Durant les deux dernières décennies, l'espace audio-visuel arabe a littéralement explosé avec l'entrée en force des chaînes satellitaires privées des pays du Golfe, les surenchères qui entourent désormais, à chaque échéance sportive footballistique, continentale ou mondiale, l'acquisition des droits de transmission, la suprématie de la loi de l'offre et de la demande dans un domaine émotionnel, à forte connotation identitaire et le volume des investissements injectés dans un secteur, autrefois la chasse gardée des institutions gouvernementales. De nouvelles règles de jeu ont fait leur apparition. Ces mutations ont poussé l'Union de Radiodiffusion des Etats Arabes (ASBU), dont l'expérience a englobé la négociation avec les instances internationales de tous les tournois et championnats prisés, du Vieux continent à l'Amérique du sud, à prendre acte de la nouvelle donne, à accorder le droit d'adhésion aux télévisions arabes privées avec le statut de «membres associés», à diversifier les services offerts aux adhérents et à renforcer ses rangs afin de tenir tête à la marchandisation de plus en plus manifeste des événements sportifs d'envergure. A cet égard, l'augmentation vertigineuse des droits acquittés par l'ASBU, tout au long des deux dernières décades, illustrent, comme l'indiquent les tableaux ci-dessous, la financiarisation excessive des grands-messes sportives, l'explosion des contrats de retransmission télévisuelle et l'avènement de l'ère du business tous azimuts. L'ère de Blatter ou la commercialisation outrancière Avec l'arrivée de Monsieur Blatter à la tête de la FIFA en 1998, le consortium des unions mondiales de radiodiffusion (l'ASBU, l'UER ) perdront leurs qualités de partenaires traditionnels lors des négociations des droits de retransmission télévisuels. Désormais, ce sont les grandes sociétés de marketing sportives qui ont le vent en poupe, à l'image du Groupe ISL (une multinationale suisse) ou du géant allemand Léo Kirch, dont la force de frappe financière leur a permis de faire main basse sur les droits de la Coupe du Monde pour les éditions 2002 et 2006. L'ASBU marginalisée, à dessein par les instances de la FIFA, dont les recommandations aux parties détentrices des droits, est d'éviter les négociations avec les différentes unions, les pays arabes se sont prêtés aux négociations en rangs dispersés, ce qui a permis, à l'époque, au réseau d'ART de rafler la mise auprès du Groupe suisse ISL et de faire chanter toute la région arabe, exigeant de l'ASBU la bagatelle de 100.000.000 de dollars pour l'obtention des droits terrestres. Bien entendu, la somme a été revue à la baisse grâce à la clairvoyance de Cheik Salah El Kamel, qui sait quand même que pour la région arabe, les droits de la Coupe du Monde de 1998, en France, n'ont pas dépassé 6.000.000 de dollars. Mais l'heure du secteur privé a bel et bien sonné dans le monde de l'audiovisuel arabe, favorisé, il est vrai, par une logique de marché, qui fait la part belle au plus offrant. Car la FIFA, en dépit de ses incessantes professions de foi en faveur de la préservation de l'aspect populaire et spectaculaire de la maison Football, continue à privilégier les géants de la finance internationale dans ses négociations, à assujettir un sport roi, aux relents populaires, aux rudes lois de la concurrence et à favoriser, de ce fait, une situation de monopole, porteuse de discordes et de frustrations, ce qui est contraire à l'essence même du message sportif.