Par deux fois en moins d'une semaine, l'animateur-vedette Moez Ben Gharbia sort sur la scène publique pour parler des menaces qui le frappent. Moqué la première fois, traité de fou ou accusé de chercher à faire le buzz autour de sa personne et de sa chaîne qui tarde à démarrer, Moez Ben Gharbia est revenu à la charge une deuxième fois dans une longue vidéo filmée depuis un petit hôtel en Suisse, d'après ce qu'il dit. Les menaces sont réelles, précise-t-il, démentant dans la foulée tous ses contradicteurs, allant du ministère de l'Intérieur aux « milices de Facebook ». Pour avoir connu d'assez près Moez Ben Gharbia, je sais qu'il n'est pas du genre paranoïaque et peureux. C'est un combatif qui ne craint ni l'adversité, ni l'affrontement. Ce n'est pas non plus le type qui cherche le buzz et à faire parler de lui, il aurait usé d'autres méthodes dans ce cas-là. En bon homme de média et de communication, et son historique en témoigne, il préfère lancer une enquête ou un reportage type « Chocotom », plutôt que se victimiser devant l'opinion publique. Il n'est ni CPR, ni islamiste pour user de ce type de méthodes dont l'accusent ses détracteurs. Non, si Moez est sorti deux fois en moins d'une semaine pour parler de menaces, tout en prenant le risque (pénal) de citer des noms et de donner des détails précis, c'est qu'il y a anguille sous roche.
Malheureusement, aujourd'hui, on tente par tous les moyens de décrédibiliser ceux qui réussissent parmi nos hommes de médias, nos leaders d'opinion et nos intellectuels. Derrière les campagnes qui frappent, régulièrement et sans relâche, les Naoufel Ouertani, Sofiène Ben Hamida, Olfa Youssef, Raja Ben Slama et des dizaines d'autres respectables personnalités médiatiques et littéraires, on trouve systématiquement ceux qui se prélassent derrière un écran pour pondre des analyses « savantes », ceux qui croient tout comprendre après avoir bu deux cafés et une bière avec une personnalité politique et ceux qui se font rétribuer par de l'argent américain et français ou provenant de Libye ou du Golfe. Dans la panoplie des « milices », on peut trouver de simples administrateurs de pages FB, des dirigeants d'associations de bienfaisance ou luttant pour la démocratie et des terroristes réels. A chacun son arme, l'essentiel est de frapper cet ennemi qui refuse de « jouer le jeu ». Dans cette guerre, on ne cible plus des idées, mais les personnes qui ont des idées. Cela commence par l'agression verbale en rafale (insulte et invective) et ça finit avec l'agression physique (assassinat) avec des rafales. La chose n'est pas nouvelle et la menace non plus. Dans la décennie noire de l'Algérie des années 90, les islamistes ont ciblé les forces de l'ordre d'abord, les intellectuels ensuite et les magistrats entre-temps. En France, on ne risque pas d'oublier Charlie de sitôt. Parce que la Tunisie n'est pas une exception et n'est qu'un pays comme les autres, il n'y a pas de raison que l'horreur frappe les magistrats, les hommes de médias et les intellectuels après avoir frappé les forces de l'ordre. On le sait, je n'apporte rien de nouveau, et c'est pour cela que des dizaines de médias et d'hommes de médias se trouvent, depuis deux ans, flanqués d'agents de protection et d'escortes.
C'est dans cet environnement que les médias évoluent aujourd'hui en Tunisie et Moez Ben Gharbia en fait partie. Mieux, il est une des pierres angulaires du paysage médiatique tunisien, au vu des réalisations accomplies durant ces dernières années. Les scandales qu'il a fait éclater sous la troïka ne se comptent pas et, comme beaucoup d'autres médias, il figure parmi les responsables de l'échec de cette troïka en général et des islamistes en particulier. Quand les membres de cette troïka font leur bilan, ils accusent en tout premier lieu « les médias de la honte ». Quand ils parlent d'une « deuxième révolution » à venir, ils promettent qu'ils vont désormais commencer par les médias en les neutralisant. Allez voir ce que ces membres de la troïka et les « mercenaires » des ONG étrangères écrivent sur leurs pages FB à propos des hommes de médias et des intellectuels (qui n'est que l'infime partie de l'iceberg) et vous comprendrez mieux de quoi parle Moez Ben Gharbia. Tout un chacun pourra constater que l'on ne discute jamais des idées formulées par tel média ou tel intellectuel, mais des personnes. Si ce n'est pas son historique, c'est sa vie privée. Tout est réuni pour abattre psychologiquement ces « leaders d'opinion ». A défaut, on passe à la catégorie supérieure, la menace qui vient juste avant l'assassinat. Chokri Belaïd, Mohamed Brahmi et Socrate Cherni sont passés par là.
Dans sa dernière vidéo, Moez Ben Gharbia n'a pas cité beaucoup de noms. Celui de Slim Ben Hamidène, et ce n'est pas un hasard, a été cité deux ou trois fois. Outre la citation directe, en évoquant Samir El Wafi, Ben Gharbia fait carrément allusion à lui encore une fois. Que sait-on de cet islamiste notoire infiltré dans les rangs du CPR ? Il est devenu ministre et on a empêché in extremis (merci Chawki Tabib) son inscription au barreau tunisien. Ça, c'était après la révolution. Mais avant ? Il prétend avoir été un exilé politique. Mais pourquoi ? Pour le commun des mortels, c'est un mystère. Mais il y a des personnes avisées qui en savent plus que les autres et ces personnes savent parfaitement qui était pourchassé par Ben Ali pour du terrorisme, qui était pourchassé pour avoir été mercenaire au service de parties étrangères et qui était pourchassé pour son militantisme politique. Avec la révolution, on a mis tout le monde dans le même sac. Terroristes et mercenaires sont tous devenus de « pauvres » militants persécutés par l'ancien régime. Après les élections, les vrais militants sont redevenus militants. Les autres ? Que chacun tire la conclusion qu'il désire ! Mais il y a des faits qui ne trompent pas que tout un chacun peut constater : vous ne trouverez jamais une Maya Jeribi, un Ahmed Néjib Chebbi ou un Samir Taïeb insulter des hommes de médias ou des intellectuels, évoquer leur vie privée ou les accuser d'être à la solde de X ou de Y. Les autres ? Que chacun tire la conclusion qu'il désire !
En lançant un pavé dans la mare et en disant trop et pas assez, Moez Ben Gharbia donne l'air de donner des avertissements. En évoquant Ben Hamidène, il pointe l'index, non pas vers une personne, mais vers une tendance politique bien précise. Celle qui a usé (et use encore) de l'islamisme radical et violent, que ce soit dans le verbe ou dans l'acte, le tout sous une apparence « civile » et pacifique. En évoquant les actuels hommes au pouvoir, et leur « paix des braves » avec les islamistes, il attire l'attention sur le danger qui nous guette de ces radicaux « tunisifiés » juste pour la cause. Son avertissement n'a rien de tel, il sonne plutôt comme un appel au secours pour qu'on sauve la Tunisie et sa révolution. La véritable révolution qui a permis d'instaurer une démocratie (balbutiante, certes, mais une démocratie quand même) et a donné la parole libre aux médias, et non la révolution de ceux qui sont venus de l'étranger assoiffés de pouvoir, d'argent et de revanche. Le fait est que ceux qui se disent révolutionnaires sont ceux qui ont pris et prennent encore de l'argent de l'étranger, ne respectent pas les idées des autres et tentent d'imposer leur diktat. La vraie révolution est menée par ceux qui appliquent ses principes dans la réalité, à savoir le comportement démocratique, la liberté d'expression et le respect des autres. Moez Ben Gharbia fait partie de ces derniers, tout comme plusieurs autres personnalités de la même trempe. Tout un chacun remarquera que ce sont ceux-là, et uniquement ceux-là, qui sont physiquement menacés par les groupes terroristes et régulièrement insultés par les autoproclamés militants et révolutionnaires. Après ce S.O.S., aussi bien Moez Ben Gharbia que ceux-là méritent tout le soutien des Tunisiens libres.