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Des partis qui commercent avec le sang des martyrs
Publié dans Business News le 15 - 04 - 2014

Depuis l'annonce, samedi, du jugement du tribunal militaire dans l'affaire des martyrs de la révolution, l'écrasante majorité des partis tunisiens a publié un communiqué portant sur le sujet.
En dépit des apparences, cependant, très rares ont été ceux ayant respecté le sang des martyrs.
Les communiqués visant la justice militaire ou le juge ayant prononcé les verdicts de l'affaire des martyrs sont cinglants. Les phrases assassines contenues dans ces communiqués, signés par les secrétaires généraux et présidents de partis politiques, constituent une première en matière d'irrespect des droits des victimes, d'atteinte à la présomption d'innocence des accusés et d'ingérence dans l'autorité judiciaire. Ce sont pourtant les mêmes qui appelaient, il y a peu, au nécessaire respect de la séparation des pouvoirs. Ce sont les mêmes aussi qui ont inscrit, dans la toute nouvelle constitution tunisienne, cette séparation de pouvoirs. Last but not least, c'est l'Assemblée nationale constituante, elle-même, qui organise, hier lundi, une plénière pour débattre et dénoncer une décision judiciaire, avant de prendre des décisions anticonstitutionnelles. On marche sur la tête ? Non, c'est ainsi que fonctionne tout pays qui ne respecte pas ses institutions. S'il y avait un doute, il a fini par être levé.
En ce samedi 12 avril, les familles des martyrs et blessés de la révolution ont eu un véritable choc. Leur progéniture est morte une seconde fois, ce soir-là. La justice a décidé de relaxer ceux qu'ils pensaient être coupables, à savoir les principaux symboles de l'appareil répressif du régime Ben Ali. Le ciel leur est tombé sur la tête. Alors que certains d'entre eux s'attendaient à une peine capitale, ou la prison à vie, voilà que les magistrats allègent les sentences, voire les annulent carrément.
Aussitôt le verdict annoncé, les hommes politiques ont flairé le dividende à tirer. Les premiers à réagir appartiennent à la défunte troïka. Khalil Zaouia, ancien ministre des Affaires sociales et dirigeant d'Ettakatol se déplace en personne devant le tribunal pour manifester sa « sympathie » aux familles. Il sera dégagé rapidement et brutalement après avoir subi un geste obscène au moment où il s'apprêtait à prononcer un speech. On l'accusera ouvertement de vouloir faire sa campagne électorale sur leur dos.
Après avoir ouvert le bal, samedi soir, le défilé des communiqués a pris la suite. Abderraouf Ayadi, président du parti Wafa considère que ces verdicts sont une trahison suprême de la révolution et une humiliation à ses victimes. Il appelle à la création d'un tribunal spécial, alors qu'il sait pertinemment que constitutionnellement ceci est impossible.
Le même soir, Imed Daïmi secrétaire général du parti présidentiel CPR estime que le tribunal militaire a une position politique et est « complice des symboles répressifs du régime déchu ». Il appelle à s'élever contre la manipulation de la justice dans le blanchiment des symboles du régime Ben Ali.
Ettakatol entame son communiqué en classant dès la première phrase les accusés comme étant les symboles du régime répressif du président déchu. En clair, et rien que pour cela, ils doivent être jugés dans la première affaire venue.
Al Massar et l'Alliance démocratique, réputés être plus sensés, ont rejoint eux aussi le concert des voix qui s'ingèrent dans les affaires judiciaires et ne respectent ni les institutions, ni la présomption d'innocence des accusés. Le premier manifeste sa totale désapprobation quant à ces verdicts ayant touché des « symboles de l'ancien régime ». L'Alliance, quant à elle, considère que ces verdicts sont humiliants pour l'ensemble des Tunisiens.
Face à la floraison de communiqués allant tous dans le même sens de populisme, deux partis ont préféré mettre de l'eau dans leur vin et attendre le 14 avril pour rendre publics officiellement leurs communiqués. Cette absence de réactivité immédiate a fait que les communiqués soient posés et plus respectueux des droits de victimes et des institutions. Il s'agit d'Ennahdha et d'Al Joumhouri. Ils ont manifesté leur sympathie avec les familles des victimes, leur choc ou surprise quant au verdict, mais n'ont pas bafoué, pour autant, la présomption d'innocence des relaxés. Sans remettre en question la justesse de la décision des magistrats, Ennahdha a critiqué les conditions dans lesquelles le procès s'est déroulé et a conduit à ce que les martyrs de la révolution et leurs familles ne trouvent pas justice.
Al Joumhouri critique, pour sa part, l'ensemble de l'appareil judiciaire qui a failli dans sa mission de traiter les affaires de corruption sous l'ancien régime et des affaires d'assassinat et de répression durant la période de la révolution.
Nidaa Tounes a préféré, quant à lui, adopter la position la plus détachée et ressemble, à quelques passages, à celle du chef du gouvernement Mehdi Jomâa. Après leur avoir manifesté sa sympathie, Béji Caïd Essebsi a invité les familles des victimes à faire attention à ce qu'elles ne soient pas manipulées et ne fassent pas l'objet de surenchères politiques. Il leur rappelle que le verdict a été prononcé par une instance judicaire indépendante et qu'ils peuvent, donc, poursuivre en cassation. En aucun cas, avertit-il, il ne faut remettre en doute les institutions de l'Etat, judiciaires, militaires et sécuritaires.
A l'ANC, lundi 14 avril, on n'a pas entendu les choses ainsi. Comme de coutume, les Tunisiens avaient droit à du folklore. Mahmoud Baroudi qui profite de son speech pour tacler Moncef Marzouki, Sonia Ben Toumia qui profite du sien pour attaquer Mustapha Ben Jaâfar, Samia Abbou n'a pas pu s'empêcher avec son classique « m'as-tu-vu », dont la vidéo a été ensuite reprise sur les réseaux sociaux…
Dans la théorique plus haute institution de l'Etat, les instances judiciaires et militaires ont été totalement clochardisées à travers les différentes interventions des députés. A qui pleure le mieux, à qui dénonce le mieux.
À cet élan de populisme généralisé, il fallait des décisions spectaculaires capables de bluffer l'opinion publique et la calmer. Il y en aura deux. La première est l'initiative d'une vingtaine de députés qui gèlent leur adhésion jusqu'à la création de l'instance Vérité et Dignité. Une instance bloquée, jusque là, à l'ANC, tout comme la loi de la Justice transitionnelle restée bloquée pendant un an dans cette même ANC.
La deuxième mesure est tout à fait anticonstitutionnelle. Elle annonce un projet de loi pour la création de chambres judicaires spéciales pour les affaires des martyrs et victimes de la révolution. Cette loi, si elle existait, violerait tout simplement l'article 110 de la constitution qui stipule que les catégories de tribunaux sont créées par la loi et que la création de tribunaux d'exception est interdite au même titre que l'édiction de procédures exceptionnelles susceptibles d'affecter les principes du procès équitable. Par la création de chambres spéciales, l'ANC ne fait qu'édicter une procédure exceptionnelle qu'elle avait elle-même interdite lors de la rédaction de la constitution.
A quoi cela rime-t-il donc de prendre des décisions qu'on sait d'avance illégales ou de dénoncer des faits et des retards dont on est soi-même responsables ?
Les différents partis politiques ont une idée exacte du fonctionnement de la justice et de la complexité du dossier des affaires des martyrs. Ils connaissent aussi les frontières du pouvoir judiciaire et du pouvoir politique. Ne pouvant pas avouer leur incapacité de traiter ce dossier ou leur incapacité de s'ingérer dans l'appareil judiciaire, ils préfèrent miroiter de faux espoirs aux familles des victimes quitte à ce qu'ils soient accusés de fragiliser les institutions de l'Etat et de commercer avec le sang des martyrs.
Raouf Ben Hédi
Crédit photo : free-reporters.com


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