Entre le politique d'un côté et l'économique d e l'autre, le marché économique maghrébin a du mal à se construire et à se consolider. Comment le faire émerger ? Pourquoi autant de difficultés ? Pourquoi le Maghreb n'arrive-t-il pas à sortir de sa léthargie, qui n'a que trop durée, pour s'ériger en un pôle économique puissant ? Autant de questions, auxquelles, l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA) n'a pas prétendu pouvoir y apporter des réponses, mais elle aura au moins le mérite d'avoir ouvert un débat franc et sincère, sur une question qui préoccupe et qui inquiète. Il est vrai que sur un plan institutionnel, le Maghreb arabe a accompli des avancées. Néanmoins, sur le plan de l'intégration économique, rien ne va comme il se doit. Des échanges commerciaux très faibles, à peine 7%, des investissements intra-maghrébins infimes alors que sous d'autres cieux, les Maghrébins investissent beaucoup, des procédures compliquées qui entravent l'expansion d'un marché intégré. Et pourtant, toutes les analyses, les études et autres confirment les avantages certains d'un marché économique maghrébin. Outre la consolidation de la compétitivité des entreprises, l'amélioration de leur positionnement sur le marché local et international, un marché maghrébin intégré représente 2% de croissance supplémentaire, soit 20 mille emplois par an et un volume d'échanges commerciaux multiplié par dix. Le secteur privé semble, en tous les cas, intimement convaincu du coût du non Maghreb et de ses bénéfices pour tous. La journée d'étude sur « Le Marché Economique Maghrébin : Réalités et Perspectives », organisée par l'UTICA, en collaboration avec la Fondation Konrad Adenauer, témoignent de la volonté du secteur privé d'identifier les obstacles entravant l'expansion d'un marché maghrébin intégré. Et pourtant, l'UMA a été créée il y a aujourd'hui, 20 ans. Sur le plan des institutions, il est vrai que des avancées sont enregistrées : 31 conventions signées, six assemblées organisées, 31 études sectorielles réalisées, une stratégie de développement maghrébine a été mie en place dont les objectifs sont, entre autres, de concrétiser une zone de libre échange maghrébine, une union tarifaire qui devrait générer des gains de l'ordre de 4600 millions de dollars américains, représentant 4,4% du PIB de l'Algérie, du Maroc et de la Tunisie réunis Or, en dépit de toutes ses bonnes volontés, rien n'a été concrétisée, en tous cas dans le sens d'une zone de libre échange entre les pays du Maghreb. Chafik Hajji, directeur des affaires maghrébines auprès du ministère tunisien des Affaires étrangères, a indiqué que les parties concernées se sont mis d'accord sur un certain nombre d'articles mais qu'il y a eu des blocages au niveau de la libéralisation des produits agricoles et agroalimentaires, au niveau des contrats d'exclusivité et des appels d'offres publics. Par contre, ajoute l'orateur, le comptoir maghrébin pour l'Investissement et le commerce extérieur, décidé en 1991, et ratifié en 2002, semble en cours de concrétisation. La Tunisie et la Libye ont souscrit leur part dans le capital et l'Assemblée générale ne saura plus tarder. Au sens de M. Hajji, le cadre juridique et institutionnel est bien fourni. Par contre, au niveau économique, rien ne va plus : faiblesse des échanges, du financement du commerce extérieur, parce qu'il faut recourir aux devises ; un problème qui serait probablement, en tous cas on le souhaite, résolu avec l'entrée en exercice du comptoir maghrébin. Dans tous les cas de figure, et la réalité étant ce qu'elle est, les Etats tentent de consolider les relations bilatérales. Aussi, la Tunisie a-t-elle signé un accord de libre échange, avec le Maroc et la Libye, et un accord préférentiel avec l'Algérie. Par ailleurs, les pays du Maghreb viennent de redynamiser l'Union maghrébine de l'agriculture et de la Pêche L'assistance, composée de politiques et opérateurs économiques, semble convaincue que l'intégration ne se réalisera pas, si le secteur privé ne s'acharne pas, ne dépasse pas les problématiques et ne s'engage pas dans des partenariats maghrébins fructueux, complémentaires et intégrés. Thomas Schiller, représentant général de la fondation Konrad Andenauer, a souligné qu'un marché économique maghrébin intégré ouvre des horizons multiples aux entreprises de la région. Celles-ci auront accès à un marché plus grand, réaliseront par la même des économies d'échelle et seraient mieux préparées à affronter les défis de la mondialisation. Mais la réalité est toute autre. Une réalité qui fait plus de mal que de bien, a déclaré Hédi Djilani, président de l'UTICA et de l'Union maghrébine des employeurs (UME). Une réflexion tout à fait claire, et désormais, réaliste. « La réalité est là. S'il est vrai qu'une certaine amélioration est notée, notamment au niveau des échanges commerciaux, actuellement autour de 7 à 8%, il n'en demeure pas moins que l'on est en deçà des ambitions, des objectifs et de la volonté d'un Maghreb intégré économiquement », a clairement déclaré M. Djilani. Il semblerait en tout cas que les opérateurs économiques maghrébins croient profondément à un avenir meilleur d'une zone de libre échange maghrébine. Et, ils ont le droit d'y croire. Quand on voit les bénéfices et les avantages d'un marché économique maghrébin intégré, on peut affirmer qu'il n'y a pas de temps à perdre. Le Président de la Centrale patronale tunisienne, a rappelé que plusieurs parties étrangères évoquent l'importance capitale d'un Marché Magrébin intégré. Un marché dont elles encouragent la concrétisation et le rapprochement entre ses membres, tout étant convaincus que se sont les hommes d'affaires qui réussiront à faire avancer les choses. Cependant, la réalité semble décevoir le patron des patrons tunisiens, et maghrébins. Des maghrébins qui investissent partout au monde, sauf au Maghreb. Habib Ben Yahia, secrétaire général de l'UMA, a essayé de tempérer la déception de M. Djilani, mettant en exergue les efforts politiques consentis en 20 ans. Ce qui en soi est un grand acquis. Mais, désormais, le cadre institutionnel établi, et mis en place, n'a pas mené à l'objectif recherché qui est en définitive, un Maghreb intégré économiquement, ayant une position de taille sur l'échiquier international. « A la lumière des mutations profondes et rapides que connaît le monde et des crises dont les impacts sur nos économies sont certains, le choix du thème de cette journée d'étude semble opportun pour tenter d'identifier des solutions concrètes à même de consolider les efforts vers une intégration maghrébine. Une intégration voulue par nous, Maghrébins certes mais aussi par tous nos partenaires. Car, elle est salutaire aussi bien pour nous que pour eux », a indiqué le secrétaire général de l'UMA. L'instauration d'un marché maghrébin intégré économiquement est aujourd'hui une nécessité, voire un impératif urgent, notamment à la lumière des crises et des mutations internationales profondes, plaçant les pays maghrébins face à des défis majeurs, que les économies isolées, ne pourraient pas supporter. Par contre, un Maghreb doté d'un marché intégré est de nature à mieux faire face aux défis de la mondialisation.