Selon un nouveau rapport du Bureau international du Travail (BIT) publié la semaine dernière, les nouvelles technologies dans le domaine des médias, du multimédia, de l'information et de la communication risquent de compromettre la qualité et les conditions de travail des journalistes, des éditeurs, d'artistes interprètes et autres dans le secteur des médias, des arts graphiques et de la culture; bien qu'elles accroissent leur demandes en informations. Le rapport intitulé "L'avenir du travail et de la qualité dans la société de l'information : Le secteur des médias, de la culture et des arts graphiques" constate que l'informatisation tend à créer des emplois dans le secteur plutôt qu'à en détruire, mais que certains segments connaissent actuellement de lourdes pertes d'emplois. Inversement, le rapport constate aussi que l'explosion des nouveaux médias et du multimédia suscite des préoccupations grandissantes concernant la qualité des conditions de travail et de la production dans les secteurs des médias, de la culture et des arts graphiques. La formation devient un enjeu pour les emplois dans l'industrie des médias et du divertissement. Des représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs de quelque 50 pays examineront lors de la réunion de l'OIT à Genève (18-22 octobre) les répercussions sur plusieurs groupes professionnels dans les industries qui sont en première ligne des changements provoqués par l'importance croissante des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC). "La structure économique du secteur des médias, de la culture et des industries graphiques a été transformée et a favorisé une convergence et des chevauchements importants avec d'autres secteurs ayant un rapport avec l'information et la communication", déclare John Myers, auteur du rapport du Département des activités sectorielles du BIT. La réunion devrait également examiner de quelle manière le Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI) s'est répercuté sur les questions relatives au travail et à la qualité dans le secteur, de même que d'éventuels sujets d'intérêt pour la deuxième phase du SMSI (Tunis, octobre 2005). Lors du SMSI, l'OIT a fait valoir que les pays en développement doivent définir les politiques et programmes nécessaires pour permettre aux travailleurs et employeurs, notamment aux femmes et aux jeunes, d'exploiter pleinement le potentiel offert par les TIC; rendre la transition moins douloureuse, et permettre à tous les secteurs de l'économie de profiter des retombées de l'utilisation des technologies. L'OIT a également souligné l'importance qu'il y a à garantir le respect des normes internationales du travail dans ce processus. Le rapport constate plusieurs faits nouveaux positifs survenus ces dernières années dans le secteur, par exemple le développement du contenu d'informations locales sur l'Internet dans les pays en développement, l'expansion des chaînes satellites et câblées dans le monde arabe, et la progression de la radio et d'autres médias en Afrique. Parmi les professionnels dont le travail a été affecté par l'impact des TIC, "les journalistes sont très demandés et continueront de l'être", précise le rapport. Aux Etats-Unis par exemple, les études mentionnées dans le rapport prévoient les augmentations suivantes entre 2002 et 2012 :
- 16% pour les auteurs et les rédacteurs; - 6,2% pour les analystes de l'actualité, les reporters et les correspondants; - 13,6% pour les photographes; - 26,4% pour les monteurs de films et de vidéos; - enfin 21,9% pour les graphistes. "Pour certaines professions, notamment celles qui produisent des contenus novateurs, la révolution multimédia annonce une explosion des débouchés, avec la multiplication des canaux de distribution", ajoute le rapport. En 2003, le nombre d'emplois dans la production de films et de produits audiovisuels en Europe a dépassé le million, contre environ 850000 en 1995. Aux Etats-Unis, l'industrie cinématographique employait près de 600000 personnes en 2002, contre 221000 en 1985. Cette progression peut être attribuée en partie au développement de l'utilisation des TIC dans des domaines comme la production numérique par ordinateur, les effets spéciaux, l'animation informatisée et la gestion des systèmes et des réseaux, poursuit le rapport. Mais pour le BIT plusieurs questions se posent concernant la qualité du travail, l'accès aux possibilités d'emplois, de même que dans certains domaines comme la protection des droits d'auteur pour les oeuvres produites par les auteurs et les artistes interprètes ou exécutants. "L'incidence des TIC sur le secteur en termes de "qualité" peut amener à se demander si certains des objectifs clés de l'OIT ont été atteints dans les domaines des principes et droits fondamentaux au travail, de l'emploi, de la protection sociale et du dialogue social", explique John Myers. "Les questions entourant la qualité, que ce soit celle du produit, de son contenu ou de la profession, sont déjà présentes dans le débat", ajoute-t-il. Dans le cas des artistes interprètes par exemple, pour lesquels le rapport voit des "perspectives excellentes" parce qu'ils ont plus de travail qu'auparavant, "les emplois créés sous l'influence de la mondialisation et des nouvelles technologies sont souvent instables et de piètre qualité". L'incidence des TIC sur la sécurité et la santé de journalistes est également abordée, car elle se traduit par un raccourcissement des délais et une augmentation de la pression pour produire des informations à jour. "Cette évolution se traduit par de nouveaux rythmes de travail, alors que, déjà, les horaires réguliers, les journées de huit heures et les repas à heures fixes ne sont pas monnaie courante et que le contrat est souvent de courte durée, intermittent ou précaire." Il y a également le cas des journalistes du terrain qui risquent d'être visés par des tirs, torturés, emprisonnés, voire tués. "Ils ont été plus de 1000 à perdre la vie en service au cours des 10 dernières années", rappelle le rapport du BIT, citant des données en provenance de la Fédération internationale des journalistes. La formation constitue également un défi pour les travailleurs du secteur des médias, de la culture et des arts graphiques. "La qualité du travail, de l'emploi, de la vie professionnelle, des produits et du contenu devrait beaucoup gagner d'un accès à une formation qui contribue à améliorer la productivité, l'adaptabilité et l'employabilité", affirme le rapport. Le rapport insiste également sur le fait qu'"une large part des nouvelles perspectives qui vont s'ouvrir sera réservée aux personnes mobiles, très instruites, polyvalentes et adaptables, mais il est à craindre qu'un nombre croissant de postes soient des emplois instables et temporaires non assortis d'avantages sociaux, et il apparaît inévitable que certaines personnes perdent leur travail ou soient déclassées".
R.B.H. (D'après le Bureau International du Travail)