Webmanagercenter : Quelle sera votre approche communicationnelle pour convaincre vos futurs consommateurs de la pertinence de l'usage de «mdinar» et de sa dimension pratique ? Comment pensez-vous pouvoir briser les barrières culturelles dans un pays où des usagers bancarisés font de la résistance aux cartes magnétiques ? Fares Mabrouk : En fait, nous estimons en ce qui nous concerne que si les produits monétiques n'ont pas été bien accueillis par les populations, c'est parce qu'ils n'ont pas été adaptés à leurs besoins. L'un de nos objectifs à travers le partenariat avec la Fondation Enda est de pouvoir saisir les besoins du client final et de les assimiler. La facilité de l'usage du produit que nous proposons, en l'occurrence un mobile comme portefeuille, est que le client final sache bien s'en servir, même lorsqu'il n'est pas familiarisé avec cette qualité de produits. Un autre point important est le coût. Il ne faut pas se leurrer, si nous voulons toucher le maximum de personnes, il faut réduire les coûts. A une population qui transfère des montants situés entre 20 et 50 dinars, on ne peut plus continuer à débiter des taxes faramineuses. Nous allons vers un modèle 'low cost'' et qui s'adresse à la masse. Le «mdinar» est un produit complet qui touche une population non bancarisée et modeste. Mais nous ne nous arrêterons pas uniquement à cette catégorie de clientèle, nous nous adresserons à tous les segments des consommateurs. Nous allons avoir une application facile dédiée à une population non bancarisée, rurale, enclavée, modeste et parfois analphabète, et une autre sophistiquée destinée à ceux qui peuvent exploiter les interfaces web. Dès que l'usager reçoit de l'argent, il peut aller sur le site web, à travers lequel il peut avoir accès à son interface personnel, et il peut faire des transferts de son portable à son interface ou vice versa. Pourrions-nous envisager dans une seconde étape le m-commerce à travers le mdinar ? Nous y croyons énormément. Prenez l'exemple du e-commerce, il y a combien de pénétration Internet en Tunisie ? 20%. Le mobile touche plus de 80% de la population. Nous sommes déjà en discussion avec des groupes évoluant dans la grande distribution pour intégrer des solutions de paiement. Lorsque vous allez les voir avec une solution e-commerce qui touche 20% de la population, ce n'est pas comme lorsque vous allez les voir avec une solution mdinar qui touche 80% de la population. Le mdinar a la vocation de pénétrer tous les marchés de la téléphonie, du basique aux plus évolués qui peuvent intégrer Internet, Wap, iphone ou le Black Berry Par rapport au choix exclusif de vos partenaires Tunisiana, BIAT, ne pensez-vous pas que vous pénalisez d'autres utilisateurs, ceux adhérents à d'autres banques et possédant des lignes Tunisie Télécom en attendant Orange ? Et vous perdrez des parts de marchés ? Croyez-moi, il n'a pas été facile de mettre autour de la table des partenaires tels Tunisiana, la BIAT ou Enda pour les convaincre de l'efficience et de l'avenir du projet mdinar. Asma Ben Hamida, présidente de Enda, a été d'ailleurs la première à nous rejoindre. Pour un démarrage, nous pouvons considérer que c'est un succès, nous avons pour partenaires la première banque privée du pays et un opérateur important en téléphonie mobile. Maintenant nous comptons passer à une vitesse supérieure, étendre à d'autres partenariats dans la grande distribution et dans d'autres secteurs. Nous sommes ouverts à d'autres partenaires. Aujourd'hui, il y a une exclusivité accordée à Tunisiana pour un certain temps. Pour combien de temps ? Nous sommes encore en pleine négociation à ce propos. Notre objectif par ailleurs est d'être une plateforme universelle et de couvrir 100% du territoire. Et la dimension sécuritaire, quelles garanties offrez-vous à vos usagers, car à la mesure de la sophistication des logiciels de sécurité, à la mesure du génie des hackers Il ne faut pas avoir peur du piratage, la technologie a un prix, il faut jouer le jeu de la technologie et être professionnel dans ce que nous offrons et ce que nous développons. 80% de nos investissements ont été consacrés à des technologies très évoluées visant la protection de toutes les données qui seront transmises à notre plateforme. Les informations qui transitent par les mobiles sont dupliquées dans une base miroir qui se trouve à la BIAT, toute chute d'un serveur va entraîner la reprise par la base miroir de toutes les informations qui s'y trouvaient, et ce n'est là qu'une parmi la panoplie de mesures que nous avons mises en place pour assurer la sécurité des données confidentielles. Madame Asma, développer le microcrédit à travers le mobile, comment comptez-vous vous y prendre ? Asma Ben Hamida : Cela fait une année que nous parlons de cette initiative. Au début j'étais aussi réticente, je me disais que jamais cela ne marcherait. Mais j'ai eu à vivre des exemples réussis de cette expérience. J'ai vu au Kenya des paysans illettrés utiliser les portables pour envoyer de l'argent à leurs enfants, payer leurs prêts ou leurs factures par le même procédé ; ceci veut dire qu'une femme tunisienne de la Cité Ettadhamen ou de Kébili va pouvoir faire la même chose. Je ne dis pas que ce sera une tâche aisée mais je pense qu'elle est réalisable. Ce qui va se passer, c'est une alphabétisation liée à l'utilisation du produit. Il faut que nous utilisions tous les moyens didactiques pour expliquer aux femmes et aux clientes de Enda comment utiliser le téléphone pour réussir à payer leurs prêts, les convaincre de son utilité et du coût réduit des transferts d'argent grâce à lui. Avec le portable, elles traiteront avec des agents, des petites boutiques, elles pourraient être elles-même des clientes qui vendraient des cartes Tunisiana, ce qui implique que nous allons faire travailler des gens également. C'est ce que j'ai vu au Kenya, quand l'agence de l'institution ferme et que l'acquéreur d'un prêt vient rembourser son échéance, s'il se trouve face à une porte fermée, au lieu de déplorer son sort, il peut aller à la porte à côté, trouver un agent et payer ce qu'on lui doit. Je pense personnellement que, moyennant une bonne formation, le Tunisien est admirable car il apprend très vite et est très réactif, ce nouveau mode de paiement peut marcher à merveille. Nos clientes vont gagner du temps et éviter les bousculades et les longues files d'attente. Aujourd'hui, nous, en tant qu'Enda, n'avons pas le droit de faire des épargnes ou d'effectuer des transferts Grâce au téléphone portefeuille électronique, les gens vont pouvoir faire de l'épargne et faire des transferts à leurs enfants étudiants. Il ne faut pas perdre de vue que nous avons beaucoup de mobilité, qui sera servie par ce produit et la démographie avec le nombre croissant de jeunes qui le sera autant. Les jeunes utiliseront ce produit avec une grande facilité D'autre part, qui, de nous, n'a jamais oublié son portefeuille chez lui un jour ? Avec son portable, il peut résoudre illico presto son besoin de liquidités. En tant qu'Enda, nous attendons beaucoup de ce produit, nous allons pouvoir réduire considérablement les coûts des transactions, ce qui nous permettra de réduire les taux d'intérêt et c'est bon pour le client de payer moins. Quel sera l'effectif de Viamobile ? Fares Mabrouk : Dans un premier temps, d'ici un mois, Viamobile qui représente le back office et le fournisseur de services, tournera avec 24 personnes qui deviendront une cinquantaine à la fin 2010. Notre objectif est de mettre en place un certain nombre de produits et de partenariats. Demain, avec la grande distribution, avec les stations services, nous développerons notre réseau et nos partenariats de manière à rendre nos services et nos produits les plus fluides possibles et les distribuer sur tout le territoire national de la manière la plus uniforme qui puisse exister. Quelles sont les autres applications dont nous pouvons faire usage sur mdinar ? Ramzi Fekih : Aujourd'hui, nous parlons des factures, nous espérons nous entendre avec la STEG, la SONEDE pour qu'elles acceptent le paiement mdinar, ensuite nous toucherons tous les services d'achat et de vente. Les jeunes aiment bien écouter de la musique sur leurs portables, ils peuvent se connecter sur Itune de Apple, nous comptons également, comme précisé plus haut par Fares Mabrouk, développer des partenariats avec la grande distribution. Fares Mabrouk : Viamobile s'est engagée sur deux volets de développement : le premier concerne les partenariats qui seront mis en place, la radio, des journaux électroniques car à l'étranger pour consulter un article archivé, il faut payer. Cela pourrait se développer en Tunisie, c'est une application et c'est ce que nous appelons les intégrations ; ensuite, il y a l'interface et c'est un grand travail sur lequel nous planchons ensemble pour le rendre aussi ergonomique que possible aussi bien au niveau des téléphones que du web. Demain, vous pourrez avoir sur votre compte Facebook une petite fenêtre, une application grâce à laquelle vous pouvez envoyer de l'argent à telle ou telle personne. Notre produit est dirigé à tous les segments des consommateurs et a la capacité de satisfaire autant de besoins que possible. Les applications que vous offrez seront-elles adaptées à tous types de téléphone ? Il est évident que le téléphone dont l'usage est basique ne pourrait supporter des applications sophistiquées. Ramzi Fekih : Nos priorités, pour démarrer, sont la simplicité, la sécurité et la généralisation de l'usage sur tout le territoire national. Maintenant, il est évident que les téléphones sophistiqués pourraient bénéficier d'un plus grand nombre de services et de produits sans oublier la rapidité de l'utilisation. Nous essayons d'adapter notre technologie à différentes qualités de téléphones. Asma Ben Hmida : Pour les clientes démunies de Enda et vivant dans des régions reculées du pays, nous essayerons en partenariat avec Tunisiana et Viamobile de les équiper en mobiles simples d'usage pour qu'elles puissent profiter des services proposés. Nos clientes aujourd'hui sont au nombre de 125.000, chiffre qui pourrait atteindre les 400.000, et ce serait un bon investissement pour une compagnie de téléphonie mobile.