L'étude stratégique sur l'industrie tunisienne, à l'horizon 2016, a identifié trois créneaux porteurs pour booster, dans l'avenir, les exportations de ce secteur. Il s'agit du textile-habillement, cuir et chaussures, de l'agroalimentaire et des industries mécaniques, électriques et électroniques. Néanmoins, si on regarde de près, ces options ne sont pas toujours heureuses. Elles obéissent plus à des jeux de mode conjoncturels (la contrainte de créer des emplois à n'importe quel prix) qu'à de véritables enjeux économiques dont le souci d'inscrire dans la durée le système productif industriel. A l'exception de l'agroalimentaire dont on ne peut aucunement nier le rôle déterminant dans l'immunisation de l'économie du pays, il n'est pas, hélas, de même pour les deux autres filières. La raison est très simple. Les exportations de ces deux dernières branches servent plus les intérêts des maisons mères étrangères que les sous-traitants locaux. Pis, à titre indicatif, le secteur textile-habillement, dont la valeur des importations équivalent celle des exportations (aucune valeur ajoutée), n'est pas parvenue, malgré les substantielles incitations instituées en sa faveur à habiller, jusqu'ici, la communauté locale. Plus de 50% des Tunisiens s'habilleraient chez les fripiers. En réponse à ces insuffisances structurelles, le bon sens implique des institutions en charge du dossier industriel d'analyser et d'évaluer, par les cadres du pays, notre industrie depuis l'indépendance. Le but étant d'en dégager faiblesses et points forts. Il faut dire que l'industrie du pays a été particulièrement polluante. La Tunisie, qui s'est attelée plus de quatre décennies durant, à s'industrialiser, s'est très peu souciée de la récupération des sous-produits industriels. Résultat : la dégradation de l'environnement et son impact nocif sur la qualité de la vie des Tunisiens résidant à proximité des complexes industriels. Pour ne citer qu'un exemple significatif de cette industrialisation non contrôlée, les industries chimiques de Gabès ont rejeté, des années durant, dans la mer d'importantes quantités de phosphogypse. Cette matière particulièrement polluante a empoisonné la vie de la flore dans le golfe de Gabès et a fait encourir à cette frayère de la Méditerranée de sérieux dangers écologiques au point que des océanographes locaux n'ont pas hésité à qualifier le golfe de «désert floristique». Cette situation ne s'est pas éternisée. Les pouvoirs publics ont pris conscience du danger et réagi en conséquence. Le coût de la dépollution et son corollaire le recours à l'endettement extérieur pour financer l'acquisition d'équipements anti-polluants est de loin plus élevé que l'investissement initial. La dépollution de la côte nord de Sfax (zone de Taparura) et la mise en terril contrôlé des déchets du phosphogypse rejetés par les industries chimiques dans le golfe de Gabès ont nécessité deux prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI) d'un montant respectif, de 34 millions d'euros et de 45 millions d'euros. C'est pour dire que la dépollution est un correctif d'une industrie polluante et non un investissement productif. L'idéal serait, toutefois, d'orienter l'industrie du pays vers la production propre et les équipements des énergies renouvelables ainsi que vers la récupération des sous produits industriels. Avec une telle option, la Tunisie fait d'une pierre deux coups. D'une part, elle engage l'industrie locale dans une voie de rentabilité irréversible et, d'autre part, elle dispense la communauté nationale d' une perte sèche des investissements antérieurs grâce à la valorisation et à l'exploitation des rejets industriels dans d'autres domaines. L'utilisation du phosphogypse, sous-produit de l'industrie des phosphates, dans la construction des routes est un exemple à méditer.