La journée du mercredi 18 mars 2015 est à marquer d'une pierre noire dans l'histoire de la Tunisie. En attendant un bilan définitif et officiel, les premiers chiffres sont terrifiants : au moins 22 tués et près de 50 blessés dont plusieurs, grièvement. Le choc est de taille et les répercussions pourraient s'avérer douloureuses, voire catastrophiques, pour l'économie nationale et pour la stabilité sociale dans le pays. Les premières informations commençaient à tomber aujourd'hui vers midi faisant état de coups de feu dans les alentours du siège de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) et du Musée du Bardo. Depuis, un flux incessant de données a noyé l'actualité nationale.
Au début, on a évoqué des blessés. Puis ce fut un bilan de quatre tués doublé d'une prise d'otages à l'intérieur du Musée du Bardo, plus précisément dans la Salle des Mosaïques. La confusion était totale et les informations étaient tellement nombreuses et, parfois, contradictoires qu'on commençait à s'y perdre jusqu'à l'annonce de la fin de l'opération faisant état de la mort des terroristes. Les déclarations étaient multiples mais variaient, selon les sources, quant au bilan final. Des 19 tués annoncés par le chef du gouvernement lors d'un point de presse, aux 22 tués avancés par des surces sur place en passant par les chiffres révélés par le ministre de la Santé, sans parler du bilan des blessés, il y avait de quoi perdre le Nord. Les officiels du gouvernement et du ministère de l'Intérieur ainsi que d'autres départements se sont mobilisés dans un élan général pour montrer qu'ils tiennent la situation en main.
Ainsi, outre la conférence de presse donnée par Habib Essid, le ministre de la Santé, Saïd Aïdi, a été à l'hôpital Charles Nicolle, sans oublier le président de la République, Béji Caïd Essebsi qui s'est déplacé à la Kasbah pour assister à la réunion de la cellule de crise mise sur pied au gouvernement avant de se déplacer, en personne, au même hôpital pour s'enquérir de la situation de la prise en charge des blessés. L'opération achevée officiellement et la stupeur terminée, place a été données aux réactions et aux analyses quant aux perspectives et retombées de cet acte terroriste auquel les Tunisiens ne sont pas habitués.
Tout d'abord, il est important de souligner qu'il s'agit de la première opération du genre dans le sens où jusque-là, toutes les attaques terroristes visaient des cibles militaires et sécuritaires dans des zones situées dans le triangle des gouvernorats de Kasserine, Le Kef et Jendouba, sans oublier les deux assassinats politiques des deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Aujourd'hui, les terroristes se sont attaqués de front à des civils, plus précisément des touristes, dans le but évident de frapper de plein fouet le tourisme, un des piliers de l'économie nationale tout en donnant des signes négatifs aux investisseurs étrangers.
En attendant toujours les révélations exactes, des informations font ressortir que les terroristes visaient, plutôt, le siège de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Le coup, comme il s'est passé, est déjà trop dur à digérer, mais imaginons, un seul instant, que les terroristes s'étaient introduits au siège de l'ARP ! Cela aurait entraîné une véritable catastrophe nationale aux conséquences incalculables. On n'en est pas là, mais il faudrait, désormais, se préparer à toutes les éventualités face à des terroristes déterminés et prêts à tout pour nuire au pays et à son avenir. Et en l'absence de revendication publique de l'attentat, les supputations battent leur plein avec des hypothèses quant à l'origine des assaillants. Mais l'on s'attend à ce qu'une enquête, déjà ouverte, puisse mener aux véritables tenants et aboutissants de ce drame. En effet, l'identification des terroristes tués et les prises par les caméras de surveillance au Musée pourraient mieux renseigner sur les différentes péripéties de l'attaque. En attendant l'adresse du Président de la République, qui doit avoir lieu d'ici une heure, et la réunion, prévue pour la première fois, du Conseil supérieur des armées conjointement avec les principaux chefs sécuritaires, tout le monde s'interroge sur la nature de la stratégie à entreprendre pour que la lutte soit plus efficace et pour que de pareils actes ne se reproduisent plus.
Sur un autre plan, un aspect positif est à mettre en relief en marge de ce drame, en l'occurrence l'élan international de sympathie et de solidarité enregistré à travers le monde. Outre les déclarations de condamnations rendues publiques par les tous les pays et les hautes instances internationales, il y a lieu de mentionner les termes forts utilisés par les hauts dirigeants de la France, des Etats-Unis d'Amérique, de l'Espagne, du Japon, de la Ligue des Etats arabes, de l'Union européenne et bien d'autres. Une unanimité s'est dégagée quant à la nécessité de venir en aide à la Tunisie d'une manière plus concrète et plus consistante afin de permettre aux nouveaux gouvernants de sortir de l'impasse et de dépasser la situation, plus que délicate, politiquement et économiquement.
En tout cas, tout indique qu'il est temps de passer à une dimension supérieure et à une mutation qualitative dans la lutte contre le terrorisme si l'on veut éviter la répétition de pareils coups terrifiants. Par ailleurs, la loi antiterroriste devra plus être, de toute urgence, votée par le Parlement, c'est ce que vient de déclarer aujourd'hui même l'élu d'Ennahdha, Samir Dilou, qui a dit que « la loi antiterroriste sera votée dans quelques jours »...