Après l'association et le partenariat, l'Europe parle désormais d'une nouvelle politique de voisinage. Née de l'initiative du Président Romano Prodi, en mars 2003, et reprise 3 mois plus tard par le Conseil Européen; cette nouvelle politique comporte plusieurs volets, dont l'économique. A l'occasion des journées de l'entreprise 2003 organisées par l'IACE (Institut Arabe des Chefs d'Entreprises), Marc Pierini, l'ambassadeur et chef de la délégation de la commission Européenne en Tunisie, a parlé de cette nouvelle politique de l'UE. Nous l'avons interviewé sur les répercussions de cette nouvelle politique pour l'entreprise Tunisienne. Cette nouvelle politique de voisinage, que prône désormais l'Union Européenne pour certains de ses voisins de la rive Sud, dont la Tunisie, par quoi va-t-elle se traduire pour l'entreprise ? L'idée c'est de favoriser une mise à niveau, du type qui est enclenché à travers l'accord d'association, des politiques et des institutions économiques, mais qui soit beaucoup plus profonde, donc permettre à l'entreprise de trouver en Tunisie ou en Europe, le même socle législatif, réglementaire et institutionnel, de façon à ce que lorsqu'un investisseur se pose la question de savoir où aller investir, il ait les mêmes ingrédients de base, les mêmes lois qui s'appliquent et les mêmes avantages. Vous évoquiez, dans votre discours à l'occasion des journées de l'entreprise, une mise à niveau identique à celle requise par l'adhésion, sans les obligations financières. Est-ce que cela veut dire que rien ne changera, en matière d'aide financière pour l'entreprise Tunisienne ? Cette partie du discours parlait uniquement des obligations financières des Etats membres de l'Union. Cela ne concernera pas des pays comme la Tunisie, mais uniquement des pays méditerranéens pétroliers qui ont une capacité financière contributive plus importante. Pour des pays comme la Tunisie, les contributions pour la mise à niveau des entreprises continuera et se renforcera probablement. L'instrument qui sera mis en place, pour la concrétisation de cette nouvelle politique de voisinage, dépendra pour chaque pays de l'intensité du plan d'action. Si un pays dit, moi je fais ce qui est prévu dans le cadre du plan d'association et pas plus, il n'aura pas de raison de changer d'instrument. Le MEDA et la BEI fonctionneront toujours. Si un pays veut aller plus loin, il faudra alors des instruments plus incitatifs. Cela fera partie des discussions qui auront lieu dans les mois qui viennent. Cette nouvelle politique, dépendrait en fait du niveau de voisinage ! Absolument. C'est une politique conçue comme étant à la carte. Tout le monde n'est pas obligé d'adopter le même modèle. Elle se présente ainsi, début 2004, alors même que les pays de la méditerranée ne sont pas, entre eux et face à l'Union Européenne, dans la même situation. Vous avez d'abord la Tunisie, le Maroc et la Jordanie qui ont des accords d'association déjà en vigueur. Vous avez ensuite l'Algérie, l'Egypte, la Palestine et le Liban qui ont des accords d'association, signés mais pas en vigueur. Vous avez enfin la Syrie qui vient juste de terminer les discussions. Cette hiérarchie ou cette chronologie des accords reflète aussi une hiérarchie des politiques de mise à niveau. Sinon, est-ce que vous avez un peu ressentie, lors des débats de la seconde phase des « journées de l'entreprise », cette appréhension que les réunions Euro-Maghrébines ne soient centrées plus sur vos problèmes, terrorisme et immigration sauvage surtout, que sur leurs attentes d'accords d'associations avec l'Europe ? Cela, c'est l'effet des déformations médiatiques de l'actualité. C'est vrai qu'un drame de l'immigration qui intervient à quelques semaines d'un sommet 5+5 peut avoir tendance à attirer l'attention des médias. La réalité des discussions entre gouvernements est complètement différente. Ces discussions sont par définition équilibrées et couvrent tous les domaines et toute la gamme des sujets. Nous avons ainsi toujours parlé d'investissement, de gouvernance en même temps que nous parlions d'immigration ou de lutte anti-terrorisme. Et cette question des PECO (Pays de l'Europe Centrale et Orientale) et leur influence sur l'intégration maghrébine, qui a transparu à travers les débats des journées de l'entreprise ? Cette peur de voir l'Europe se détourner de ses partenaires de la rive Sud, n'est-elle pas un tant soit peu réelle, d'autant que l'ouverture de cette même Europe sur les PECO s'accélère ? Ce débat est dépassé et cette crainte avait court de 1990 à 1995. A l'époque, nous avions en effet consacré des sommes très importantes à l'Europe Centrale, alors que notre politique méditerranéenne ne changeait pas. En 1995, avec Barcelone, nous avions fait un rééquilibrage entre l'Est et le Sud. Est-ce que les montants d'aides ont été équilibrés ? Ils sont beaucoup plus équilibrés que ne le disent les médias Tunisiens en général. En terme d'aide publique au développement, de 1995 à 2000, la Tunisie a reçu en parité de pouvoir d'achat, 86% de ce que chacun des 8 pays des PECO a reçu de même nature, pendant la même période. C'est un peu moins ,certes, mais ce n'est pas non plus dans un rapport de 1 à 14, tel que l'on dit certains médias, en comparant ce qui n'est pas comparable. L'autre réalité, c'est que l'Europe Centrale ne s'est pas développée avec l'aide publique, qui représentait moins de 1% de son PIB, pendant toute cette période. Elle s'est développée avec l'investissement privé qu'elle a su développer. Vous pouvez me dire qu'il y avait la carotte de l'élargissement, c'est vrai ! Aujourd'hui, il y a une autre carotte mise sur la table par l'Union Européenne, c'est la nouvelle politique de voisinage. Si on arrive à rentrer dans cette perspective, il y aura alors une forte incitation, pour les investisseurs Européens à venir s'installer dans les pays de la rive Sud. Est-ce que vous estimez que l'entrée des PECO va laisser une place aux pays maghrébins. Certains orateurs pendant les journées de l'IACE, ont évoqué l'augmentation des salaires qui vont laisser place à la concurrence, alors que la concurrence ne se fait plus aux plus bas salaires ? Le Maghreb gardera sa place, cela est sûr. Ce qui est important, c'est de voir quelles sont les véritables avancées en matière de réformes économiques, politiques et sociales. Mais aussi en matière de législation et de gouvernance. C'est cela le véritable comparateur et lorsqu'un investisseur se décide, il fait une comparaison très élaborée de ce genre de termes dont dépend un investissement.
--------------------------------------------------------------------- UE: Union Européenne IACE: Institut Arabe des chefs d'entreprises PECO: Pays de l'Europe Centrale et Orientale MEDA: Programme de coopération et de partenariat Euro-Méditerranéen BEI: Banque Européenne d'investissement