Sans aucune surprise, ni encore moins de nouveautés particulières, le verdict de l'étude stratégique du tourisme à l'horizon 2016 est tombé. Il s'agit, plutôt d'une sorte de diagnostic qui confirme, celui établi, il y a quelques années, par deux précédentes études, l'une réalisée par la Banque Mondiale, l'autre par l'Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA) mais qui sont restées dans les tiroirs des bureaux. U diagnostic qui remet à la lumière du jour et surtout à nu, les difficultés, les insuffisances et les lacunes d'un secteur pourtant stratégique. S'il est vrai que la nouvelle étude, réalisée par le bureau international, « Roland Berger », confirme le savoir-faire du tourisme tunisien, il n'en demeure pas moins que ce savoir-faire, n'a pas été mis au service du développement du secteur. Un secteur qui se caractérise par une saisonnalité chronique, un hébergement très peu diversifié, un déficit d'image, un marketing complètement à l'écart de la concurrence ; une forte dépendance des Tours Opérateurs et une communication en déphasage et pas du tour adaptée aux besoins des marchés cibles. Habib Ammar, Directeur Général de l'Office National du Tourisme Tunisien (ONTT) a, à l'occasion de la consultation régionale autour du plan d'action pour le développement du tourisme tunisien à l'horizon 2016, organisée hier, à Tunis, et en même temps, sur tout le territoire de la République, synthétisé les insuffisances, sans enter dans les détails, qui, sans aucun doute, font mal. Le diagnostic du secteur, a-t-il indiqué, occupe 400 pages dans l'étude stratégique du développement du secteur touristique à l'horizon 2016. Une étude qui, contrairement aux deux autres, souligne Mohamed Belajouza, président de la fédération Tunisienne de l'Hôtellerie (FTH), se distingue, par son caractère opérationnel avec un plan d'action budgétisé, avec des délais d'exécution précis. Un plan d'action composé de cinq axes stratégiques, à savoir la diversification et l'innovation de l'offre ; la promotion et le marketing ; le cadre institutionnel ; la restructuration des finances du secteur et le passage à un tourisme web compatible. Ces axes se déclinent en 20 actions prioritaires, dont la construction d'une nouvelle politique évènementielle, la diversification des sources de financement, la signature d'un pacte « stratégie 2016 », avec une communication axée sur la priorité du tourisme ; la réorganisation du dispositif institutionnel, la mise en place d'une structure projet, la réalisation d'une refonte de la formation professionnelle. Mais encore, le développement de la charte « jasmin », l'encouragement de la promotion de l'innovation, la diversification des types d'hébergement, l'intensification du partenariat et l'adoption d'une approche marketing par pays. Sans oublier que le plan d'action comprend 160 mesures. Un plan grandiose qui devrait constituer la feuille de route du tourisme tunisien vers un avenir meilleur, un rendement performant de nature à porter la croissance vers le haut et de concrétiser les objectifs présidentiels quantitatifs, forts ambitieux, pour le secteur, à savoir s'approcher des 10 millions de touristes, réaliser 5 milliards de dinars de recettes en devises, doubler les nuitées des Tunisiens, dans les nuitées globales du secteur (atteindre 15%), à l'horizon 2014. Le plan opérationnel proposé par l'étude stratégique de développement du tourisme à l'horizon 2016, comprend trois phases, associant tous les intervenants dans l'activité touristique. D'ailleurs, dans cet ordre d'idées les participants à la consultation régionale autour du plan d'action, à Tunis, essentiellement des professionnels du secteur, se sont interrogés sur l'exécution de ce plan. En d'autres termes, « qui fera quoi, où et comment » ? Qui aura l'autorité de faire appliquer le plan d'action ? Quel poids de l'organisme qui sera chargé de l'exécution face au gouvernement et autres institutions de l'Etat? D'autres ont affirmé que l'exécution du plan d'action nécessite des lois et une réglementation spéciale, tout comme les projets innovants. Ils se sont interrogés sur l'état d'avancement de la législation. D'autres ont évoqué l'impératif de la décentralisation de la décision administrative afin que les collectivités locales, fortement impliquées dans le développement du secteur, puissent bénéficier d'une marge de manuvre pour faire avancer les choses et surtout d'instaurer une communication permanente entre les Commissariats régionaux du tourisme et les collectivités locales. Une communication, aujourd'hui, presqu'absente. Pour d'autres, à l'instar de Ahmed Smaoui, expert en la matière, ont insisté sur l'impératif de réhabiliter l'offre et de l'adapter à la demande. On ne va pas réinventer la roue, indique, Ahmed Smaoui, la réhabilitation de l'offre qui, date de plus de 30 ans, devrait constituer une priorité dans le plan d'action. L'offre tunisienne est structurellement et essentiellement hôtelière. Il serait judicieux de s'orienter vers l'immobilier touristique qui, désormais, est une plus value qui manque au tourisme tunisien. Pour ce faire, le cadre juridique est à revoir. La Tunisie, a t-il expliqué est appelée à construire 70 mille lits, à l'horizon 2016, soit une moyenne de 12 à 15 mille lits par an. Or, le rythme actuel ne dépasse pas les 3000 lits par an. Il serait difficile de doubler la cadence, car on ne dispose ni des terrains ni des moyens nécessaires et même si ces deux conditions se concrétisent, le cadre incitatif ne le permet pas. « On constate, non sans amertume, un recul objectif de l'image. Nous étions des gagnants, des battants à un moment. Or, aujourd'hui, on est des loosers qui ne savent plus quoi faire. Désormais, le doute s'est installé quant à l'utilité et l'apport même du tourisme. Mais, heureusement qu'au plus haut sommet de l'Etat, on a confirmé et réaffirmé que le tourisme est un choix irréversible. Rien ne s'arrangera désormais, tout seul. Il faut l'intervention de tous. Espérons que ce plan d'action soit une inflexion qui nous permettra de se corriger, de se remettre en question et de remédier aux lacunes. Certes, nos concurrents ont appris chez nous, mais il faut reconnaître, avec un peu d'humilité, que l'élève a dépassé le maître, et que ce dernier, accepte de reprendre le chemin de l'école et de réapprendre à nouveau », a déclaré Ahmed Smaoui. D'autres intervenants, en l'occurrence notre collègue Hédi Hamdi, d'Afrique Tourisme, a proposé la création d'une cellule de veille stratégique pour surveiller et suivre la santé financière des Tours Opérateurs, sur les marchés étrangers. L'objectif étant d'éviter les impayés et que les hôteliers continuent à vendre à des TO dont la faillite est imminente. Et, pourquoi pas créer un fonds qui pourrait remédier à ces accidents quant ils surviennent, à l'instar de ce qui existe en France, et ailleurs. Les propositions des professionnels, qui ne se sont pas bousculés, pour une consultation régionale pour le Nord du pays, regroupant, plusieurs gouvernorats, Tunis, Zaghouan, Bizerte, Beja, Tabarka et le Kef, seront prises en considération par les responsables de l'administration de tutelle, et présentées lors de la consultation nationale, qui devrait se tenir, en septembre prochain. Insaf Fatnassi