Human Rights Watch a publié, le 6 août 2015, un communiqué dans lequel elle dénonce les poursuites pénales engagées par les autorités tunisiennes contre un journaliste et un bloggeur tunisiens. Le rédacteur en chef de Akher Khabar online, Noureddine Mbarki, a été mis en accusation pour complicité de terrorisme, le 8 juillet 2015, pour avoir publié une photographie du terroriste qui a perpétré l'attaque de Sousse, Seifeddine Rezgui, descendant d'une voiture avant le drame. Le 22 juillet, Abdelfattah Saïed, un professeur de mathématiques, a été mis en accusation pour avoir publié une vidéo sur sa page facebook qui accusait les forces de sécurité d'avoir programmé l'attaque de Sousse et d'avoir incité Seifeddine Rezgui à commettre le crime. Il est également accusé de « diffamation d'un fonctionnaire » pour avoir publié une caricature du Premier ministre Habib Essid sur sa page facebook ( fait catégoriquement démenti par le conseiller de la présidence du gouvernement chargé de l'information et de la culture, Dhafer Néji, le 31 juillet). Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch a précisé que ces deux affaires pourraient annoncer les prémices d'une recrudescence de l'autorité de l'Etat sur la liberté d'expression. Dans un contexte où la menace terroriste est omniprésente, les préoccupations compréhensibles des autorités ne devraient pas justifier un tel traitement envers des journalistes qui n'ont fait qu'exprimer leur avis, faire part de leurs informations ou de critiques du gouvernement. Selon Eric Goldstein, traiter de terroristes, des journalistes qui n'ont fait que leur travail, aurait un effet dissuasif sur les autres et pourrait intrinsèquement conduire à limiter la transmission des informations. Il s'agit selon l'ONG d'une grave violation de la liberté d'expression. Noureddine Mbarki a été mis en accusation selon l'article 18 de la loi antiterroriste de 2003 pour « avoir favorisé la fuite de terroristes ». Selon les autorités, la photo qu'il a publié avait pu entraver l'enquête en cours et alerter les complices de Seifeddine Rezgui. Or, le code de la presse tunisien, punit toute personne qui publie des documents sur des enquêtes en cours, avant qu'ils ne soient lus par un juge lors d'une audience publique d'une amende pouvant aller de 1 000 à 2 000 dinars. Mbarki a, en revanche, été inculpé dans le cadre de la loi antiterroriste ce qui pourrait engendrer des peines bien plus lourdes, alors que la loi antiterroriste de 2015 prévoit une disposition qui protège les journalistes contre l'obligation de révéler leurs sources. Les deux hommes ont été arrêtés en vertu de l'article 18 de la loi antiterroriste de 2003 qui prévoit une peine de 5 à 12 ans de prison pour « quiconque procure un lieu de réunion aux membres d'une organisation, entente ou personnes en rapport avec des infractions terroristes, aide à les loger ou les cacher ou favoriser leur fuite, ou leur procurer refuge, ou assure leur impunité, ou bénéficie du produit de leurs méfaits. ». Abdelfattah Saïed, qui avait publié une caricature du chef du gouvernement, Habib Essid, tenant une pelle a été mis en examen pour un chef d'accusation supplémentaire en vertu de l'article 128 du code pénal. Cet article stipule que quiconque « impute à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité » encoure une peine pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement. L'ONG a rappelé que la Tunisie a, en outre, ratifié l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui protège « la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. ». Eric Goldstein a enfin précisé que « Les autorités tunisiennes devraient arrêter de mener des poursuites contre des journalistes et d'autres personnes en invoquant des lois antiterroristes pour des informations et des opinions qui relèvent du débat public à propos des graves attaques qui ont secoué le pays ».