La date du 18 janvier 1952, bien que peu connue par les Tunisiens et spécialement par les jeunes, a vu le déclenchement d'une campagne de lutte contre l'occupant français qui a conduit à l'indépendance en 1956. Des hommes ont sacrifié leurs vies et celles de leurs familles pour que les Tunisiens aient un Etat libre et indépendant. Plus de 60 ans après, l'anniversaire de cette date vient nous rappeler le lourd héritage que nous devons endosser pour ne pas décevoir les aspirations de ces héros…
Il y a 66 ans, jour pour jour, le peuple tunisien a entamé son insurrection contre l'occupant français afin de réclamer l'indépendance et la souveraineté nationale. Ce jour là, Habib Bourguiba, jusqu'alors président du Néo-Destour est arrêté ainsi que 20 de ses compagnons par les forces françaises. Le pays s'embrase et l'UGTT dirigée à l'époque par feu Farhat Hached décrète la grève générale. Des rassemblements populaires s'organisent dans plusieurs villes du pays et des patriotes commencent à tomber un peu partout en Tunisie sous les balles de l'occupant. Bientôt, des leaders comme Farhat Hached, Hédi Chaker et Abderrahmane Mami rejoindront la (longue) liste des martyrs de la lutte pour l'indépendance. Des ministres à l'instar de Chenik, Materi et Ben Salem sont de leur côté arrêtés et déportés à Kébili ; d'autres ont été contraints à l'exil, Bourguiba quant à lui, est transféré à l'extrême sud du pays. Tous ces militants ont sacrifié une partie de leur vie pour de nobles causes, l'indépendance de la Tunisie et pour la construction d'un Etat juste et égalitaire. Bien que décimé par ces arrestations et autres éliminations de ses leaders, le Néo-Destour résiste et réitère ses revendications d'indépendance totale de la Tunisie.
Sous la pression des revendications populaires, la France finit par reconnaitre en 1954 l'autonomie interne de la Tunisie. Le 20 mars 1956, Pierre Mendès-France signera les accords d'indépendance totale, mettant fin à 75 ans d'occupation française dans notre pays. Ce bref aperçu historique vise d'abord à éclairer les lecteurs, les plus jeunes d'entre eux principalement, sur une part, souvent occultée de l'histoire de notre pays, puis à s'interroger ouvertement, plus de 60 ans après ces faits, sur ce qui reste de l'esprit qui a animé les héros déclencheurs de la campagne de 1952 dans notre classe politique actuelle.
Récemment, c'est la présidente du Parti destourien libre Abir Moussi qui a fait allusion à ces événements historiques en déclarant dans un meeting populaire organisé le 14 janvier dernier que son parti « ne reconnaissait qu'une seule révolution, celle du 18 janvier 1952 ». Si ces déclarations rentrent bien évidemment dans le cadre de la récupération politique, elles sont pour le moins étonnantes de la part d'une ancienne responsable au sein du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). En effet, de part son bilan en matière de corruption, de népotisme, de clientélisme et de destruction de la culture et en dépit des résultats corrects au niveau de l'infrastructure et de la sécurité, le RCD ne peut constituer qu'une déviation dangereuse du Néo-Destour et du Parti social démocrate, partis fondés par des patriotes animés uniquement par l'ambition de construire un Etat souverain et indépendant. On ne compte plus les réalisations du Parti social démocrate en matière d'émancipation de la femme, gratuité de l'éducation et de la santé et de mise en place d'une administration disciplinée et compétente qui continue à tenir le pays...
Les autres composantes de classe politique actuelle sont également loin du compte par rapport aux aspirations des héros du 18 janvier 1952. Sinon, comment expliquer qu'un parti faisant partie de la coalition gouvernementale (Ennahdha) menace de se retirer du débat sur l'adoption de la Loi de finances si un article qui contient des mesures protectionnistes pour l'économie tunisienne (les droits de douane des produits importés par la Turquie) est adopté ? Ces députés défendent-ils les intérêts suprêmes de la Tunisie ou œuvrent ils pour le compte d'autres Etats ? Comment expliquer que le directeur exécutif du parti au pouvoir (Nidaa Tounes) veuille désigner le fils d'un député au poste pour le moins important et stratégique de délégué, non pour ses compétences, mais uniquement parce qu'il est du même bord politique ? Comment expliquer enfin qu'un député d'opposition (Adnène Hajji en l'occurrence) appelle à la violence et au sang pour protester contre des augmentations dans la Loi de finances ? De là où ils sont, Bourguiba, Hached et autres valeureux héros nationaux doivent se retourner dans leurs tombes…
Dans un de ses discours en tant que candidat aux primaires du parti des Républicains en France, François Fillon, adressant une pique à Nicolas Sarkozy, a prononcé une phrase qui est restée dans les annales « Qui imagine le Général de Gaulles mis en examen ? ». En Tunisie, « qui imagine Bourguiba ou Hached mis en examen » ? Cela ne pouvait pas arriver tant ces grands hommes étaient des patriotes animés uniquement par l'amour de leur patrie. Désormais, des députés et des présidents des blocs parlementaires se cachent derrière leurs immunités parlementaires pour ne pas se rendre aux convocations de la justice…