Le n°1 mondial des cartes de paiement s'est fait épingler par Bruxelles pour avoir refusé l'admission de Morgan Stanley en qualité de membre. La Commission européenne a infligé une amende de 10.200.000 EUR à Visa pour une infraction grave aux règles du traité CE et de l'accord EEE sur les pratiques commerciales restrictives (article 81 du traité CE et article 53 de l'accord EEE). De mars 2000 à septembre 2006, Visa a refusé d'admettre Morgan Stanley en qualité de membre sans aucune justification objective. La Commission a estimé que le refus d'affiliation de Morgan Stanley à Visa restreignait la concurrence au niveau de l'offre de services de cartes de crédit aux commerçants du Royaume-Uni. Morgan Stanley disposait de plans concrets et jouissait d'une expérience lui permettant de contribuer à une concurrence plus efficace et d'avoir une influence positive sur les prix et la qualité du service sur un marché très concentré. Mme Neelie Kroes, membre de la Commission chargé de la concurrence, a fait la déclaration suivante: «L'industrie des cartes de paiement joue un rôle essentiel dans la mise en place et le fonctionnement du Marché unique des paiements. La Commission ne tolérera pas de comportement anticoncurrentiel et interviendra si des entreprises se voient illégalement refuser l'affiliation aux réseaux de cartes de paiement». La Commission a ouvert une enquête à la suite d'une plainte déposée par Morgan Stanley en 2000. En 1999, Morgan Stanley a créé Morgan Stanley Bank au Royaume-Uni et en 2000, Morgan Stanley Bank a tenté d'obtenir l'affiliation à l'organisation Visa, ce qui lui a été refusé par cette dernière. Au moment de l'infraction, le groupe Morgan Stanley était propriétaire du réseau de cartes Discover aux Etats-Unis. Discover n'était toutefois pas présent sur le marché de l'UE. Jusqu'au moment où Visa a finalement admis Morgan Stanley Bank en qualité de membre en septembre 2006, les activités de Morgan Stanley en matière de cartes de crédit dans l'UE se sont limitées à l'émission de cartes MasterCard au Royaume-Uni. L'enquête de la Commission a montré que les commerçants attendent des banques qu'elle fassent une offre globale de contrats d'affiliation, incluant à la fois les cartes Visa et MasterCard. En conséquence, le refus de Visa d'admettre Morgan Stanley en qualité de membre a empêché ce dernier de fournir des services aux commerçants en ce qui concerne non seulement les transactions Visa (qui représentent environ 60 % du marché), mais également les transactions au moyen d'autres cartes de paiement. Au Royaume-Uni, le marché de l'offre de services de cartes de crédit aux commerçants (connu sous l'appellation de marché de l'«acquisition») est très concentré et laisse peu de place à davantage de concurrence. Dans le cercle très fermé des entrants possibles, Morgan Stanley est l'un des rares opérateurs à avoir effectivement envisagé de pénétrer sur le marché britannique de l'acquisition. Il disposait des qualités nécessaires pour fonctionner de manière efficace sur le marché. En conséquence, on pouvait raisonnablement s'attendre à ce que l'entrée de Morgan Stanley sur le marché de l'acquisition britannique contribue à une concurrence plus efficace au Royaume-Uni et ait une influence positive sur les prix et la qualité des services d'acquisition. Un motif invoqué par Visa pour refuser l'affiliation de Morgan Stanley était l'existence d'une règle interne stipulant que Visa n'accepterait pas comme membre tout candidat considéré par le conseil d'administration comme un concurrent. L'enquête de la Commission a toutefois montré que Morgan Stanley n'était pas un concurrent de Visa dans l'Union européenne dans la mesure où il n'y disposait pas de réseau de cartes de paiement et, compte tenu de la présence de barrières élevées à l'entrée sur le marché des réseaux, il ne pouvait avec réalisme espérer se développer sur le marché de l'UE avec Discover, son réseau de cartes aux Etats-Unis. En outre, la règle a été appliquée de façon discriminatoire. En effet, Visa a accepté l'affiliation de Citigroup (propriétaire du réseau Diners Club) et de plusieurs actionnaires de JCB Co. Ltd. (propriétaire du réseau JCB). En août 2004, la Commission a adressé une communication des griefs à Visa, lui exposant les résultats de son enquête. Par la suite, Visa a conclu un accord de règlement avec Morgan Stanley en septembre 2006 et a admis ce dernier en qualité de membre. En conséquence, Morgan Stanley a retiré sa plainte auprès de la Commission. Bien que la plainte ait été retirée et que l'infraction ait cessé, la Commission a décidé d'infliger une amende étant donné que Morgan Stanley a été exclu du marché britannique de l'acquisition pendant six ans et demi, dont plus de 2 ans après l'envoi par la Commission de la communication des griefs à Visa.