Affrontement entre salafistes et chiites, affrontement entre courant salafiste d'«Al Moudakhala» et courant salafiste des «jihadistes» ou encore saisie de pistolets en plastiques criant «Mort à Aïcha» et annulations d'un spectacle de musiciens iraniens on aura tout vu en ramadan 2012. Des épisodes marqués souvent par des actes de violence qui n'ont rien à voir avec l'héritage d'un islam tunisien ouvert et tolérant. Kairouan. Ramadan 2012. La police judiciaire saisit des pistolets en plastique qui produisent au moment du tir un cri haineux: «Mort à Aïcha». Pour ceux qui ne le sauraient pas, Aïcha, l'épouse du prophète Mohamed (SAWS) et fille d'Abou Bakr Essedik, premier calife bien guidé de l'Islam, se serait exprimée contre la désignation d'Ali, quatrième calife bien guidé de l'Islam et cousin et gendre du prophète (SAWS). Originaires apparemment d'Irak (on a parlé d'un fort accent irakien), ces jouets nous plongent dans le VIIème siècle avec la succession du troisième calife bien guidé Othman Ibnou Affane. Ils sont de nature surtout à alimenter un peu plus la zizanie dans un monde musulman déjà bien divisé et traversé par nombre de conflits. Tout autant que certains événements qui se sont déroulés sous nos yeux au cours du mois saint du ramadan 2012. Ainsi, et à l'occasion de la célébration de la «Journée Al Qods», des salafistes et des chiites se sont affrontés dans la ville de Gabès. Des témoins ont affirmé qu'une manifestation tenue par l'une des parties a été empêchée à coup de bâtons et que des drapeaux ont été brulés. Avec pour épicentre des affrontements, la situation en Syrie, un pays gouverné par une minorité alaouite proche du régime iranien. Deux jours auparavant, le mercredi 15 août 2012, la troupe iranienne «Mehrab» qui devait accompagner Lotfi Bouchnak, a été empêchée de se produire sur scène, dans le cadre du Festival international de la musique Soufie. Le lendemain, la Ligue tunisienne pour la Tolérance a organisé, à Bizerte, une manifestation à titre de soutien à la cause palestinienne. Une autre manifestation perturbée et annulée. Avec pour raison, la participation de Samir El Qantar, ex-détenu dans les prisons israéliennes, connu pour son soutien du régime syrien. Autre événement, survenu celui-ci le lundi 6 août à la mosquée «Al Hidaya» à Béja: un groupe appartenant au courant salafiste d'«Al Moudakhala» rompt le jeûne quelques minutes avant l'appel à la prière. Des militants et sympathisants du mouvement salafiste «jihadiste» réagissent violement. Dimanche 5 août, c'est l'avocat Abdelfattah Mourou, qui est agressé par un extrémiste, au cours d'une conférence qu'il donne à Kairouan, sur «la tolérance en Islam» qu'il lui reproche d'avoir défendu l'écrivain Youssef Seddik. Car tous ces épisodes ou presque sont marqués par des attaques avec souvent des dégâts matériels et des blessés. Offrant souvent au vu de tous une image qui ne colle pas aux préceptes de l'Islam, religion de tolérance par excellence. Des actes de violences qui trouvent encore des échos auprès de certains. Ainsi, un des leaders salafistes a rendu hommage à ceux qui se sont levés «comme un seule homme» afin de bloquer et chasser les chiites et leurs adeptes. En référence sans doute à une partie des actes de violences cités plus haut. L'histoire de la Tunisie en a souvent donné, à ce sujet, un magnifique exemple en matière de tolérance. Le bey Hammouda Bacha (1759-1814), qui fut un bey réformateur, a défendu, tout le long de son règne, un Islam vrai qui prône la modernité et un Islam pacifique. Un de ses faits d'armes, sans doute le plus connu dans ce domaine, est la réponse qu'il a ordonnée aux autorités religieuses de la Zitouna de préparer, au début du 19ème siècle, à une lettre qui a circulé de son règne dans les mosquées tunisiennes, défendant les thèses rigoristes Wahhabites. Les autorités de la Zitouna ont contredit une à une ces thèses démontrant qu'elles ne sont pas, à force d'arguments, conformes aux préceptes de l'Islam. Autres personnalités ayant notamment défendu un Islam tolérant, l'imam Sahnoun (776-854). Khaddi (juge) sous le règne de la dynastie des Aghlabites (800-909) en Tunisie, il a lutté toute sa vie pour unir les rangs des musulmans; il était l'ennemi de tous schismes et sectes. Véritable encyclopédie vivante du droit musulman de l'époque, il avait offert à sa fille Khadija le même enseignement qu'à celui accordé à son fils Abdallah l'encourageant toujours de dispenser ce riche savoir auprès des Kairouanaises qui avaient également droit à l'enseignement. L'imam Sahnoun, mais aussi Mehrez Ibnou Khalaf, plus connu sous le nom de Sidi Mehrez (950-1022). Descendant direct du premier calife bien guidé de l'Islam, Abou Bakr Essedik, il s'est distingué par sa tolérance envers les juifs qu'il a toujours pris sous sa protection. Avec cet héritage, il est difficile de comprendre aujourd'hui ce déferlement de la violence pour des motifs religieux. Et il est à espérer que ces actes cessent au plus vite. La Tunisie qui a, certainement, d'autres préoccupations, ne souhaite pas voir s'installer sur son sol une guerre des religions ou plutôt des sectes.