Avec 26% des voix, selon des résultats partiels, Fratelli d'Italia parti national-conservateur dirigé par Giorgia Meloni, remporte largement les législatives italiennes qui se sont déroulées le 25 septembre. Avec 44% des voix remportées par la coalition qu'il forme avec la Ligue de Matteo Salvini et le parti Forza Italia de Silvio Berlusconi, la droite radicale accède sans encombre au pouvoir après une campagne menée sur fond de guerre en Ukraine et de crise énergétique. Une première depuis 1945. Pour sa campagne, Giorgia Meloni, qui deviendra donc la première femme à accéder à la présidence du Conseil italien, a usé de l'ingrédient magique, celui qui sied à merveille au contexte : le populisme. Dans une Italie en pleine crise du gaz, surendettée et une récession qui pointe son nez, Fratelli d'Italia a axé son programme sur les thèmes chers à l'extrême droite : le nationalisme et le repli identitaire. Les mesures favorisant le « made in Italy », des politiques pour décourager la délocalisation, le protectionnisme de Fratelli d'Italia est revendiqué et assumé. Idem pour les questions identitaires, évidemment le thème de l'immigration a été au cœur de la campagne de celle qu'on surnomme désormais « La Meloni » qui s'est érigée contre « la violence islamiste » et « l'islamisation de l'Europe ». Fratelli d'Italia s'est d'ailleurs engagé à défendre les frontières italiennes et européennes évoquant même le probable recours à un blocus maritime.
Et la Tunisie dans tout cela ? Selon un rapport du ministère italien du Travail et des Politiques sociales, le nombre de Tunisiens résidant légalement en Italie, au 1er janvier 2021, est de 94.246. La communauté tunisienne en Italie est la deuxième en Europe, elle se place en douzième position en nombre parmi les principales communautés étrangères présentes sur le sol italien. En août 2022, les chiffres de l'Institut national de la statistique (INS) relatifs aux échanges commerciaux de la Tunisie pour le premier semestre 2022 ont placé l'Italie comme le premier partenaire commercial de la Tunisie, devant la France. L'échange entre les deux pays a atteint 10.786,2 MD (soit 3,43 milliards d'euros), contre 10.735 MD, pour la France. Une croissance donc des échanges de 27,24% par rapport à la même période en 2021. Oui mais… La victoire de Giorgia Meloni et de l'extrême droite italienne ne semble intéresser personne… Pas un politicien, pas un économiste, pas une partie officielle, ni la présidence de la République, ni le ministère des Affaires étrangères, à croire que les législatives italiennes qui se sont tenues hier n'ont aucune importance pour la Tunisie. Les enjeux sont pourtant énormes, tant sur le plan humain qu'économique. L'Italie est, en effet, géographiquement plus proche de la Tunisie que la Libye et l'Algérie et le nombre de Tunisiens résidant légalement en Italie est supérieur à ceux résidant en Algérie et en Libye réunies. L'écrasante majorité des clandestins tunisiens se trouve ou migre par l'Italie. Sur le plan économique, il est semble-t-il nécessaire de rappeler que les exportations tunisiennes vers l'Italie sont nettement supérieures à celles destinées à l'Algérie et la Libye réunies, elles sont estimées à 8,57 milliards de dinars, contre respectivement 661 millions et 1,8 milliard de dinars pour les deux pays mitoyens. Idem pour les importations de l'Italie qui sont nettement supérieures que celles de l'Algérie (gaz compris) et la Libye réunies, elles se chiffrent à 8,47 milliards de dinars contre respectivement 2,21 milliards et 216 millions.
La victoire de l'extrême droite italienne, le programme qu'elle porte et le message qu'elle envoie, ne peut laisser indifférente la Tunisie. L'impact sera fort et inévitable. Jusqu'ici ce qui se passe en dehors des frontières du pays n'a pas l'air de susciter la moindre inquiétude. Ces élections qui ont maintenu en haleine l'Europe entière, cette victoire qu'on décrit comme une « page qui se tourne », cet évènement qui se produit aux portes européennes de la Tunisie devrait pourtant faire l'objet de toute l'attention…