Alors que le procès de la chaîne Nessma Tv vient d'être reporté au 19 avril prochain, Nabil Karoui livre à l' « Express » une interview, présentée par le site électronique du magazine hebdomadaire français, comme un « plaidoyer pour la liberté d'expression en Tunisie ». Lors de cette interview, Nabil Karoui reviendra sur le procès de la diffusion de Persepolis, «premier procès politique depuis la chute de Ben Ali. Un ballon d'essai pour tester le degré de mobilisation des démocrates et des défenseurs des libertés. C'est un test pour la région, puisque la Tunisie influence aujourd'hui tout le monde arabe », déclare Nabil Karoui. Dans cette affaire, rappelons-le, Nabil Karoui est accusé, en tant que représentant de la chaîne, d' « atteintes aux valeurs du sacré » pour avoir diffusé un film qui « avait pourtant reçu le visa de l'Etat tunisien pour être projeté en salle de cinéma et dont la version en dialecte tunisien a été financée par le ministère de la Femme en Tunisie et par ONU femme», un film représentant Dieu, selon l'imaginaire d'une petite iranienne. Alors qu'il avait présenté ses excuses au peuple tunisien, Nabil Karoui déclare sans détour « Si je devais rediffuser Persepolis cent fois, je le rediffuserais cent fois ». Tout en ne regrettant pas les excuses formulées, des excuses présentées en raison de « l'ampleur de la manipulation dont a été "victime" la population tunisienne...» et qui ont « calmé beaucoup de gens », M. Karoui affirme qu'aucun péché n'a été commis à travers la diffusion du film qui devait permettre aux Tunisiens, à la veille des élections du 23 octobre, de se poser la question suivante « Si un parti islamique gagne, est-ce qu'on va prendre la voie turque ou la voie iranienne? ». Un film, mal accueilli par la critique, qui a déchaîné les passions et provoqué un tel tollé malgré le fait que la plupart des contestataires « n'avaient ni vu le film, ni vu la séquence, à qui on avait seulement parlé dans une mosquée ou à qui on a distribué un tract où on disait que nous étions l'ennemi de Dieu... » Nabil Karoui exprime sa consternation face au nombre d'avocats ayant porté plainte et devant la « plaine collective « spontanée » qui a réuni 160.000 personnes », travail selon lui, d'une « sacrée organisation ! » Lors de cette interview, Nabil Karoui revient également sur les élections du 23 octobre et déclare que ceux qui ont voté pour le parti islamiste rejettent les bases du modernisme revendiqué par Ben Ali. Il ne manque pas de déclarer « Moi je suis très content que les Islamistes soient au pouvoir, avec le parti Ennahdha, parce que c'est le jeu démocratique qu'ils ont remporté ». Sur un ton qui se veut optimiste, il ajoute : « Peut-être qu'on aura les islamistes les plus modérés du monde, parce qu'on baigne dans cette Méditerranée extraordinaire, qu'on est près de l'Europe, que nos intérêts c'est d'avoir une société équilibrée… ». Un modèle d'islamisme « modéré » dans lequel Nabil Karoui ne manque pas d'exprimer son angoisse, craignant pour sa sécurité et pour celle de sa famille, dans cette « Tunisie au pouvoir islamiste ». Pour conclure, Nabil Karoui qui se sent dans la peau de « Salman Rushdie » en Tunisie - en référence au romancier britannique d'origine indienne qui a fait l'objet d'une fatwa de l'ayatollah Khomeini, pour la publication des « Versets Sataniques » - martèle : « Si je suis condamné, c'est la liberté d'expression et de création qui sera condamnée à travers moi » et d'ajouter : « je serai dans mon rôle d'opposant, je suis un Tunisien majeur qui, après 23 ans de silence, n'accepterai pas de me taire et donnerai toujours mon avis même s'il est minoritaire ». Un Nabil Karoui qu'on voit mal dans le rôle d'opposant mais qui veut se poser en symbole de la liberté d'expression en déclarant « être au centre d'un combat qui le dépasse ». Cliquer ici pour lire l'interview dans son intégralité