Lorsqu'on visite un pays, la première chose que l'on constate, c'est la manière dont on conduit sur la route. Un ami étranger qui visitait la Tunisie et qui a pris un taxi «jaune» m'a surpris en me posant la question suivante : «Dites-moi, est-ce que vous conduisez à droite ou à gauche en Tunisie ?» Pour lui, la façon dont on conduit chez nous relève de l'absurde. Et il a relevé à juste titre que notre infrastructure et parc automobile n'ont rien à envier à ceux de l'Europe, la signalisation est pratiquement aux normes internationales, mais la conduite «à la tunisienne» ne correspond pas au code de la route international. Il est dommage de constater qu'au volant, le Tunisien moyen a un comportement de «kamikaze» plutôt que celui d'un automobiliste. Les conséquences sont douloureuses ; cinq morts et quelques dizaines de blessés en moyenne par jour dus à des accidents de la route dans notre pays. La voiture est même devenue l'un des premiers dangers qui guettent la santé publique. Que de vies de famille brisées par les drames de la route .Et le constat ne s'arrête pas là. Plus il y a de voitures, et plus il y a d'accidents. Ce qui explique le lourd handicap, voire la faillite technique des assurances auto en Tunisie. Pour comprendre ce phénomène, que rien ne semble arrêter, ni les campagnes de sensibilisation, ni les contraventions et procès verbaux, il faut analyser la conduite du Tunisien en société. Prenons par exemple un rassemblement de citoyens devant une «Koucha» (Boulangerie) de quartier. Dans la majorité des cas, au lieu de faire la queue, et attendre chacun son tour, les clients se poussent et se piétinent, chacun voulant être servi le premier. Peu importe si les enfants sont écrasés et les femmes froissées dans la mêlée. Quelles sont les raisons de cet égoïsme et manque de civisme? Est-ce culturel ou seulement l'expression d'un mal être d'une société en pleine mutation? Pourquoi l'acte quotidien le plus banal n'est pas synonyme de respect et de tolérance? Ce schéma comportemental se reproduit au volant. Sauf qu'au volant, vouloir être premier, c'est d'abord ignorer l'Autre, ensuite ignorer le Danger. Et cela donne une conduite suicidaire, avec des queues de poisson, dédoublement des couloirs, et les dommages graves que l'on connaît. Je n'ai pas l'explication psychanalytique de ce mal, mais je peux avancer sans trop me tromper que le jour où on verra spontanément des queues ordonnées, que ce soit devant les boulangeries ou les guichets de stade, il y aura moins d'accidents de la route.