Etant donné l'importance du sujet, l'Association des parlementaires tunisiens a organisé, au siège de la Chambre de député à Bardo, une conférence nationale sur la crise financière internationale et ses répercussions. Un sujet sensible, compte tenu le nombre important d'interrogations sur l'état de lieux en Tunisie, d'autant plus que les interventions ont été assurées par M. Taoufik Baccar, gouverneur de la Banque centrale, M. Ferid Ben Bouzid, fondateur de l'IMBANK, M. Ahmed El Karam, directeur général de l'Amen Bank, et M. Mohamed Ridha Chalghoum, président du Conseil du Marché Financier. Crise de confiance au départ crise économique internationale à la fin Au départ la crise était américaine. La politique monétaire de la FED entre 2001 et 2006, alors dirigée par Alan Greenspan, est responsable d'un fort surplus mondial de liquidités, qui a provoqué des bulles sur le prix des actifs (immobilier, Bourse, etc.), du surinvestissement dans certains domaines, et favorisé l'endettement des ménages américains au-delà de niveaux raisonnables. En d'autres termes, la crise des «subprimes» débute durant l'été de 2007 ; elle est liée à des défaillances en masse sur des prêts hypothécaires accordés aux ménages américains et entraîne des difficultés majeures des institutions financières américaines. «La cause principale de la crise financière actuelle est la prolifération des crédits hypothécaires dits "subprimes", accordés à des taux d'intérêt variables au cours des dernières années par les banques américaines à une catégorie de clientèle à risque élevé, à un moment où les taux d'intérêt étaient faibles. Ces prêts ont été transformés par la suite en titres sur le marché financier. Dès le relèvement des taux directeurs de la Fed, pour des raisons de politique monétaire, un pan entier de cette clientèle s'est trouvé dans l'incapacité de rembourser», a précisé M. Taoufik Baccar. En outre, il a souligné que le double mouvement de remontée des taux d'intérêt directeurs de la Fed (qui ont atteint 5,25% en juin 2006) et de baisse des prix de l'immobilier aux Etats-Unis (depuis 2006) a conduit à des défauts de paiement de nombreux emprunteurs, et partant à la mise en situation de faillite ou de quasi-faillite des établissements spécialisés en crédits hypothécaires à risque. D'une crise financière locale rattachée à un secteur dont la taille est proportionnellement limitée au départ, selon M. Baccar, elle s'est propagée comme une épidémie pour devenir une crise financière économique et Internationale inquiétante. Les étapes de la crise la contagion Le gouverneur de la BCT a rappelé les trois étapes de la crise économique. La première étape avait une dimension financière, et elle a commencé par la crise des «subprimes» durant l'été 2007. Elle s'est propagée à travers des produits financiers composites et non transparents, ce qui a induit la chute des liquidités et la paralysie du marché monétaire à la suite de la perte de la confiance entre les intervenants économiques, y compris les banques, et surtout après la faillite de Lehman Brothers ou Bear Stearns, le rachat de Merrill Lynch par Bank of America et les difficultés encore vécues par d'autres institutions financières. De telles difficultés qui ont été exportées vers les institutions financières européennes, ont failli induire une crise systémique globale si les autorités monétaires et financières n'avaient pas intervenu à temps. Les dernières données montrent que les pertes pourraient frôler le seuil de 2.200 milliards de dollars et que les plans de relance nécessitent encore l'injection de sommes fabuleuses pour les années 2009 et 2010. La deuxième étape a commencé durant le dernier trimestre de 2008, et a affecté tous les marchés financiers et monétaires pour camper dans la sphère réelle surtout avec la paralysie du mouvement de financement, appelé «Credit Crunch». La troisième phase, la plus dangereuse, a été contagieuse, puisque même les pays émergents n'ont pas été épargnés par les retombés de la crise. D'après M. Baccar, ceci est dû à l'influence de l'interactivité entre la sphère financière et la sphère réelle. Ses répercussions deviennent plus dramatiques avec la vague des licenciements et la baisse de plusieurs indicateurs économiques. Un futur sombre La détérioration de la situation sur les marchés financiers internationaux, la propagation de cette crise au système bancaire européen et la persistance d'un climat de profonde incertitude, donnent à cette crise un aspect sans précédent. Par ailleurs, les dernières prévisions du FMI stipulent que la croissance économique internationale sera négative en 2009, avec -3% pour l'Union européenne, -2.5% pour les Etats-Unis d'Amérique et -5% pour le Japon. «Les réels dangers résident dans l'éventuelle régression au niveau de la croissance économique et les prix, c'est-à-dire une situation de déflation à l'instar de la décennie perdue à la japonaise. Pour pallier à cette menace imminente, plusieurs plans de relance ont été entamés visant essentiellement l'injection de liquidité, des réductions successives au niveau des taux d'intérêts directeurs, la garantie des transactions interbancaires et la nationalisation partielle de certaines institutions financières», a précisé M. Baccar. D'autres mesures d'ordre économique ont été préconisées, ici et là, tels que l'adoption de divers programmes d'appui à l'économie, ou de programmes de soutien orientés vers des secteurs bien déterminés (l'industrie automobile et ce pour une enveloppe de 3.000 milliards de dollars), sans un grand succès. Plusieurs experts expriment leurs inquiétudes à l'égard des mesures protectionnistes préconisées par un certain nombre de gouvernements. Le protectionnisme sous sa nouvelle enveloppe s'est traduit, selon M. Baccar, par des mesures touchant les secteurs commercial et financier, des incitations aux investisseurs locaux pour ne pas délocaliser leurs unités de production, des réductions compétitives du taux de change de certaines devises et même les encouragements aux immigrés pour ne pas transférer leurs économies à leurs pays d'origine. De telles dispositions peuvent impacter tout le tissu de libre-échange et mettre en péril tout le système mondial. Et la Tunisie ?! En ce qui concerne la Tunisie, sur le plan macroéconomique, et dans une perspective à moyen et long termes, il s'agit, selon lui, de continuer les programmes d'amélioration de la compétitivité de l'économie, de rationalisation des dépenses et de maîtrise des charges afin d'essayer de remplacer l'impact de la récession mondiale par des gains de parts de marché. «Dès les premières prémisses de la crise financière et face à la gravité de la situation à l'échelle internationale et pour parer à tout risque pouvant affecter le système bancaire national et, partant, l'économie tunisienne dans son ensemble, une cellule de veille sous la responsabilité de la Banque centrale de Tunisie a été instituée, sur instructions du président de la République, pour suivre de très près l'évolution de la situation sur les marchés financiers internationaux. L'objectif étant de prendre à temps les dispositions qui s'imposent pour préserver les acquis de l'économie tunisienne», a-t-il souligné. Ce contexte a généré un ensemble de mesures présidentielles qui visent à soutenir l'entreprise afin de dépasser la crise, lors du conseil ministériel du 23 décembre 2008, des mesures de deux sortes, conjoncturelles et structurelles. Les premières touchent les domaines financier, social et le soutien aux exportations, alors que les secondes visent à améliorer le climat des affaires et à renforcer la compétitivité des entreprises. Ainsi et afin d'assurer une réaction optimale face à la crise et à ses effets éventuels, une cellule d'assistance et d'information a été mise en place au sein du ministère au profit des entrepreneurs. Outre ces mesures, la conjoncture actuelle impose un redéploiement des efforts en vue de parier sur l'amélioration de la productivité et la diversification de la trame économique par la consolidation des potentialités de l'exportation. La conclusion du gouverneur de la BCT a de quoi rassurer le monde des affaires, d'abord quand il invite à miser sur le rehaussement du volume des échanges bilatéraux, voire multilatéraux et ce par le renforcement des partenariats au niveau des pays du Maghreb et les pays arabes, mais ensuite lorsqu'il affirme "la nécessité de profiter de l'image et de la crédibilité de la Tunisie dans les milieux internationaux afin de propulser le cycle de développement"