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Sonia Dahmani : j'ai froid !
Publié dans Business News le 26 - 11 - 2024

Ramla Dahmani Accent nous livre un témoignage poignant sur la torture morale et les conditions carcérales subies par sa sœur Sonia Dahmani, en prison depuis plus de six mois pour avoir commenté, dans une émission de télévision, le sort des migrants et la situation du pays.

Aujourd'hui, Mehdi est sorti du parloir, le visage marqué, comme si les mots de Sonia s'étaient gravés en lui. Mehdi, cet homme solide, cet homme si fort, si pudique, ce pilier inébranlable de notre famille, celui qui, depuis toujours, cache ses émotions derrière un humour mordant, un humour bien tunisien qui fait rire pour mieux détourner les regards de la douleur. Il m'a rapporté les mots de Sonia, comme il le fait chaque semaine. Les mêmes constats terrifiants, les mêmes mots qui s'accumulent pour raconter une vie qu'on démantèle méthodiquement. Il m'a dit ce qu'elle lui a confié, ce qu'elle répète chaque semaine : "J'ai froid." Elle répète inlassablement : "J'ai froid." C'est la première phrase qu'elle prononce à chaque visite. "J'ai froid." Mais tout de suite après, elle a souri. Un sourire fier, le sourire d'une femme qui refuse de plier, qui refuse qu'on la brise. Et d'une voix forte, presque lumineuse, elle a ajouté : "Je vais bien, je te jure que je vais bien, je vais bien." Elle le dit, elle le répète, avec une force qui claque, une force qui défie. Elle le dit comme on lance un cri de guerre, et tant qu'elle y croit, tant qu'elle le répète, elle tiendra. Parce que c'est Sonia. Parce qu'elle est forte, et qu'elle est belle dans sa force. Une beauté indomptable, une lumière qu'ils ne parviendront jamais à éteindre.

Sonia avait une queue de cheval blanche. Une queue de cheval… ça ne lui ressemble tellement pas, ça ne lui ressemble en rien. Ce n'est pas son choix, mais une contrainte, une autre humiliation imposée pour la réduire à une version d'elle-même qu'elle ne reconnaît plus. Cela fait six mois qu'on lui interdit de se couper les cheveux ou de les teindre. Six mois qu'elle ne peut ni s'épiler, ni se coiffer, ni même couper les ongles de ses orteils. Ils la laissent à l'abandon, la réduisant à une silhouette qu'ils tentent de détruire peu à peu. Depuis six mois, elle n'a pas vu son reflet dans un miroir. Elle ne sait pas à quoi elle ressemble, mais nous, nous le savons. Mehdi l'a vue, et il me l'a décrite. Depuis six mois, ils la laissent en friche, comme si elle n'était rien. Pour eux, elle est juste un numéro, une silhouette qu'ils veulent rendre informe et invisible. Tout ce qu'elle était, tout ce qui faisait d'elle une femme, une personne, on le lui retire, pièce par pièce.

Le froid est omniprésent. Sonia le dit, encore et encore, avec des mots différents mais avec la même intensité : ce froid qui s'infiltre dans ses os, ce froid qui l'empêche de dormir, ce froid qu'aucune couche de vêtements ne parvient à apaiser. Sa cellule est un congélateur, un lieu où l'air humide et glacial semble vouloir la mordre vivante. Une fenêtre brisée laisse entrer le vent froid de l'hiver, une fenêtre que l'administration refuse de réparer. Pas de budget, disent-ils. "Définitivement ouverte ou définitivement fermée", tel est leur seul choix. Alors, elle reste ouverte, laissant entrer l'air glacial de l'hiver. Sonia grelotte. Cette cellule où elle survit est une tombe glaciale. Sonia dit que cette cellule est "la quintessence du froid."

Sa vie n'y est qu'une succession de violences. Les toilettes, sans porte, sans séparation. Les besoins se font à la vue de toutes, sans intimité, sans dignité. Là-bas, tout est affiché, tout est exposé, même les besoins les plus intimes. Les odeurs s'ajoutent au calvaire, insoutenables : celles des toilettes, de l'humidité, des corps qui ne peuvent se laver qu'une fois par semaine, des cigarettes. L'air est vicié, lourd, irrespirable. Et le froid, toujours le froid.
Il y a quelque temps, nous avions tenté de lui apporter une couverture chaude. Elle a été refusée. Alors, elle se contente de celle qu'elle a, une seule couverture qui ne suffit plus à la protéger de ce froid mordant. Mehdi m'a dit qu'elle a demandé une autre couverture. Mais nous n'avons le droit de lui ramener des choses qu'une seule fois par semaine. Alors, nous essaierons lundi prochain, nous essayerons à nouveau. Toute une semaine à grelotter, une semaine de supplice, avant que nous puissions tenter de nouveau.
Le manteau que nous avions ramené, sans doublure, conforme à leurs exigences absurdes, a également été refusé. Pourtant, Sonia nous a dit que d'autres femmes en portent. Alors, pourquoi pas Sonia ? Est-ce une règle inventée spécialement pour elle ? Ou ont-ils imposé une interdiction générale uniquement pour justifier ce refus ? La semaine dernière, ils nous avaient dit qu'on pouvait lui ramener des leggings qu'elle mettrait sous ses pantalons pour se réchauffer. Etonnamment, cette semaine, les choses ont changé. Les leggings, simples vêtements destinés à réchauffer son corps sous un pantalon, ont été refusés. Tout est interdit, tout est empêché, tout semble organisé pour qu'elle souffre davantage. Ce froid qu'elle endure n'est pas un accident, c'est une méthode. Une torture silencieuse mais implacable.

Mehdi m'a raconté aussi qu'elle marchait difficilement. Ses chevilles sont enflées, signe inquiétant pour une personne comme elle, sujette aux phlébites. Cette maladie, potentiellement mortelle en quelques heures si elle n'est pas prise en charge, nécessite qu'elle porte des bas de contention prescrits par son médecin. Ces bas sont sa seule chance d'éviter la phlébite. Mais là encore, ils les lui refusent. "Interdit," disent-ils, sans autre explication. Refuser ces bas, c'est jouer avec sa vie. Que veulent-ils ? La laisser mourir à petit feu ? Qu'attendent-ils ? Qu'elle tombe ? Qu'elle meure ? Comment appelle-t-on cela, sinon non-assistance à personne en danger ?

S'il arrive quelque chose à ma sœur à cause de cette froide indifférence, je jure qu'ils le paieront un jour. Je ne laisserai pas cet assassinat maquillé en négligence passer inaperçu. Je retournerai ciel et terre pour les mettre face à leur barbarie. S'ils pensent qu'ils s'en sortiront, qu'ils pourront la réduire à néant sans en payer le prix, ils se trompent lourdement. Je les traînerai devant les tribunaux, devant l'Histoire, devant Dieu lui-même s'il le faut. Ce qu'ils font, c'est une tentative de meurtre lente et délibérée.

Et ce n'est pas seulement son corps qu'ils attaquent. Sur le plan procédural, ils s'acharnent tout autant. Comment accorder la moindre confiance à cette administration ? Sonia se retrouve aujourd'hui à la merci de ceux que je ne peux qualifier autrement que de tortionnaires. Cette même administration, qui a porté plainte contre elle, est devenue partie adverse dans une affaire criminelle désormais entre les mains de la chambre d'accusation. Comment peuvent-ils être à la fois plaignants et juges ? Cette situation pose de graves questions sur l'équité et l'impartialité de la procédure, renforçant l'impression d'un acharnement systématique à l'encontre de Sonia.

Dans ce dossier à caractère criminel, où l'administration pénitentiaire est plaignante, les enjeux sont d'une gravité particulière, nécessitant une rigueur procédurale irréprochable. Sonia a fait appel de la décision du juge d'instruction, et la chambre d'accusation, en sa qualité d'instance d'appel, s'est saisie de cette contestation. Deux de ses avocats ont présenté un mémoire détaillé, soulevant de nombreux griefs contre la clôture de l'instruction.
Mais la décision rendue ne mentionne même pas leurs noms, encore moins les mémoires qu'ils ont soumis. Pas une ligne, pas un mot. Une telle omission constitue une violation flagrante du droit à la défense, un droit fondamental. Cette négligence est également une violation claire de l'article 168 du Code de procédure pénale, qui impose de considérer scrupuleusement les éléments soumis à l'examen d'une instance d'appel.

Un tel mépris des règles de droit ne peut qu'accentuer le sentiment d'une justice biaisée, d'un acharnement visant à briser Sonia et, avec elle, toute voix qui oserait s'élever contre l'arbitraire. Cette mascarade de justice, cet acharnement, est une tentative claire de l'effacer.
Ils veulent la priver de tout : de chaleur, de santé, de dignité, et même de ses droits fondamentaux. Mais Sonia tient bon. Malgré tout, elle reste debout. Et nous, nous resterons debout avec elle. Parce que ce combat est bien plus grand qu'elle. C'est un combat contre l'injustice, contre la barbarie, contre ceux qui pensent pouvoir broyer une femme et son esprit.
Qu'ils sachent une chose : ils ne l'auront pas. Tant qu'elle tient bon, tant que je respire, je me battrai jusqu'à mon dernier souffle pour qu'elle reste vivante et libre. Parce que c'est ma sœur, parce qu'elle est Sonia Dahmani.


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