Il est bizarre cet Homo Sapiens Tunisis que la révolution du 14 janvier 2011 a révélé. Il est intéressant par ses contradictions, ses ambitions illimitées et son aspiration légitime à la liberté et à une justice sociale! A la question quelle est la première priorité en Tunisie?, 70% de nos concitoyens répondent la sécurité. Sur les ondes des radios, sur les journaux, notre peuple demande plus de policiers, plus de flics, devant chaque maison et école, entreprise, mosquée et autres coins de rue. Nos Homos Sapiens Tunisie sont déprimés le matin, en quittant leur domicile, de ne pas voir le flic du quartier et celui qui règle la circulation. Chaque matin, il scrute les rues, pour s'assurer de la présence de son bien-aimé le flic, du policier et s'inquiète de leur absence. On est même très heureux qu'ils nous arrêtent aux feux rouges, car on se rassure ainsi qu'ils font effectivement leur boulot. La meilleure, c'est celle que j'ai écoutée un jour dans un café du coin, où un citoyen fort respectable raconte à ses amis qu'il a été agréablement surpris le matin d'être arrêté par un flic alors qu'il téléphonait en conduisant sa voiture. Oui être pénalise par le policier du coin est une uvre de citoyenneté. Punis-moi, donc j'existe! Peut-être que le Tunisien a un flic dans sa tête, du moment qu'on lui disait qu'ils étaient 170.000 policiers, pour découvrir la suite en réalité qu'ils ne sont que 50.000. Un citoyen sur un plateau de télévision lors d'une émission sportive a même demandé de recruter 20.000 policiers, et ce pour résoudre en partie le problème du chômage et pour les utiliser dans les stades de foot et autres manifestations. Cela explique bien l'importance du policier dans notre inconscient collectif et notre vécu, où il règle notre vie sociale, nos différends, nos conflits Il a même une fonction de régulation politique, sociale et économique. Les Tunisiens et Tunisiennes demandent qu'il y ait plus de policiers visibles et présents 24h sur 24h et 7 jours sur 7. Car leur présence nous rassure et leur absence nous inquiète. En somme, on éprouve le besoin de sa présence pour protéger notre liberté et nos idées. Mais en même temps, on les accuse de tous les torts, parfois à raison: ils sont brutaux et violents, irrespectueux, ignorent les droits de l'homme, espions (certains d'entre eux), etc. On les accuse également de tous les problèmes, on va jusqu'à dire qu'ils sont la cause voire les raisons de notre malheur et de nos crises. Mais il faut bien savoir ce qu'on demande et ce qu'on veut Il s'agit peut-être pour nous d'apprendre à vivre entre nous sans le policier et de régler nos différends en citoyens, c'est-à-dire entre personnes civilisées. Le syndrome du flic traduit, à mon sens, notre difficulté actuelle -mais provisoire je l'espère- de vivre dans un espace démocratique et d'apprendre à s'accepter dans nos différences. Bref dans une société démocratique.