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Tunisie - 57ème anniversaire de l'Armée nationale :
«"... Nous n'avons pas des velléités de pouvoir"» estime le colonel Boubaker Belkraiem
Publié dans WMC actualités le 26 - 06 - 2013

WMC : Colonel Boubaker Benkraiem, pourquoi un ouvrage sur l'armée tunisienne?
Colonel Boubaker Benkraiem: C'est un devoir de mémoire. J'ai essayé de couvrir dans mon ouvrage une période de 50 ans, depuis la création de l'Armée nationale. Je me suis engagé dans l'armée très jeune, en 1956. A un certain moment, je l'ai quittée et j'y suis revenu en tant que civil. Il n'y a que l'écrit qui reste et je voulais que notre peuple et principalement les jeunes découvrent leur armée, une armée partie de rien, née à l'orée de l'indépendance et dont nous pouvons et devons tous être fiers.
Il est évident que l'armée représente l'un des symboles les plus importants de la souveraineté d'un pays et c'est valable pour toutes les armées de par le monde. Pourquoi l'armée tunisienne a-t-elle autant de mérite d'après vous?
Il faudrait savoir que l'armée tunisienne est parmi les rares armées au monde à s'être auto-formée, créée et organisée par elle-même. C'est très exceptionnel, parce que généralement un pays nouvellement indépendant recourt à des experts venus d'ailleurs pour l'aider à former ses troupes et mettre en place l'organisation de son armée. La Tunisie a choisi de ne pas le faire. Vous savez pourquoi? Parce que nous avions un voisin qui était en pleine lutte de libération nationale. Il y avait d'un côté le Front de Libération nationale de l'Algérie (FLN) et de l'autre côté des officiers français qui ne devaient pas résider chez nous au risque de dénoncer notre soutien à la lutte algérienne pour l'indépendance ou espionner les combattants algériens.
Nous avions par conséquent préféré recourir à des volontaires qui étaient dans le maquis et n'ont pas fait les grandes écoles. Malgré toute leur bonne volonté et leur expérience, nous ne pouvions en faire des officiers, nous n'avions même pas de capitaines. Nous avons donc fait appel à la garde beylicale qui n'avait rien à avoir avec l'armée dans le sens propre du terme.
Il n'empêche, nous avons démarré la formation avec les moyens de bord. Ensuite, nous avons commencé à former les cadres en France. Nous l'avons fait pendant une dizaine d'années jusqu'à ce que la France nous dise qu'elle ne pouvait plus continuer à accueillir autant d'élèves officiers car d'autres pays la sollicitaient également.
Nous avons en conséquence décidé de créer notre propre académie militaire en 1967. Le général Rachid Ammar a été le dernier en poste parmi la première promotion de l'académie militaire nationale. C'était la promotion Bourguiba.
Notre Armée nationale à 100% tunisienne est pratiquement absente du paysage public national, nous ne la voyons que lors des grandes émeutes ou de ses anniversaires. Pourquoi?
Quand nous étions jeunes, nous pensions que la Tunisie devait se doter d'une armée plus forte et puissante. Avec l'âge, nous avons saisi les pensées profondes de Bourguiba. Le leader de l'indépendance avait raison. En tête de ses priorités figurait l'éducation. Quand Bourguiba avait pris le pays en main en 1956, il n'y avait que 5 lycées, quand il a été destitué en 1987, il a laissé 1.000 lycées répartis sur tout le territoire national.
Nous pouvons utiliser un obus pour détruire un char, pour Bourguiba, un char équivalait à un dispensaire et un avion valait deux hôpitaux. Bourguiba avait fait le bon choix et il ne nous a pas privés de parfaire nos connaissances ou notre expertise. Nous l'adorions parce qu'il nous a toujours encouragés à améliorer nos formations dans les meilleures écoles militaires du monde, il était disposé à couvrir les frais de nos études. Les seuls pays sur lesquels il opposait un véto étaient la Russie et les pays du Moyen-Orient.
Avait-il peur d'une «contamination» communiste ou wahhabite?
Il estimait tout simplement qu'au Moyen-Orient on formait les comploteurs et que nous ne pouvions pas adopter l'idéologie communiste de la Russie. Mais toutes les autres grandes écoles nous étaient ouvertes, de la grande Bretagne, l'Allemagne, la France en passant par les USA. Et c'est là où réside toute notre richesse. Vous pouvez être un docteur d'Etat mais vous ne pouvez pas vous reconvertir en un colonel dans l'armée tunisienne. Parce que pour le devenir, on ne peut pas brûler les étapes. Il faut gravir tous les échelons en passant par différentes escales et en servant sous différents commandements.
La particularité de l'armée, c'est qu'un officier passe le tiers de sa carrière en formation. Sorti de l'académie, il doit suivre un stage pour commander une compagnie, attendre 3 ans pour devenir un officier d'Etat-major, patienter une année pour commander un régiment, et pour cela, il faut passer par l'Ecole de guerre.
Nous sommes dans une logique de formation continue ininterrompue. Et Bourguiba nous a encouragés et permis de nous former. Si aujourd'hui la Tunisie veut se doter d'une armée forte, les autorités peuvent rappeler les compétences qui ont quitté l'armée et vous aurez une armée de cent mille hommes.
L'armée israélienne tire sa force de ses réservistes. Son armée en temps de paix ne dépasse pas les 20.000 à 30.000 hommes. En temps de guerre, elle s'élève à 100.000 hommes. C'est ça la force d'un pays, et Bourguiba nous a donné la possibilité de le faire.
Qu'est-ce qui a changé du temps de Ben Ali?
Ben Ali a d'abord marginalisé le commandement de l'armée et l'a fragilisée. Il ne fallait pas le faire, car dans les grands moments de l'histoire et lorsqu'il y a des risques sur la sécurité d'un pays, il n'y a que l'armée qui soit capable de le protéger et de faire face aux complications. L'armée ne doit pas, bien sûr, se mêler de politique. Notre armée a été 5 fois dans la rue et a fini toujours par regagner les casernes; nous sommes disciplinés et nous portons en nous les valeurs républicaines; nous n'avons pas des velléités de récupération du pouvoir et nous ne sommes pas des conspirateurs.
L'Armée tunisienne a été également associée à de grandes réalisations à l'échelle nationale.
En 1985, j'étais le n°2 de l'armée. Nous avions appris par les infos que l'Assemblée nationale était en train de discuter un projet de creusement de canal à Gabès et à Chott El Djérid. Le but était de développer la région. Les répercussions d'un tel projet auraient été de diviser la Tunisie en deux, car le but était la construction d'un canal de deux cents mètres et de deux ponts. Si l'on avait concrétisé ce projet, nous aurions perdu une partie de notre territoire national, car il y avait risque que l'Algérie occupe une zone et la Libye une autre pour peu que les ponts soient détruits.
Il s'agissait bien sûr pour nous d'une question de sécurité nationale indépendamment du fait que cela se fasse ou non. En tant que hauts officiers de l'armée, nous avions expliqué le dilemme au gouvernement et au chef de l'Etat. Et nous les avons convaincus. Le pouvoir politique du temps de Bourguiba avait quelque peu éloigné l'armée des choix stratégiques du pays, ce qui était à éviter. Avec Ben Ali, c'est devenu pire. En 2006, nous avons fêté le 51ème anniversaire de l'Armée nationale, et le président de la République, chef des forces armées, n'a même pas été présent. Il a voulu ignorer l'armée. Finalement c'est lui qui a perdu.
Quelles sont les grandes œuvres auxquelles l'armée nationale a participé depuis l'indépendance?
C'est la route du Chott, l'œuvre du siècle, parce que personne n'a pu la faire en 30 ans, et c'est l'armée qui l'a réalisée en 4 ans. 100 km de route dans le chott, il fallait transporter des millions de mètres cubes de terre pour qu'il n'y ait pas de rejet des fondations, et grâce à cela, la région a été complètement transformée.
Je suis parti du Sahara en 1980, je suis revenu en 1992 pour passer quelques jours à Tozeur, je ne l'ai pas reconnu, il y avait au moins une quinzaine d'hôtels, et puis le projet Dar Chraiet a beaucoup embelli la ville. Nous avons un très beau pays, petit mais avec des possibilités énormes.
Sur un tout autre volet, nos interventions ont concerné les zones défavorisées et enclavées inaccessibles aux civils. Nous ne pouvions pas nous substituer au rôle des institutions civiles de l'Etat mais nous intervenions dans les œuvres difficiles à réaliser par ces dernières. Ainsi, nous avons réalisé nombre d'aménagements dans le village de Ksar El Ghilane dans le Sud de la Tunisie, à Chott Djérid, à Béni Khdach, Bordj El Khadra, Bordj Bourguiba.
Vous savez, il y a des terres fertiles et cultivables dans le Sud qui ne peuvent devenir exploitables que grâce aux moyens de l'armée. Par exemple, entre Tataouine et Dhiba, c'est 80 km de très bonne terre, qui n'ont jamais été exploitées. L'armée peut baliser le terrain pour les ingénieurs du ministère de l'Agriculture. Ceci permettra de créer des postes d'emploi, d'autant plus qu'il y a de l'eau non polluée dans la nappe saharienne, et on peut y produire du bio. En Tunisie, il y a des zones totalement vierges jusqu'à maintenant.
Ne pensez-vous pas qu'aujourd'hui avec les dangers que court la Tunisie à cause de l'extrémisme religieux, nous aurions dû doter notre armée de plus de moyens humains et d'équipements plus performants?
La course vers l'armement ne finit jamais. Si vous achetez des armes aujourd'hui, elles deviendront obsolètes au bout de deux ans. Bien sûr, il faut un minimum d'équipements armés pour la dissuasion, pour que les ennemis potentiels sachent que nous ne sommes pas démunis. Mais je pense que les guerres aujourd'hui sont surtout de guerres de renseignements et des guerres contre la précarité socio-économique qui offre un foyer idéal aux djihadistes. Il faut de la prévention et de la dissuasion.
Avez-vous réussi certaines opérations grâce à l'efficience des services de renseignement?
Lors des événements de Gafsa, j'étais en position au Sahara. Nous avions intercepté un chargement de deux camions d'armement. Les conspirateurs devaient passer par l'Algérie pour accéder au territoire tunisien. J'ai été réveillé le matin avec pour consigne de couper la route de Chott Djérid, Tozeur et Nafta; le gouvernorat de Kébili était sous notre responsabilité, le président Bourguiba était alors à Djerba. J'ai envoyé des agents pour protéger les entrées de Tozeur et de Nafta. Le déclenchement de l'opération avait eu lieu à 1h du matin ou peut-être 2h. Un mois auparavant, j'avais averti mon commandement que des informations circulaient sur une tentative d'introduction d'armes en Tunisie. J'avais présenté une requête pour une compagnie commando pour renforcer la surveillance et la sécurité. Le commandant d'Etat-major, qui était un ami, a placé une escadrille d'avions à Djerba, et mis l'armée en alerte.
Pendant les week-ends, les cadres étaient consignés chez eux. Le samedi du 27 janvier, il y a eu l'insurrection de Gafsa. Au signal du chef d'Etat-major, tout le monde était là. Et quand il a ordonné à l'escadrille -qui se trouvait à Djerba- de vérifier à la lumière du jour ce qui s'y tramait, car nous voulions déterminer le nombre de personnes qui participaient à l'insurrection, le capitaine qui était à Djerba a laissé deux avions sur place et s'est envolé avec un autre qui l'accompagnait. Il est arrivé aux premières lueurs du jour et a identifié les origines du tir.
Un autre camarade, en poste à Kasserine, est intervenu avec quelques blindés légers à 7h du matin. Les assaillants tiraient du haut d'une mosquée, ils ne savaient pas que nous étions au courant et fins prêts pour mettre fin à leurs manigances; ils pensaient que c'était Kadhafi venu renforcer leurs rangs. Lorsqu'ils avaient enfin réalisé que c'était l'Armée nationale, ils étaient tous encerclés et ne pouvaient plus rien faire. Au premier coup de canon, ils se sont enfuis jusque dans la caserne de Gafsa où il y avait 25 jeunes appelés nouvellement vaccinés qu'ils avaient pris par surprise et assassinés lâchement.
Il y avait un bus qui transportait les attaquants habillés en tenues de sport; de l'avion, nous avons tiré sur eux, il y en a qui se sont enfuis vers l'Algérie, le reste a été arrêté. Et vous savez quoi, si nous avons pu sortir victorieux de l'opération de Gafsa, c'est parce que nos services de renseignements fonctionnaient correctement et notre Etat-major était éveillé et réactif.
Pensez-vous que quoiqu'il arrive, notre Armée nationale maintiendra toujours une posture de neutralité?
Notre armée a toujours été républicaine et elle le demeurera, et il faut faire en sorte que l'armée ne soit pas une armée de métier; je souhaiterais que l'armée garde sa composante d'appelés avec ses cadres de métiers, pour qu'elle reste éternellement jeune et éternellement nationaliste, parce que ce sont les jeunes qui portent les valeurs de la patrie.


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