Coup sur coup, la Tunisie adopte deux projets historiques. La loi contre la violence sur les femmes et la possibilité désormais pour une Tunisienne d'épouser un non-musulman, sans que ce dernier n'ait à faire la mascarade de cette disant conversion à l'islam afin d'épouser celle qu'il aime. Un autre projet en préparation, pourrait permettre à la Tunisienne d'hériter autant que son frère consacrant ainsi la justice au sein de la famille tunisienne et une plus grande équité au sein de la société.
S'il est indéniable que ces avancées historiques sont la conséquence de militantisme mené par les femmes et à leur tête l'ATFD, il est tout autant indéniable que la volonté politique y est pour quelque chose. La circulaire interdisant d'épouser un non-musulman date de 1973 et aucun dirigeant politique n'a osé y toucher. Depuis, Béji Caïd Essebsi l'a fait, poussé il est vrai par un vent de liberté qui souffle sur le pays et une alliance avec les islamistes, auxquels il a finalement pris bien davantage qu'il n'a donné.
Contrairement à ce qui se dit Béji Caïd Essebsi ne s'est pas limité à cela. Deux ans avant la fin de son mandat, il est arrivé à faire passer une loi qui met fin aux poursuites judiciaires à l'encontre de gens de l'administration qui n'ont pas profité de leur statut, mais qui ont obéi aux ordres de leurs supérieurs hiérarchiques. Si une poignée de personnes s'est soulevée contre la fin de l'injustice, cette loi réconcilie une grande partie des Tunisiens entre eux.
Profitant de son entente avec Rached Ghannouchi, Béji Caïd Essebsi a pu faire avancer le pays pour davantage d'équité dans le société, convaincu qu'il est que après lui, le bras de fer avec les islamistes sera bien dur et qu'il est important que cette société tunisienne, toujours avant-gardiste et qui a pu résister grâce au statut et à l'émancipation de la femme, puisse battre le fer en ayant davantage d'acquis.
Le bilan de BCE est-il mauvais? Il a tellement fait venir Ennahdha au modernisme qu'il a réussi à créer des scissions au sein de ce parti réputé fonctionner comme un bloc unique. Que pouvons-nous reprocher à Béji Caïd Essebsi? Certainement son parti qui s'est affaibli et son fils qui l'a hérité. Mais l'histoire retiendra que BCE a pu permettre à la famille tunisienne de jouir d'un plus grand équilibre et mettre sur la table des sujets sociétaux jadis tabou tout en prenant des islamistes bien davantage qu'il n'en n'a donné. Béji Caïd Essebsi devra maintenant faire en sorte que Nidaa reprenne ses couleurs et annoncer clairement qu'il n'est pas candidat aux prochaines élections présidentielles.