Le leader du parti Ennahdha et président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), Rached Ghannouchi, est revenu, sur la motion de retrait de confiance dont il était l'objet et le déroulement des concertations pour la composition du nouveau gouvernement, et ce, mercredi 5 août 2020 lors d'une cérémonie organisée au siège du parti à l'occasion de la fête du sacrifice. Sur un ton sarcastique, le cheikh a signalé que plusieurs chaînes arabes avaient négligé la retransmission du cérémonial du Mont Arafat – un rite au cœur du pèlerinage à la Mecque précédant le jour de l'Aïd al-Edha – pour se concentrer sur le déroulement de la plénière du vote de la motion de censure, jeudi 30 juillet 2020. « La liberté dont jouissent les Tunisiens dérange plusieurs pays arabes », a-t-il avancé. « Ils ne sont venus ni pour célébrer la liberté en Tunisie, ni pour transmettre à leurs peuples la façon avec laquelle le peuple tunisien exerce son droit de désigner ses responsables ou de les destituer. Ils sont plutôt venus pour être témoins de la chute du président du Parlement », a-t-il ajouté en référence aux médias étrangers présents lors de la plénière consacrée au vote de défiance.
Le leader d'Ennahdha n'a pas manqué d'exprimer sa schadenfreude (mauvaise joie, ndlr) après la chute de la motion de censure lancée à son encontre. Evoquant les élus qui ont participé au vote, il a affirmé que ceux-ci avaient exercé leur droit soulignant - toujours sur un ton sarcastique – que « certains s'étaient préparés à des festivités qui, in fine, n'ont pas eu lieu ». La motion de censure contre Rached Ghannouchi n'a collecté que 97 voix pour et n'a donc pas atteint le quorum de 109 voix requises pour passer. « Leur objectif était de se réjouir du malheur d'Ennahdha et de son président », a-t-il indiqué estimant que les députés qui avaient appelé à sa destitution étaient agacés de la liberté en Tunisie, « comme toute dictature qui craint toute voix libre même à l'autre bout du monde ».
Jugeant que la bataille opposait plutôt la liberté à la tyrannie et la démocratie à la dictature, le leader d'Ennahdha a déclaré : « Le 30 juillet n'était pas uniquement une journée tuniso-tunisienne mais une journée internationale portant une charge symbolique ». Il a souligné que certains pensaient que la place des islamistes était en prison, dans une tombe ou à l'exil assurant que la symbolique de l'islamiste dérange et en épuise plusieurs. « La bataille est celle de l'éradication », a-t-il renchéri précisant que ceci était le rôle des exclusionnistes du Rassemblement (Rassemblement constitutionnel démocratique – RCD, ndlr).
Revenant sur les motifs de la motion de censure lancée à son encontre en juillet, il a soutenu que les accusations « de mauvaise gestion du Parlement » portées à son encontre étaient infondées avançant comme preuve les résultats des travaux de l'Assemblée depuis le début de 2020 en comparaison avec les années précédentes. « La fête était double. C'était une victoire de la démocratie et de la liberté », a-t-il poursuivi assurant que le problème de la Tunisie résidait dans l'existence même du parti Ennahdha (que certains souhaitent éradiquer). Il a signifié, également, que certains députés avaient voté contre la motion de censure afin de garantir la stabilité en Tunisie car « Ennahdha en est le pivot ».
Au sujet des négociations sur la composition du nouveau gouvernement, Rached Ghannouchi a dénoncé les déclarations du mouvement Echaâb et du Parti destourien libre (PDL) défavorables à la formation d'une nouvelle équipe à la Kasbah incluant Ennahdha. « Ils n'auront aucun avenir dans ce pays. Ils sont faibles et craignent de faire face à Ennahdha », a-t-il déclaré. Rached Ghannouchi a rappelé, dans ce sens, que le gouvernement de la Troïka avait autorisé le PDL à exercer soulignant que son parti ne regrettait pas sa décision et qu'il triompherait du Parti destourien libre grâce à la démocratie. Soulignant que la Tunisie avait encore besoin du consensus, il a ajouté : « Ennahdha représente l'unité tunisienne et nationale. C'est pourquoi, nous avons appelé à un gouvernement d'union national ». « Nous ne craignons pas les voix qui s'élèvent contre nous et contre la liberté. L'avenir est à l'islam démocrate. Il n'est ni au fascisme, ni au terrorisme, ni à Daech », a-t-il martelé.
Evoquant la volonté de Hichem Mechichi de former un gouvernement de compétences, Rached Ghannouchi a indiqué que « la démocratie, c'est gouverner par les partis ». « Nous ne savons pas, jusqu'à l'heure, les critères sur lesquels M.Mechichi va se baser pour former le gouvernement et nous n'avons aucune réserve contre lui. Nous lui souhaitons le succès, mais le succès a ses conditions, notamment négocier avec les partis que le peuple a choisi pour sortir le pays de la crise », a-t-il déclaré. S'adressant aux politiciens, le leader d'Ennahdha a conclu en affirmant qu'il y avait « de la place pour tout le monde sur le navire ».