Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a jugé, mercredi 19 février 2025, que son homologue américain vivait « dans un espace de désinformation russe », au lendemain de critiques acerbes de Donald Trump reprenant la rhétorique du Kremlin, dans un contexte de rapprochement russo-américain. Cette joute verbale se déroule alors que l'émissaire du président américain pour l'Ukraine, Keith Kellogg, est arrivé mercredi à Kiev avec l'intention d' « écouter les préoccupations » des Ukrainiens. Elle fait craindre une rupture entre Kiev et Washington, au moment où les Etats-Unis ont entamé des pourparlers directs avec Moscou, les chefs de la diplomatie des deux puissances s'étant rencontrés mardi pour la première fois depuis le début de la guerre, en Arabie Saoudite. Ils y sont notamment convenus de négocier sur l'Ukraine, sans convier Kiev ni les Européens, qui craignent désormais un accord dans leur dos et contre leurs intérêts. « Le président Trump, que nous respectons beaucoup (...) malheureusement, vit dans cet espace de désinformation », a déclaré M. Zelensky lors d'une conférence de presse à Kiev, estimant que cette « désinformation venait de Russie ». Il a également accusé l'administration américaine d'aider Vladimir Poutine à « sortir d'années d'isolement » vis-à-vis de l'Occident, le président russe ayant été traité en paria par les Occidentaux depuis le début de l'invasion de l'Ukraine en février 2022. Zelensky a été mardi la cible d'attaques verbales inédites du président américain, qui a mis en cause sa légitimité, sa volonté de trouver une issue au conflit et le tiendra responsable de l'invasion de son pays par la Russie. Des propositions qui font écho à ceux du Kremlin. Dans ces déclarations qui ont choqué en Ukraine, Trump a accusé le président ukrainien d'être impopulaire, évoque l'absence d'élections et assuré qu'une partie de l'aide américaine avait été détournée. "Garanties de sécurité" Volodymyr Zelensky jouit pourtant de la confiance de 57% des Ukrainiens, selon un sondage réalisé début février par l'Institut international de sociologie de Kiev et publié mercredi. Trump avait affirmé que la cote de confiance de son homologue ukrainien était de 4%. Si le mandat du président ukrainien aurait dû expirer en mai 2024, l'Ukraine n'a pas organisé d'élections du fait de la guerre et de la loi martiale, alors que des millions d'Ukrainiens ont fui à l'étranger et que 20 % du territoire est sous occupation russe. Et si Trump a assuré que Washington a « donné 350 milliards » à l'Ukraine et accusé Zelensky de ne pas savoir « où était la moitié de l'argent », l'Institut économique IfW Kiel chiffre l'aide américaine à 114,2 milliards de dollars depuis 2022. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a lui salué les critiques de Donald Trump et qualifié Zelensky de « pathétique ». Il s'est également félicité que le président américain « dise haut et fort » que la volonté d'élargir l'Otan à l'Ukraine ait provoqué la guerre - la rhétorique de Moscou pour justifier le déclenchement de son offensive. La tâche d'expliciter la position américaine revient désormais à son envoyé spécial Keith Kellogg, arrivé mercredi matin à Kiev par train depuis la Pologne. Adoptant un ton conciliant, il a dit comprendre le besoin de « garanties de sécurité » de l'Ukraine. « Une partie de ma mission est de m'assoir, d'écouter vos préoccupations en ce qui concerne les Etats-Unis », a-t-il ajouté. Zelensky a indiqué que les « garanties de sécurité » de la partie des Occidentaux étaient nécessaires pour pouvoir « mettre fin à la guerre » cette année. Rapprochement russo-américain Le président ukrainien avait indiqué le week-end dernier vouloir amener Keith Kellogg sur le front pour qu'il « en parle au président Trump ». Les inquiétudes ukrainiennes sont légion depuis les discussions russo-américaines mardi à Ryad, prononcées comme étant des pourparlers « sur l'Ukraine sans l'Ukraine » par M. Zelensky. Il a insisté mardi pour que l'Ukraine, l'Union européenne, la Turquie et le Royaume-Uni soient inclus dans les discussions. Lors de ces pourparlers, Russes et Américains ont posé les jalons du rétablissement de leurs relations, convention d'établir un « mécanisme de consultation » pour résoudre leurs contentieux et de nommer des négociateurs pour l'Ukraine, un processus dont sont exclus à ce stade Kiev et les Européens. Au-delà de l'Ukraine, la Russie veut discuter de l'architecture de la sécurité en Europe dans son ensemble. Moscou revendique un recul de l'Otan, qu'elle considère comme une menace existentielle. Le Kremlin a jugé mercredi que ces discussions représentaient un « pas très, très important » en vue d'un « règlement pacifique » du conflit en Ukraine. Tenus à l'écart, des dirigeants européens et le Canada doivent se réunir à Paris mercredi après-midi à l'invitation du président Emmanuel Macron, après une première rencontre lundi avec les principaux soutiens européens de l'Ukraine.