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Les conservateurs se déchaînent contre "Sourat Corona"
Publié dans Business News le 06 - 05 - 2020

"On peut rire de tout mais pas avec n'importe qui", dit-on. Cet adage n'a jamais été autant d'actualité que dans une société tiraillée entre deux identités. Une, moyenâgeuse, espérant dresser des bûchers partout pour brûler les hérétiques et une autre, en phase avec son époque où les droits des individus sont rétablis, du moins sur le papier. Encore aujourd'hui, dans nos contrées, toucher de la pointe du doigt au sujet épineux de la religion, c'est s'exposer aux représailles immédiates et souvent très violentes de nouveaux inquisiteurs qui prennent leur mission un peu trop au sérieux. Emna Chargui voulait plaisanter oubliant qu'avec ces gens-là, on ne plaisante pas…


Le monde entier est frappé de plein fouet par l'une des crises sanitaires les plus meurtrières de son histoire. Angoissés, confinés et déprimés, les citoyens de nombreux pays font tout ce qui est en leur pouvoir pour se maintenir à flot et rire encore malgré la peur et l'ennui. Des vidéos rigolotes inondent la toile, on danse, on se confie, on cuisine, on joue de la musique, on se filme dans des postures improbables, enfin on fait ce qu'on peut pour garder la pêche, chacun à sa manière. La bloggeuse Emna Chargui ne s'attendait certianement pas à ce que la blague qu'elle n'a fait que partager tourne au vinaigre et en publiant un texte humoristique intitulé "Sourat Corona" (Verset Corona, ndlr) sur son compte, elle a déchaîné contre elle les foudres des conservateurs.

"Sourat Corona" est en fait un petit texte, reprenant les codes des versets coraniques, qui aborde le sujet de la pandémie du Covid-19 sous la forme d'une plaisanterie. Très vite le tollé de réactions, prévisible certes, a provoqué un véritable tsunami sur les réseaux. Entre ceux qui estiment que la bloggeuse a le droit de s'exprimer comme elle veut, plus modérés qui jugent la blague de mauvais goût sans toutefois vouloir dresser la potence et ceux qui estimant que la blague touche au sacré et aimeraient voir Emna Chargui pendre au bout d'une corde, la bloggeuse a joui d'une notoriété soudaine dont elle se serait finalement bien passé.

Démocratie, nouvelle constitution, liberté d'expression, liberté de culte, sanction des discours haineux et des appels à la violence, depuis la révolution la Tunisie s'est parée de tous les attributs des plus grandes démocraties mais sous ces ornements clinquants se cache une vérité bien plus sombre. Encore une fois, dans cette démocratie naissante et « modèle », enviée et saluée par le monde, le ministère public a permis à la brigade de la protection sociale de la Kasbah de convoquer une bloggeuse pour l'interroger sur un post partagé sur les réseaux. Devant les accusations d'offense au Coran lancées à l'encontre d'Emna Chargui Le Parquet a invoqué l'article 6 de la Constitution tunisienne qui stipule que « L'État protège la religion, garantit la liberté de croyance, de conscience et de l'exercice des cultes. Il assure la neutralité des mosquées et des lieux de culte de l'exploitation partisane.
L'État s'engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance et à protéger le sacré et empêcher qu'on y porte atteinte. Il s'engage également à prohiber et empêcher les accusations d'apostasie, ainsi que l'incitation à la haine et à la violence et à les juguler ».

L'affaire a aussi très vite fait réagir des organismes et des personnalités qui ont voulu apporter leur soutien à la bloggeuse. L'Observatoire national pour la défense du caractère civil de l'Etat a exprimé son étonnement face la démarche du ministère public, estimant que le texte publié sur le compte Facebook de Emna Chargui est non seulement fictif mais repris du compte d'une autre personne. L'Observatoire a estimé qu'en exerçant son droit à la liberté d'expression Mme Chargui s'est heurtée à des menaces de mort et de l'injure contestant le fait que les forces de l'ordre ont appréhendé la bloggeuse pour atteinte au sacré et incitation à la violence au lieu de poursuivre ceux qui ont réellement tenu des propos haineux et violents.

Le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) Néji Bghouri a aussi réagi à cette garde à vue, la qualifiant de scandale d'Etat et d'indice dangereux du retour de la politique de la répression et de la muselière. Il a accusé le gouvernement d'Elyes Fakhfakh d'être soumis au Conseil de la Choura.

L'ancienne porte-parole de la présidence de la République tunisienne, Saïda Garrach, a également exprimé son indignation et sa crainte d'une nouvelle vague de takfirisme suite à la convocation d'Emna Chargui appelant les autorités à cesser ces pratiques qui renouent avec le « carré du takfirsme et des restrictions de la liberté de conscience ».

Citant elle aussi l'article 6 de la Constitution, Saïda Garrach a évoqué « la bataille menée par les députés » et les péripéties qui ont accompagné la rédaction de cet article, en particulier les accusations d'apostasie à l'encontre du député Mongi Rahoui.

« Cet article a été le fruit du militantisme des forces démocratiques, civiles et politiques progressistes et ça a failli nous coûter un assassinat politique », a-t-elle rappelé.


L'avocate d'Emna Chargui, Ines Trabelsi a dénoncé un vice de forme dans la convocation de sa cliente expliquant qu'on ne peut convoquer un citoyen sur la base des textes constitutionnels, devenus dans ce cas incriminants.
Elle a signalé d'autres infractions durant l'interrogatoire de la bloggeuse, précisant que la prévenue avait été auditionnée par sept représentants du ministère Public, en même temps sans la présence de ses avocats.

L'avocate de la défense a expliqué que sa cliente n'avait pas rédigé la sourate détournée mais l'a seulement repartagé et qu'elle a été finalement maintenue en liberté avant d'être déférée devant la chambre correctionnelle près du Tribunal de première instance de Tunis, le 28 mai 2020 à 9h du matin.

La Tunisie est décidément le pays de toutes les contradictions. Alors que le blasphème ponctue le quotidien, que Dieu est évoqué dans la rue, sur les routes et presque à chaque fois qu'un Tunisien s'énerve, alors que des personnalités sur lesquelles planent des accusations de violence, d'incitation à la haine et voire même pire, ont bénéficié d'une amnistie et même d'indemnisations, un bloggeur peut se retrouver sur le banc des accusés pour avoir partagé un texte humoristique écrit en copiant un style tout simplement....


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