logements invendus en Tunisie. Je réfute totalement ce chiffre que je ne crois même pas proche de la réalité. D'abord, parce que nous n'avons jamais eu d'informations économiques fiables, d'autant que nous n'avons jamais réussi à mettre en place un observatoire du logement. En outre, nous construisons en Tunisie près de 15.000 logements par an. Donc, je ne crois pas que nous n'ayons rien vendu pendant deux ans et demi. A titre d'exemple, la société que je dirige a toujours eu des chiffres en situation de croissance et j'espère que cela va continuer. Enfin, le fait de parler de ce chiffre a été mal pris par les promoteurs parce que leurs clients ont essayé de profiter de cette annonce pour exiger des remises astronomiques, qui relèvent de la science fiction. Donc, celui qui a annoncé ce chiffre a porté un petit préjudice au secteur. Et encore une fois, je ne crois pas qu'il y ait 35.000 logements invendus en Tunisie. Il y a eu un petit ralentissement au premier trimestre 2011, c'est vrai. Il est dû aux évènements. Les gens ont la tête ailleurs. Mais, Dieu merci, cela commence à reprendre. Dès que les choses se sont stabilisées sur le plan sécuritaire et de l'avenir politique du pays, l'activité a repris de façon pas encore normale, pas encore au niveau que nous espérons, mais nous recommençons à reprendre des clients de plus en plus sérieux. Mais il y a un problème au niveau des banques, en l'occurrence un ralentissement dans le traitement des dossiers. Et je le comprends, car certaines d'entre elles ont eu des agences brulées, des dossiers perdus. Elles commencent à reprendre petit à petit, mais je ne suis pas inquiet. Je dirais même que j'entrevois, pour le secteur de l'immobilier, un avenir meilleur que la situation d'avant le 14 janvier. Sur quoi repose votre optimisme? Notre problème, nous promoteurs immobiliers, c'est l'accès au terrain. La famille régnante dans le régime déchu avait mis la main sur l'AFH (Agence Foncière de l'Habitat) et la SPLT (Société de Promotion du Lac de Tunis) et, donc, sur les meilleurs terrains. Dieu merci, cette main a été coupée. Donc, je vois l'avenir, je ne dirais pas en rose, mais meilleur. L'AFH et la SPLT vont récupérer une partie de ces terrains et vont un jour ou l'autre les mettre sur le marché. Et les vrais promoteurs immobiliers, les non-spéculateurs, qui veulent construire des logements pour toutes les catégories sociales, seront là pour acheter ces terrains et donner une nouvelle impulsion à notre secteur. Je n'en doute pas une seule seconde. Et nous avons dans notre pays les ressources humaines et financières requises pour cela. Vos confrères divergent justement à ce sujet. Certains d'entre eux réclament la dissolution de l'AFH, alors que d'autres s'y opposent et se limitent à réclamer un changement du mécanisme de vente des terrains et l'abandon de la procédure de l'appel d'offres. Qu'en pensez-vous? J'ai écrit il y a plus de vingt ans, dans un journal, que si l'AFH n'avait pas existé, il aurait fallu la créer. A mon avis, l'AFH a beaucoup contribué à la réussite du secteur de l'immobilier dans notre pays, en aménageant de nombreux quartiers et même des petites villes extraordinaires. Mais elle a dérapé et il ne faut pas la fermer. Ce serait comme se couper un bras. Comment la remettre sur la bonne voie? Il est certain qu'il faut aujourd'hui repenser l'AFH et sa feuille de route. Je pense que notre pays et le secteur de l'immobilier gagneraient beaucoup à faire de l'AFH un grossiste. Comment? C'est-à-dire que cette agence aménage de grands espaces au niveau du primaire uniquement et laisse les promoteurs immobiliers prendre ensuite le relais. Car ils sont beaucoup plus rapides, ont des coûts inférieurs à ceux de l'AFH et sont, donc, plus performants. Mais il ne faut jamais abandonner l'AFH. D'ailleurs, d'autres pays, comme l'Algérie, la Libye, l'Egypte, etc., copient cet exemple. Mais quel mécanisme de vente faut-il retenir? Moi, je suis contre la corruption. Luttons contre la corruption, puis discutons. Comment la corruption s'exerçait-elle auparavant, notamment à l'AFH? L'AFH vendait les terrains aux enchères publiques, mais mal gérée comme elle était, elle ne mettait que six ou sept lots à la fois sur le marché alors qu'elle en a un stock des centaines de terrains- et enflamme ainsi les prix. Alors que si elle propose une centaine de terrains le même jour, le prix se stabilisera. Mais que l'AFH continue à décider et à distribuer les terrains sous la table à X et Y, contre finance, et à exclure les sociétés qui travaillent réellement, non! Concrètement, quelle méthode proposez-vous? Il faut arrêter des critères réellement objectifs, acceptés par toutes les administrations et la profession. A ce moment-là, nous pourrons mettre fin à la corruption. Et si nous sommes incapables de nous entendre à ce sujet et en attendant de pouvoir le faire, restons dans le schéma de la vente aux enchères, mais au lieu de 10 lots mettons-en 50 sur le marché le même jour. De cette façon, tout le monde peut se servir. Car si nous revenons là où nous étions, avec l'AFH distribuant les terrains comme elle l'entend, cette société que je dirige et qui est cotée en Bourse n'en aura pas un seul, car je ne peux pas payer un dinar de pots de vin. Je ne veux pas dire que l'AFH est corrompue. Quels critères objectifs proposez-vous pour l'octroi des terrains sur une autre base? Les moyens financiers, l'ancienneté dans le secteur, le respect des règles de l'art et de la profession d'une façon générale, le capital social et les moyens humains du promoteur. Il y a beaucoup de critères qu'on peut fixer ensemble, nous promoteurs, avec le ministère et l'administration. La réunion organisée par Orsaf et la Chambre des promoteurs immobiliers a également parlé de l'autorisation du gouverneur. Quelle est votre position à ce sujet? C'est quelque chose qui nous dépasse. Moi, je ne peux pas me prononcer sur une question comme celle-là, parce qu'y interviennent des considérations de sécurité, de souveraineté, de réciprocité avec d'autres pays qui me dépassent. Nous l'avons soulevée à maintes reprises, en tant que profession, avec des responsables à différents niveaux. Mais ce n'est pas en en parlant dans une réunion publique qu'on peut résoudre ce genre de problème qui relève, je dirai, de la Chambre des députés. Notre avis c'est que les délais d'octroi de cette autorisation sont actuellement trop longs: cela prend jusqu'à deux et même trois ans, ce qui n'est pas normal. Concrètement quel changement proposez-vous d'y apporter, l'annulation pure et simple de l'autorisation du gouverneur? Si on annule cette autorisation, il y aura beaucoup d'acheteurs, mais à quel prix. Si les prix flambent comme cela s'est produit au Maroc, qu'adviendra-t-il des Tunisiens? Sommes-nous des promoteurs suffisamment sérieux pour ne vendre à un étranger qu'un appartement ayant un titre foncier? Sommes-nous en mesure de le faire? Moi j'en doute. Nous subissons encore le fardeau des biens repris aux Français, et si nous allons encore en vendre sans titres Les titres sont accordés deux, trois et même dix ans après la vente. Comment faire avec un acheteur vivant au Canada? Et puis, les promoteurs qui remettent les titres fonciers dans ces délais sont une minorité. La plus part n'en délivrent pas ou beaucoup plus tard. Mais d'un autre côté, l'autorisation du gouverneur dans sa forme et ses délais actuels n'est pas acceptable. A la limite, je demanderais qu'on nous réponde au bout d'un mois pour qu'on ferme le dossier rapidement. Certains de vos confrères critiquent également la SNIT et la SPROLS et en demandent la dissolution. Qu'en pensez-vous? Je ne partage pas ce point de vue, parce que la SNIT a permis à un Tunisien sur huit d'obtenir un logement. Cracher dans la soupe ce n'est pas dans nos habitudes. Ensuite, nous les hommes d'affaires et Tunisiens d'une façon générale nous appelons toujours, aujourd'hui et demain, à la liberté sous toutes ses formes. Comment alors vouloir empêcher quelqu'un de travailler? De quel droit? Et puis, entre nous, la SNIT c'est notre alibi. Moi je demande aux acheteurs de comparer les prix. En outre, il faut connaître ses limites: maintenir ou démanteler la SNIT, ce n'est pas à moi d'en décider, mais au gouvernement. Chacun doit être dans son rôle. Le mien c'est de réclamer la liberté d'entreprendre, d'investir, l'égalité des chances pour obtenir une autorisation de bâtir, pour acheter un terrain auprès de l'AFH, facilement, protéger nos intérêts et ceux de nos actionnaires.