La société d'affichage urbain Maghreb International Tunisie (MIP) a organisé, ce jeudi 8 septembre 2016 au siège de la Bourse, une communication financière, faisant suite à la vente de l'actionnaire de référence la famille Cheriha (Hédi et Mehdi) de leurs parts représentant 66,36% du capital de la société et anticipant la prochaine décision du CMF de soumettre la société à une Offre Publique d'Achat (OPA) obligatoire visant le reste du capital. Ainsi, les dirigeants des deux sociétés acquéreuses, la libanaise Yellow Spirit (détenant 38,65% du capital) et la tunisienne Lawhat (détenant 27,71% du capital), respectivement, Antonio Vincenti, CEO du Groupe Yellow Spirit, et Maher Ben Salem, gérant de Lawhat et nouveau PDG de MIP, ont voulu faire le point sur la situation de MIP, les réalisations récentes et les perspectives de la société post opération.
M. Vincenti a tenu à souligner, dès le départ, que Yellow Spirit est une société hautement spécialisée dans le domaine de la publicité extérieure. En rachetant MIP, la société libanaise présente en Tunisien via Lawhat a voulu prendre un raccourci pour devenir le N°1 de publicité extérieure du pays, en acquérant l'ancien leader du marché et ses emplacements. «Nous savons exactement ce que nous devons faire», a-t-il martelé. La société se donne 4 à 5 ans pour devenir le leader et la référence en termes de publicité extérieure.
Dans son état des lieux, M. Ben Salem a, pour a part, brossé un tableau sombre, chiffres à l'appui. Certes, Yellow Spirit et Lawhat ont saisi l'opportunité en se rendant compte des difficultés et de la perte de vitesse de MIP. Mais la situation était bien pire que ce qu'elles pensaient. En effet, le marché de l'affichage a beaucoup changé après la révolution, avec la prolifération de l'affichage anarchique et le non respect de la réglementation. Résultat : l'offre a augmenté de plus de 35% alors que les prix ont dégringolé. En plus, la transaction ayant pris plus de temps que ce qui était prévu, la finalisation étant réalisée en août 2016 alors que les acquéreurs pensaient achever la procédure en février 2016, les répercussions sur MIP ont été désastreuses : ses parts de marché ont baissé et elle a perdu son patrimoine confiance auprès de ses fournisseurs et clients. Les nouveaux acheteurs se sont trouvés à éponger les 11 MD de dettes bancaires de la société outre le chiffre «astronomique» de ses dettes d'exploitation, précise M. Ben Salem. Les pertes se chiffrent en millions de dinars. En plus, certains panneaux ne sont pas aux standards internationaux et aux normes de qualité de Yellow. MIP a, également, perdu de gros marchés avec des opérateurs historiques ainsi que l'appel d'offre de l'Ariana qu'elle détenait depuis 2007. Pire, la société a fait l'objet d'un contrôle fiscal approfondi couvrant les périodes allant du 1 janvier 2012 au 31 décembre 2014. La notification de ce contrôle fiscal est parvenue en date du 22 juillet 2016 et la société a été taxée en principal pour un montant de 465.243 dinars et en pénalité pour un montant de 340.706 dinars. En plus, la redevance municipale est passée de 200 dinars le m2 à 500 dinars le m2.
Les chiffres sont assez éloquents, le résultat net jusqu'au 30 juin 2016 est de -1,77millions de dinars (MD) en baisse de 185,10% par rapport à l'année dernière. Ses produits d'exploitation ont diminué de 45%, passant de 3,83 MD au 30 juin 2015 à 2,11 MD au 30 juin 2016. L'affichage urbain a baissé de 46,40%. Pour les nouveaux acheteurs, investir dans l'affichage des abribus a été un mauvais choix.
Ainsi, et pour le sauvetage de MIP, Yellow Spirit et Lawhat estiment qu'il faut une restructuration, un changement de management, une focalisation sur le cœur de métier et un regain de confiance des partenaires annonceurs et fournisseurs en 2017. Pour eux, un plan social est inévitable : d'ailleurs ils sont en pleine négociation avec le syndicat. Pour reconquérir, les marchés qu'elle a perdus, la société devra miser sur la qualité de service et la baisse de ses prix. Elle devra aussi remettre à niveau son parc. Yellow Spirit et Lawhat vont donc augmenter le capital de société dans un premier temps puis mettre une stratégie d'investissement, la priorité étant de sauver les concessions municipales, principale cause de rachat de MIP. Par ailleurs, les nouveaux dirigents veulent arrêter les activités qui ne constituent pas leur cœur de métier : ils sont prêts à les céder aux personnes intéressées, et en premier lieu aux personnels de ces sociétés. Ils veulent aussi reconstruire la réputation de MIP en payant ses dettes.
Concernant l'OPA, les modalités seront fixées ultérieurement par le CMF. Ceci dit, le prix de rachat de l'action étant de 1 dinar alors qu'un an auparavant elle était côtée en bourse à 0,700 dinars, les nouveaux acquéreurs estiment que l'OPA sera une chance aux petits porteurs de bien s'en sortir. Yellow Spirit et Lawhat vont enchainer les augmentations de capital et ne sont pas prêtes à distribuer un dividende, avant que la situation de la société ne s'améliore, le délai avancé par Antonio Vincenti pour cela étant d'au moins 10 ans.
Concernant les projections futures et le business plan, les deux dirigeants ont expliqué que les 7 mois de retard dans la finalisation de la transaction ont perturbé leur programme, qu'actuellement, ils naviguent à vue et qu'ils sont plutôt dans «une perspective d'éteindre les feux qui s'allument un peu de partout : désendetter la société et arrêter l'hémorragie». Interrogés sur leur volonté de rester sur la bourse, Antonio Vincenti a avoué que vu la taille de la société et le chiffre d'affaire qu'elle réalise, il était plus intéressant pour la société de se retirer de la flottation car rien que les frais boursiers ne se justifient pas. Si lors de l'OPA, 95% des actionnaires décident de vendre leurs actions, il aura donc une Offre Publique de retrait (OPR) qui permettrait à la société de se désengager de la Bourse. Pour sa part, Khaled Zribi, président de la Bourse et directeur général de la Compagnie Gestion et Finance (CGF), intermédiaire en bourse présentateur du projet d'OPA obligatoire et chargé de sa réalisation, a rappelé que MIP est côtée sur le marché alternatif, un marché d'investisseurs avertis, qui savent lire le risque, et les sociétés présentes sur le marché alternatif sont là soit pour se recapitaliser soit pour se restructurer : créer de la valeur pour passer au marché principal où elles pourront distribuer un dividende. M. Zribi a noté que Yellow Spirit et Lawhat ont permis le sauvetage d'une société en difficulté, en permettant aux petits porteurs de limiter la casse et de pouvoir vendre leurs actions à travers l'OPA. Comme l'expliquent Antonio Vincenti et Maher Ben Salem, la remise sur pied de la société demandera quelques années et les actionnaires devraient, s'ils décident de rester, se montrer patients avant de pouvoir toucher un dividende. «Par respect aux actionnaires, nous avons voulu être transparents, pour qu'ils sachent à quoi s'attendre», a expliqué M. Vincenti.