Human Rights Watch a publié, jeudi 11 mai 2023, un communiqué, accusant les les autorités tunisiennes d'avoir démantelé le plus important parti d'opposition du pays, en référence au mouvement islamiste Ennahdha. L'organisation est revenue sur les arrestations de plusieurs dirigeants du parti ; l'ancien président du parlement et chef d'Enanhdha Rached Ghannouchi, entre autres. « Depuis décembre 2022, les autorités ont arrêté au moins 17 membres ou anciens membres de ce parti, dont son chef, et en ont fermé les bureaux dans tout le pays. Les autorités devraient immédiatement libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, et mettre fin aux restrictions aux libertés d'association et de réunion », lit-on dans le communiqué de Human Rights Watch. HRW considère ces arrestations « arbitraires » et « politiques » ; un moyen de pression sur l'opposition qui s'est dressée contre l'entreprise juilletiste du président de la République, Kaïs Saïed. « Après avoir diabolisé Ennahda et lancé de graves accusations sans preuves, les autorités du président Saied ont tout bonnement entrepris de démanteler le parti », a déclaré Salsabil Chellali, directrice du bureau de Human Rights Watch en Tunisie. « La dernière tactique en date utilisée par les autorités tunisiennes pour réduire leurs détracteurs au silence consiste à lancer des accusations de complot à tout-va contre tous ceux qui contestent le tournant toujours plus autoritaire pris par le président ».
L'organisation a, dans ce même contexte, souligné le flou qui entoure l'affaire rappelant que « les autorités ont accusé la plupart des détenus de 'complot contre la sûreté de l'Etat', sans toutefois clarifier les actes criminels constitutifs du prétendu complot ». La liste des nahdhaouis actuellement en détention incluent : * Rached Ghannouchi : ancien président du parlement et président du parti islamiste Ennahdha. Il lui est reproché des déclarations dans une soirée ramadanesque où il a dit que la Tunisie risque la guerre civile si on écarte l'islam politique ou la gauche de la vie politique. Ses propos sont considérés comme un acte criminel d'agression préméditée destinée à changer la structure de l'Etat ou amener la population à s'affronter avec des armes et à attiser l'agitation, les meurtres et les vols et l'unité centrale de lutte contre les crimes liés aux technologies de l'information et de la communication est chargée d'enquêter sur son affaire. Il a été arrêté le 17 avril 2023 et le juge d'instruction du 33e bureau près le Tribunal de première instance de Tunis a émis le 20 avril 2023 un mandat de dépôt à son encontre. Rached Ghannouchi est également poursuivi dans d'autres affaires, notamment celle d'Instalingo. Il a été convoqué le 9 mai 2023 par le Tribunal de première instance de Sousse 2, mais il a refusé de comparaître. Le juge d'instruction en chef du deuxième bureau du tribunal a émis le même jour un mandat de dépôt à son encontre. * Ali Larayedh : Dirigeant du parti islamiste Ennahdha, ancien chef du gouvernement, ancien Premier ministre, il est impliqué dans l'affaire dite des réseaux d'embrigadement. Il n'aurait pas mis suffisamment de moyens pour empêcher les Tunisiens de rejoindre les réseaux terroristes en Syrie et en Irak. Il est détenu depuis le 19 décembre 2022. * Abdelhamid Jlassi : Ancien membre dirigeant du parti islamiste Ennahdha, il aurait eu des rencontres avec des étrangers originaires de pays puissants à qui il aurait demandé de cesser tout soutien au régime actuel. Il est détenu depuis le 11 février 2023. * Noureddine Bhiri : Avocat, député, chef du bloc du parti islamiste Ennahdha au parlement et ancien ministre de la Justice, il lui est reproché d'avoir prononcé un speech hostile au régime lors d'une manifestation. Il est détenu depuis le 13 février. * Mohamed Chniba : cadre au sein du parti islamiste Ennahdha, il a été arrêté la même soirée que Rached Ghannouchi, sur instruction du parquet du pôle antiterroriste. Les raisons de son arrestation sont ignorées. * Ahmed Mechergui :ancien député d'Ennahdha et ancien chef de cabinet de Rached Ghannouchi quand il était président de l'ARP. Interpellé tôt durant la matinée du 19 avril 2023 et auditionné le lendemain 20 avril par le juge d'instruction près le Tribunal de première instance de Tunis. Il fait partie de la liste des personnes accusées de complot contre la sûreté intérieure de l'Etat. * Mohamed Ben Salem : dirigeant du parti islamiste Ennahdha, ancien député et ancien ministre. Il est accusé de tentative de passage illégal des frontières, de détention de devises et de la somme de douze mille dinars. Il est en prison depuis le 3 mars 2023, bien que les charges retenues contre lui ne justifient pas la détention, d'après ses avocats. Sa famille dément l'accusation de passage illégal de frontières puisqu'il aurait été arrêté à plus de cent kilomètres des frontières avec cinq autres personnes, toutes en prison. * Ahmed Laamari : dirigeant du parti islamiste Ennahdha, il a été arrêté avec Mohamed Ben Salem dans l'affaire du franchissement illégal des frontières. * Habib Ellouze : dirigeant du parti islamiste Ennahdha et ancien député, il est arrêté depuis le 2 mars 2023. Les motifs de son arrestation demeurent inconnus, son avocat a écarté la possibilité qu'il soit détenu dans l'affaire de complot contre l'Etat, mais n'a donné aucun élément expliquant la détention de son client. * Sayyed Ferjani : dirigeant d'Ennahdha et ancien député, il est arrêté dans le cadre de l'affaire « Instalingo » depuis le 27 février 2023. * Youssef Nouri : membre du parti islamiste Ennahdha. Interpellé tôt durant la matinée du 19 avril 2023 et auditionné le lendemain 20 avril par le juge d'instruction près le Tribunal de première instance de Tunis. Il fait partie de la liste des personnes accusées de complot contre la sûreté intérieure de l'Etat. * Sahbi Atig : membre du parti islamiste Ennahdha et ancien député, il a été interpellé le 6 mai 2023 à l'aéroport Tunis-Carthage alors qu'il embarquait vers Istanbul où il devait participer à un séminaire. Depuis, il est arrêté pour des motifs inconnus.