Les avocats, les médecins et médecins-dentistes, les huissiers et la centrale syndicale ont dit non à la Loi de finances 2017 ! Non à une taxation qu'ils estiment inique, inappropriée et qui, selon eux, ne reflète pas l'apport immense fait à la société…C'est décidé, l'escalade s'impose face à l'ingratitude ambiante, il le faut ! Voilà donc que le pays est de nouveau otage de l'esprit des corps sur fond de fragilité politique. Ces contestataires entendent prendre la direction du processus politique en cours et le corporatisme sera leur arme pour défier l'Etat et lui faire entendre raison. Focus sur les antis LF 2017 et leur solidarité exacerbée. Corporatisme, corporatisme… mais qu'insinue-t-on par ce genre d'accusation ? Il apparait, de prime abord, que proférer une telle accusation contre une profession c'est insinuer que la profession en cause défend plus ses intérêts que l'intérêt supérieur du pays.Le corporatisme sous-entend donc l'égoïsme d'une certaine frange. Faut-il considérer que nos avocats, nos médecins et notre centrale syndicale sont sourds à l'appel de la patrie ? Ces catégories socioprofessionnelles nanties ne sont-elles pas concernées par le commun des mortels ?
Vendredi 21 octobre dernier, les avocats ont donc organisé la riposte anti gouvernement, certains d'entre eux ont désavoué l'entreprise. On a pu lire sur les réseaux sociaux des prises de positions diverses et variées, une d'entre elle a captivé plus que les autres. Un avocat a décidé de faire son mea culpa, il a déclaré : « Parce que je suis responsable, parce que je suis intègre avec moi-même, parce que je suis cohérent avec mes idées, j'ai pris ma position : l'avocat, comme tout contribuable qui se respecte, doit payer ses impôts... Voilà ! » La phrase illustre bien l'aspect tendancieux de la grève décrétée par les avocats contestataires et la prise de conscience de l'inopportunité de cette grève par certains autres.
Les dentistes sont également montés au créneau, solidarité interprofessionnelle oblige ! « Les avocats ont raison et nous les soutiendront ! ». Dans un communiqué rendu public, jeudi 20 octobre 2016, le syndicat des médecins dentistes s'est donc rallié à la cause des avocats et a déclaré «La LF 2017 est dangereuse pour la profession ainsi que pour tous les citoyens tunisiens. La nouvelle taxation contredit non seulement les principes constitutionnels mais aussi le droit à la santé et le devoir de secret professionnel »…Rien que ça !
Face à cette montée du mécontentement, le chef du gouvernement, Youssef Chahed a opté et opté encore pour le dialogue permanent. La Loi de finances 2017, semblable à un coup de pied donné dans une fourmilière, nécessite des réajustements perpétuels, c'est l'impératif de quiétude sociale qui l'édicte, le chef du gouvernement en est conscient.
Mais que revendiquent concrètement les avocats ? Cette profession qui a une influence politique et sociale considérable s'est soulevé contre l'article 31 de la LF 2017 qui édicte que sur chaque dossier traité par l'avocat un timbre fiscal devra être payé. Le prix de ce timbre variera de 20 à 60 dinars selon le tribunal compétent et permettra, in fine, au gouvernement d'avoir une idée précise des revenus de cette profession. Le bâtonnier des avocats en personne, premier de ses pairs, Ameur Mehrezi, a déclaré : « S'il le faut, nous fermerons nos cabinets car nous n'en resterons pas là !».Il apparait que la solidarité exacerbée des avocats et médecins zappe totalement les notions d'intérêt général et d'impératif supérieur du pays. Ceux-ci voudraient que le gouvernement leur réserve un traitement de faveur.
Pour aller encore plus loin dans la défiance faite à l'Etat, d'autres ont même suggéré la désobéissance civile. L'avocate et présidente de l'Organisation contre la torture en Tunisie, Radhia Nasraoui a annoncé sur les ondes de Shems FM, le jour de colère des avocats, que ceux-ci refusent les dispositions de la LF 2017 et que des propositions appelant à la désobéissance circulent parmi les avocats grévistes.Le mot est fort. En effet, la désobéissance civile implique que ceux qui s'en prévalent ne veulent pas se rendre complices d'un pouvoir illégitime.
Concernant la centrale syndicale, elle estime que les dispositions de la LF 2017 sont en contradiction avec l'accord de Carthage. L'UGTT ajoute qu'il n'y a pas de réelle volonté du gouvernement de lutter contre la corruption, la contrebande, l'évasion fiscale, de recouvrir ses créances auprès des entreprises et sociétés, la centrale s'oppose donc au choix gouvernemental et le désavoue. La centrale argue également que la LF 2017 va ruiner la paix sociale et perturber le pays. Houcine Abassi, secrétaire général de la puissante centrale syndicale, avait demandé au gouvernement d'aller chercher l'argent dans les poches des corrompus plutôt que de le prélever dans les poches des travailleurs. Le gouvernement est encore en négociation avec l'UGTT pour tenter de trouver un terrain d'entente particulièrement sur la question épineuse du report des augmentations de salaire à 2019. Selon le gouvernement, il s'agit d'une condition nécessaire pour mettre un terme à l'augmentation de la charge salariale dans le public.
La crise économique que vit le pays nécessite des sacrifices réels, toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées. Le corporatisme des robes noires, des blouses blanches et de l'UGTT s'il perdure dans sa lancée sera préjudiciable à la société dans son ensemble. Youssef Chahed, a d'ores-et-déjà annoncé qu'il continuerait sur cette voie, samedi 22 octobre 2016, lors de la conférence des scouts à Nabeul : « Le gouvernement reste ouvert au dialogue, cependant il faut savoir que la Loi de finances implique que des concessions doivent être faites par tout le monde ».