La retraite, quand on est un jeune actif, on se la représente comme le moment de l'aboutissement des efforts d'une vie et pouvoir enfin souffler et se détendre. Après avoir trimé et cotisé pendant des années, on s'attend donc à percevoir une pension décente pour pouvoir commencer sereinement cette nouvelle étape de la vie. En Tunisie, les retraités sont malheureusement maltraités. Beaucoup se retrouvent dans la précarité. Les retraités tunisiens sont en colère et ne comptent plus se taire. Depuis quelques semaines, des mouvements de protestation sont organisés pour s'indigner contre la misère, la situation précaire et l'indifférence de l'Etat. Mercredi 14 février, les retraités ont tenu un sit-in sous la houlette du syndicat relevant de l'Union générale du travail (UGTT). Ils étaient nombreux à s'être déplacés pour mettre en avant un nombre de revendications. Ils sont déterminés à défendre leur cause jusqu'au bout et menacent d'escalade. Ce qu'ils réclament : le réajustement des pensions et l'amélioration de leurs conditions de vie. Plus d'un million de retraités sont au cœur de cette revendication. 800.000 sont affiliés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et 380.000 à la Caisse nationale de retraire et de prévoyance sociale (CNRPS). Pourquoi tant de colère, se demanderaient ceux qui n'ont aucune connaissance du sujet. Si on se penche sérieusement sur la question, les raisons ne peuvent que susciter indignation et affliction. Comment des personnes qui ont travaillé toute leur vie peuvent-elles être récompensées de la sorte à la fin de leur parcours ? Comment se fait-il que l'Etat ne daigne pas reconnaître leur droit à une vie digne ?
Le fait est que sur les plus d'un million de retraités, des centaines de milliers perçoivent une pension inférieure au salaire minimum garanti (Smig). Le secrétaire général adjoint, chargé du département de la protection sociale et du secteur informel à l'UGTT, Othmane Jellouli a avancé des chiffres édifiants. Ainsi, on apprend que près de 70% des pensions de retraites sont inférieures au Smig et que 50% de ces pensions sont inférieures aux allocations accordées par l'Etat aux familles nécessiteuses. Dit comme ça, le chiffre est choquant et c'est peu de le dire. En ce qui concerne en particulier les retraités du secteur privé (environ 700.000), ils attendent indéfiniment le versement des augmentations de 6% qui n'arrivent pas, alors que ceux de la fonction et du secteur publics ont pu la toucher. Othmane Jellouli précise par ailleurs, que les retraités affiliés à la CNSS, revendiquent une augmentation périodique de leur salaire minimum « qui sera systématiquement suivie d'une augmentation de leurs pensions, à condition que ce salaire ne soit pas inférieur au Smig ». D'un autre côté, le syndicaliste a indiqué que les retraités affiliés à la CNRPS revendiquent l'abrogation de la loi n°43 de 2007 qui complète et modifie les textes régissant les pensions servies au titre des régimes de retraite, d'invalidité et de survivants dans les secteurs public et privé et des régimes spéciaux. Une loi qui obligé les retraités, après l'augmentation de leurs pensions, à payer eux-mêmes leurs contributions à la place de l'employeur. Imaginez dans le cas d'espèce, des retraités qui se retrouvent obligés de faire la tournée des administrations tunisiennes pour accomplir d'innombrables procédures administratives à chaque petite augmentation. L'administration aurait pu s'en charger, mais c'était sans compter sur la prédilection qu'a l'Etat pour les complications bureaucratiques.
Alors que la transition entre la vie active et la retraite peut se révéler difficile pour certains et même traumatisante, on rajoute à cela le stress de la baisse des revenus qui accompagne le départ à la retraite. Et même si parfois cette baisse n'est pas très conséquente, elle entraîne une baisse du niveau de vie, qui n'était déjà pas à son meilleur avant la retraite, en raison des salaires relativement bas en Tunisie. Être retraité signifie disposer d'une pension de retraite et d'une couverture médicale pour pouvoir mener dignement une nouvelle étape de sa vie. Cependant, lorsque le montant n'est pas élevé et qu'il n'atteint même pas le Smig dans plusieurs cas, cela est foncièrement problématique. Beaucoup de retraités se retrouvent dans un tel engrenage, avec une pension bien inférieure à leur salaire, qu'ils n'arrivent pas à s'en sortir. Comprenez qu'au départ de la retraite, les charges ne diminuent pas comme par magie. Elles augmentent même. Le retraité continuera à subir l'inflation et un coût de la vie de plus en plus élevé, à payer ses factures d'eau ou d'électricité et surtout il fera face aux problèmes de santé inhérents à l'avancement de l'âge. Alors, des retraités sont obligés de se remettre sur le marché du travail pour compenser la faiblesse du montant de la pension. Certains le font évidemment par choix parce qu'ils refusent l'inactivité, mais beaucoup par stricte nécessité pour pouvoir survivre. Et ce sont généralement des emplois précaires qu'ils occupent.
Le gouvernement ne fait rien pour trouver des solutions à cette situation indigne et humiliante.