Internet est devenu, immanquablement, le principal pourvoyeur de radicalité, jouant un rôle central dans l'endoctrinement et le recrutement de futurs jihadistes. Arme à double tranchant, le cyberspace est le lieu privilégié des groupes extrémistes, à leur tête Daech, pour enrôler et toucher le plus possible d'internautes. Et ce n'est pas chose difficile, vu la multiplicité des forums et réseaux sociaux, constitués de millions de comptes et de profils. Retour sur un phénomène qui ne devrait, en aucun cas, passer inaperçu dans cette Tunisie frappée de plein fouet par le fléau terroriste. L'auteur de l'attentat de Sousse, Seifeddine Rezgui, étudiant âgé de 23 ans, se serait « radicalisé via les réseaux sociaux et au sein d'organisations auxquelles il appartenait. Ce qui lui a permis de développer cette pensée terroriste», affirme le chef du gouvernement Habib Essid, au lendemain de la plus sanglante attaque qu'a connu la Tunisie de son histoire récente. Selon les derniers éléments de l'enquête, le jeune homme se serait radicalisé en un temps record. Ceux qui le connaissent disent qu'il a commencé petit à petit, à s'isoler et à passer de plus en plus de temps sur son ordinateur, tout en prenant soin de taire ses activités sur le net. Premier point de départ du court parcours d'un terroriste en herbe.
A l'heure où internet est accessible pour tous et où les supports se diversifient, la diffusion de messages, d'enregistrements audio ou vidéo et de photos de propagande se font en quelques secondes, en un clic. Tout peut s'échanger dans cette immensité qu'est la toile. Du simple cours d'endoctrinement religieux, aux directives concernant le maniement d'armes ou les moyens de se rendre dans les camps d'entraînement et les zones de guerre, ou encore la planification d'actes terroristes.
Les groupes terroristes, à l'instar de Daech, ont su tirer profit de cette manne, et on en fait leur principal moyen de communication. Vecteurs de recrutement par excellence, les réseaux sociaux sont un terrain de chasse propice, et pour attirer cette jeunesse 2.0, les organisations terroristes ont mis au point un système de communication imparable et maîtrisé digne des plus performantes boîtes de com'. En témoignent les multitudes de pages et de comptes « officiels ! », organes de cette macabre propagande.
Rien qu'en Tunisie, avant chaque attaque, les comptes jihadistes se mettent au « teasing ». A coup de Tweets on annonce l'imminente « bonne nouvelle », tout en défiant les forces de l'ordre, qualifiées de « taghout », de tenter de l'empêcher. Aussitôt après l'opération, on revendique, on félicite les auteurs, on publie des photos inédites et des communiqués bien ficelés à la gloire du saint jihad. Un mécanisme redoutablement rodé, d'autant plus que les médias sont poussés à relayer ces informations, entrant dans le jeu machiavélique des terroristes. C'est le cas de l'attentat de Sousse. Le soir même, les comptes proches ou se réclamant de Daech, ont inondé la toile avec la photo exclusive de Seifeddine Rezgui, fier, souriant face à l'objectif entre ses deux Kalachnikovs. Une image, qui sans conteste, aura une grande incidence sur les sympathisants et les « followers » de ses comptes, l'érigeant en héros.
Son nom de guerre est Abou Yahiya Al Kairaouani, le terroriste de Sousse est donc passé par la case recrutement et endoctrinement sur les réseaux sociaux, lui ouvrant les portes du « saint jihad ». Entre le moment de son enrôlement et son passage à l'acte, faisant 38 morts et 39 blessés, il devait s'entraîner pour se transformer, en ce « soldat du califat », calme et sûr de lui. Rafik Chelly, secrétaire d'Etat à la sûreté nationale, révèle que Rezgui s'est formé au maniement des armes en Libye. Mais comment a-t-il pu s'y rendre ? Réponse : Il s'avère qu'il est allé en Libye de manière illégale et qu'il a été formé au maniement des armes à Sabratha, à l'ouest de Tripoli. Mais encore, Rezgui se trouvait en Libye, en même temps que les deux auteurs de l'attentat perpétré contre le musée du Bardo, en mars dernier. Toute la jeune bande aurait suivi, ensemble, un entraînement dans le même camp.
Il s'agit bien évidemment d'un réseau, on ne peut plus structuré, procédant par étapes avec ses ramifications chargées de l'embrigadement et allant à l'organisation du voyage clandestin vers les camps d'entraînement, jusqu'à la planification dans ses moindres détails de l'opération terroriste. Et tout cela a commencé sur le net. Cela semble surréaliste, mais détrompez-vous ! En effet, après l'attentat de Sousse, toujours sur les réseaux sociaux, une vidéo récemment mise en ligne, met en scène l'attaque sur la plage, reproduisant à presque l'identique le déroulement du drame. Le personnage principal, n'est autre que le terroriste qui tire des rafales à bout portant contre les touristes. Des images d'une extrême violence, mais dont la particularité surprend. En effet, il s'agit d'un jeu vidéo façon jihad accompagné par « Le tube » de Daech, « Salil Saouarem ». La créativité des groupes jihadistes ne semble pas avoir de limites pour séduire et attirer dans leur piège les jeunes en perdition, adoptant à la perfection les moyens de communication les plus avancés et créant, de toutes pièces, une nouvelle culture du jihad attrayante et facile d'accès.
Ce phénomène prépondérant nous amène à penser la nécessité d'adopter des mesures efficaces pour contrecarrer l'exploitation des groupes terroristes du cyberespace. Etant un excellent vecteur pour le recrutement des jihadistes en devenir, il est primordial de mettre en place un système qui contrôlerait ces activités sur les réseaux sociaux, et considérer toutes les menaces comme étant sérieuses et réelles. Mission ardue vu la difficulté de surveiller des millions et des millions de comptes. Mais cela pose une autre problématique : il faudrait dans ce cas définir où s'arrêtent les limites des libertés personnelles et ne pas engendrer un modèle à la Big Brother !