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« La censure officiellement institutionnalisée en Tunisie »
Publié dans Business News le 16 - 12 - 2015

La Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle (HAICA) a décidé, mardi 15 décembre, de suspendre deux émissions télévisées de la chaîne El Hiwar Ettounsi, suite à des rixes constatées lors des deux derniers épisodes. Censée être autorité de régulation, la Haica cède à la tentation de devenir une autorité de coercition dans un pays qui a juré, il y a cinq ans exactement, de ne plus censurer la parole et d'accorder totalement la liberté d'expression.

S'ils étaient des hommes politiques, les membres de la Haica auraient gagné mardi 15 décembre une bonne dizaine de points dans les sondages après leur décision de suspendre, pendant un mois, deux émissions phares de la chaîne privée El Hiwar Ettounsi. Mieux que cela, les deux émissions sont celles qui occupent la tête de l'audimat en Tunisie. Les raisons ? La décision de la Haica a été très bien accueillie par les téléspectateurs, si l'on témoigne par les réactions dans les réseaux sociaux et les commentaires dans les journaux électroniques.

Comment se fait-il que les émissions les plus regardées du pays soient en même temps les plus critiquées et leur censure des plus applaudies ? Cette schizophrénie tunisienne n'a rien d'étrange quand on sait que c'est ce même Tunisien qui mythifie la révolution et regrette l'époque Ben Ali, et insulte les figures qui ont travaillé sous l'ancien régime tout en votant pour eux.
Le fait est que les deux animateurs Naoufel Ouertani et Samir El Wafi sont régulièrement dénigrés et traités de tous les noms par ceux-là mêmes qui les regardent et vont chez eux sur les plateaux. Allez comprendre ! Le fait est, également, que les deux animateurs n'ont jamais caché leur volonté de faire du chiffre, à l'instar de ce qui se pratique dans n'importe quelle chaine privée au monde. Pour faire du chiffre, la recette est connue (mais loin d'être facile), il suffit de surfer sur la polémique, voire la créer tout simplement.

Les deux émissions censurées, et ayant causé la suspension d'un mois, ne dérogent pas à cette règle. Les deux animateurs ont invité des « personnalités » aux idéologies opposées et les ont mis face à face. La mayonnaise a pris et elle ne pouvait que prendre. Au rendez-vous, insultes et échanges de noms d'oiseaux. On en est presque arrivé aux mains. Comme attendu, l'audience était au rendez-vous et, au lendemain de la diffusion, on ne parlait que de cela.
Certains en rient, d'autres en appellent à la Haica pour réagir et faire cesser ce manège audiovisuel. De l'élitisme ? On est en plein dedans. Certaines têtes bien pensantes refusent de voir de la médiocrité à la télévision. Le mot sera d'ailleurs utilisé par Hichem Snoussi, membre de la Haica. Un jugement de valeur que n'aurait jamais osé un membre d'une autorité de régulation d'un pays où la liberté d'expression est vraiment respectée.
Est-ce donc du rôle d'une autorité de régulation de veiller à la haute qualité des programmes télévisés ? La réponse est assurément négative, une autorité de régulation est, comme son nom l'indique, chargée de réguler le marché de telle sorte qu'il y ait un équilibre entre les différents acteurs.
Bien que contesté, le décret-loi 116 qui régit la Haica ne lui donne pas cette prérogative de veiller à la haute qualité des programmes. Dans l'article 15 de ce décret-loi, paragraphe 7, la haica fait son travail conformément au principe de la consécration d'un paysage médiatique audiovisuel pluraliste, diversifié et équilibré.

C'est exactement ce qu'on fait les deux animateurs en faisant appel à deux invités appartenant à des camps opposés. Comme ils le disent eux-mêmes, nous ne sommes pas et nous ne pouvons pas être responsables de ce que disent nos invités. Surtout, et ils le disent, ils ne sauraient être responsables de la haute qualité du niveau général de la société puisqu'ils n'en sont qu'un miroir. Exactement comme les journalistes, les deux animateurs rappellent qu'ils ne font que refléter ce qu'il y a dans le pays.
Il se trouve que ce n'est pas comme cela que l'entendent les membres de la Haica et certaines « têtes bien pensantes » qui, si on les laisse, transformeront les chaînes de télévision tunisiennes en des clones de la chaîne tuniso-allemande ARTE.
Héritiers de trente ans de dictature, comme tous les Tunisiens, les membres de la Haica donnent l'air de vouloir être des professeurs et maitres à penser de la société : voilà ce que vous devez voir et ne pas voir, voilà comment vous devez penser, ceci est bon pour vous et ceci est mauvais, ceci est de la qualité que vous devez voir et cela est de la médiocrité audiovisuelle qu'on se doit de censurer.
Est-ce là la mission de la Haica et est-ce ça la liberté d'expression qu'on voulait au lendemain de la révolution ?

Pour justifier sa décision de censure, la Haica évoque l'article 5 du décret-loi 116. A les entendre, les deux animateurs n'auraient pas respecté la dignité de l'individu et de la vie privée ; et auraient menacé la sécurité nationale et l'ordre public. Rien que cela ! Des mots vagues avec un air de déjà entendu. 23 ans durant, on ne parlait pas de la pauvreté car cela touche à la dignité humaine, on ne parlait pas d'un sit-in devant l'ONTT Paris, car cela menaçait l'économie, on ne donnait pas la parole à l'opposition, car cela menaçait la sécurité publique. C'est avec ce type de prétextes que l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali a réussi à bâillonner tous les médias durant deux décennies. Et c'est du même prétexte qu'use la Haica pour évoquer sa sanction. Elle évoque d'ailleurs le fait que Ben Ali ait été cité positivement dans l'une des deux émissions et trouve, en cette évocation, une menace de la sécurité publique ! La Haica oublie carrément sa propre neutralité et évoque l'ancien président de la République en usant du mot « déchu », exactement, comme tout politicien populiste. Sa décision de sanction est d'ailleurs populiste et ceci explique le fait qu'elle ait été très positivement accueillie.
Elle est même approuvée par des hommes de médias spécialisés dans la polémique, à l'instar de l'animateur Haythem El Mekki qui épingle l'hypocrisie de ceux qui s'élèvent contre la censure des émissions de Ouertani et El Wafi et qui n'ont pas réagi quand son collègue Néji Zaïri a vu la sienne sanctionnée, il y a à peine quelques jours.

Le risque est que l'opinion publique fait l'amalgame entre les sanctions ordinaires que peut prendre une autorité de régulation contre une chaîne qui enfreint la loi et celles que l'autorité prend juste parce qu'une émission déplait à ses membres ou à l'opinion, sous prétexte qu'elle violerait l'éthique. Dans tous les pays, le porno est considéré comme étant une violation de l'éthique et pourtant il est autorisé et n'est pas considéré comme illégal par les autorités de régulation. Il suffit de réglementer pour que les chaînes sachent, à l'avance, ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas.
Or la Haica n'a rien réglementé et personne ne sait où le fil séparant l'autorisé de l'interdit est placé.
Pire, elle n'a pas respecté les règles basiques en matière de « procès », puisqu'elle a jugé sans donner la parole aux « coupables » pour se défendre. Elle leur a envoyé un simple fax pour les convoquer sous 24 heures. Leur absence aurait dû la pousser à reporter « l'audience », si l'on voulait d'un « procès » soit équitable respectant les droits de la défense.
Réunis tous seuls, sans contradicteurs, les membres de la Haica ont donc considéré que les deux animateurs ont violé la loi, ce qui n'est pas l'avis des intéressés et de plusieurs autres professionnels du secteur.
Avec de tels agissements, il y a un réel danger pour la liberté d'expression du pays. « La censure est officiellement institutionnalisée avec cette sanction abusive », commente le journaliste Sofiène Ben Hamida. Ancien membre du bureau directeur de l'Association des journalistes tunisiens, il est témoin de l'époque où Ben Ali a commencé sa stratégie de bâillonnement des médias.
On sait en effet quand ça commence, mais on ne sait pas où cela finit. Aujourd'hui, c'est des émissions télévisées qui sont censurées au prétexte qu'elles ont autorisé une rixe entre deux personnalités ayant des avis opposés, demain c'est un écrit dans un journal qui pourrait être considéré comme étant une menace de la sécurité publique. Le mot est tellement bateau qu'une simple annonce d'augmentation du prix du pain peut être considérée comme une menace de la sûreté publique.
Si l'on extrapole, une simple critique du président de la République ou d'un ministre pourra demain être considérée comme une atteinte à l'Etat et sa sûreté.
C'est exagéré ? Tout comme la sanction de la Haica pour une rixe, désolante et de très bas niveau certes, mais tout à fait banale dans les émissions similaires des chaînes de télévision des démocraties avancées.


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