Par recoupement, plusieurs indices et coïncidences montrent que la visite de trois jours que vient d'effectuer le chef du gouvernement, Mehdi Jomaa, en Allemagne, à l'invitation de la chancelière Angela Merkel, n'était pas du goût ni de la France ni de ses courtisans en Tunisie. A preuve, à Tunis comme à Paris, «le parti de France en Tunisie», appellation humoristique des lobbies tunisiens et français qui travaillent pour l'intérêt de l'Hexagone en Tunisie, s'est employé, ces derniers jours, à chahuter cette visite à travers la tenue de manifestations de diversion au commencement et à la fin de cette visite. Les lobbies à Tunis et à Paris se sont, apparemment, partagés les rôles à cette fin. A Tunis, d'abord. Comme par enchantement, François Gouyette, ambassadeur de France en Tunisie, a tenu une conférence de presse (qui a coïncidé avec le premier jour de la visite de Mehdi Jomaa à Berlin), consacrée au bilan des actions de son pays depuis la visite officielle du président François Hollande à Tunis, en juillet 2013. Globalement, le diplomate français, qui a toujours défendu une position neutre de la France à l'égard de la Tunisie postrévolutionnaire, conformément à la directive «ni ingérence ni indifférence», a tenu, au cours de cette rencontre avec les représentants des médias conférence hyper-médiatisée à dessein, un discours élogieux à l'endroit de la Tunisie et rappelé, surtout, le rôle que joue, de manière concrète, la France dans l'accompagnement de la transition démocratique du pays. Il est allé jusqu'à déclarer, en cette période marquée pourtant par la recrudescence des actes terroristes et de l'insécurité au sud et au centre-ouest du pays, que «les progrès de la transition démocratique et la stabilisation de la situation politique et sécuritaire en Tunisie ont créé un climat plus favorable à l'investissement et plus attractif pour les touristes». Il a insisté pour dire que «le soutien de la France à la Tunisie est agissant et est perceptible à travers des actes concrets». Il a cité à ce sujet quatre initiatives: conversion de 60 millions d'euros de la dette tunisienne envers la France en investissements et la mise à la disposition de la Tunisie de crédits pour le cofinancement de 3 projets d'infrastructure (acquisition du matériel roulant pour le Réseau ferroviaire rapide dans le Grand Tunis, rénovation du réseau ferroviaire dans la région de Gafsa, amélioration du trafic maritime dans les ports de Radès, La Goulette et Bizerte). Enfin, il a rappelé l'objectif «de la conférence des amis de la Tunisie», projet imaginé et initié par la France. Le but de ce projet, prévu pour le mois de septembre prochain, est de réunir les pays disposés à aider la Tunisie. A Paris, ensuite, l'ambassadeur de Tunisie en France, Adel Fekih (Ettakatol), formé dans l'école de la République de copinage, a exploité, la tenue de la deuxième semaine économique (14-21 juin 2014) pour inviter Mustapha Ben Jaafar, président de l'Assemblée nationale constituante (ANC) et le reste des lobbies francophiles traditionnels: patrons (Utica, CONECT, médias, Atugéens), représentants des structures d'appui. Le clou de cette manifestation a été, de toute évidence, la rencontre cérémonieuse organisée, jeudi 19 juin, par les soins d'Adel Fekih, entre Mustapha Ben Jaâfar, d'une part, et François Hollande et de hauts fonctionnaires de l'Etat français, de l'autre. Au regard de l'importance de l'évènement, en l'occurrence La semaine économique tunisienne en France, cette rencontre aurait d'autres desseins. Pour certains observateurs, le timing de cette rencontre, c'est-à-dire le dernier jour de la visite de Mehdi Jomaa à Berlin, visait, par sa haute symbolique et son hypermédiatisation, à faire diversion et à faire de l'ombre au succès de la mission accomplie par le chef du gouvernement en Allemagne. Du reste, cette manifestation (Semaine économique) a été fortement critiquée sur le net par la colonie tunisienne en France et a été qualifiée, entre autres, de «manifestation bidon, financée en plus en devises par le contribuable tunisien». Dans un post sur son profil Facebook, Nadia Chaâbane constituante (parti El Massar) a été particulièrement virulente à l'égard de Mustapha Ben Jaafar et de l'organisateur de cette semaine (Adel Fekih), laquelle s'est transformée, selon elle, en une manifestation de propagande en faveur du président de l'ANC. Dans une déclaration à la chaîne El Wataniya au terme de ses rencontres au plus haut niveau avec des officiels français, Mustapha Ben Jaafar a étayé cette thèse et parlé de tout sauf de la Semaine économique tunisienne. Il a repris à son compte tous les éléments développés par M. Gouyette à Tunis: la dimension stratégique des relations tuniso-françaises, la prochaine conférence des amis de la Tunisie en septembre prochain... Par-delà ces coïncidences qui ne semblent pas fortuites, tout indique que les Français commencent sérieusement à voir d'un mauvais il la générosité allemande envers les Tunisiens et l'intérêt de plus en plus croissant qu'ils commencent à porter à leur pays lequel a été des décennies la chasse gardée des Français. Un dossier à suivre