Avant même sa création, l'Organisation Tunisienne du Travail OTT n'a cessé de susciter des interrogations. Dans la mesure où nombre de cadres de l'UGTT ne sont pas loin peut-être de penser que cette nouvelle organisation syndicale a été créée plus pour la casser qu'autre chose. Lassaâd Abid, secrétaire général du Front de rectification du processus syndical au sein de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) a annoncé donc, lundi 26 juillet 2013, la création de l'Organisation tunisienne du travail (OTT). La constitution de ce nouveau syndicat est en principe des plus salutaires. Avec l'avènement de la révolution du 14 janvier 2011, la Tunisie ne pouvait continuer à vivre à l'heure du syndicat ouvrier. Deux syndicats se sont du reste reconstitués après la révolution: la CGTT (Confédération générale tunisienne du travail) et l'UTT (Union tunisienne du travail). Tous deux existaient un certain moment en Tunisie. La CGTT a été créée en 1924 par le père du syndicalisme tunisien le grand militant Mohamed Ali Hammi. Quant à l'UTT, elle a été fondée en 1956 par un autre grand militant syndicaliste, Habib Achour, avant que ses dirigeants intègrent, par une fusion, l'UGTT. Les syndicats ne cachent pas leur lien avec des partis politiques Le pluralisme syndical est de ce fait une réalité dans de nombreux pays démocratiques. Il a cours dans notre environnement direct. A commencer par la France et le Maroc. Dans ce dernier pays, les syndicats ne cachent pas leur lien avec des partis politiques. Ainsi, le parti de l'Istiqlal, le doyen des politiques marocains, «possède» son propre syndicat, en l'occurrence l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM). Les deux structures sont dirigées d'ailleurs par la même personne: Abdelhamid Chabat. Autant dire que le lien que l'on dit de l'OTT avec la mouvance islamiste ne peut aucunement constituer une tare. En France, pays souvent cité en référence en matière de démocratie, la CGT (Confédération générale du travail) a toujours entretenu des liens étroits avec le PCF (Parti communiste français). Reste qu'avant même sa création, l'OTT n'a cessé de susciter des interrogations, dans la mesure où nombre de cadres de l'UGTT ne sont pas loin, peut-être, de penser que cette nouvelle organisation syndicale a été créée plus pour casser l'UGTT qu'autre chose. En témoignent ses réactions contre les grèves décrétées par l'UGTT. Le porte-parole de l'UGTT, Sami Tahri, a déclaré, lundi 26 août 2013, sur les ondes de Mosaïque Fm, que «l'Organisation tunisienne du travail est une organisation politisée», et que «le temps démontrera si cette organisation va servir les intérêts des travailleurs ou ceux du gouvernement». Le pouvoir installe une direction fantoche Le secrétaire général adjoint de l'UGTT, Mouldi Jendoubi, a soutenu, par ailleurs, le 3 avril 2013, sur radio Shems Fm, que Lassaâd Abid en personne était présent Place Mohamed Ali, devant le siège de la centrale syndicale, avec les manifestants accusés d'avoir attaqué, le 4 décembre 2012, l'UGTT, à l'occasion de la commémoration de l'assassinat du fondateur de l'UGTT, Farhat Hached. Dans le même ordre d'idées, on fait ressortir les liens du Front national de la réforme syndicale avec la Ligue nationale de protection de la Révolution (LNPR). Celle-là même que des pans de la société civile soupçonnent d'avoir été l'acteur principal de l'attaque du 4 décembre 2012 et accusée d'être une milice au service du mouvement Ennahda. Une liaison qui prouverait donc les affirmations concernant les desseins de l'OTT. De toute manière, les quelques tentatives menées en vue de rendre la vie dure à l'UGTT, y compris de l'affaiblir ou encore de comploter contre elle, n'ont pas toujours bien réussi. A commencer pendant par la période coloniale lorsque les services du Résident général de France décident, en décembre 1952, d'assassiner Farhat Hached. Son martyr va provoquer des émeutes non seulement en Tunisie, mais aussi en Algérie et au Maroc. Les émeutes à Casablanca, capitale économique du Maroc, font à cette occasion 40 morts. Son assassinat va jouer un rôle d'accélérateur dans la lutte pour l'indépendance. Après la grève générale du 26 janvier 1978 et les émeutes qui l'ont marquée, le pouvoir politique de l'époque, qui emprisonne la direction de l'UGTT, installe une direction fantoche, les fameux «Chourafa». Celle-ci ne durera pas plus de trois ans; la contestation va finir par payer et porter une nouvelle direction en 1981. Avec à sa tête Taïeb Baccouche, qui avait été jeté, comme nombre de syndicalistes, en prison le 26 janvier 1978.