Pauvre président d'Ennahdha qui fait l'objet de viles attaques des ennemies de la Tunisie (sic). En le visant, lui, le chantre de la démocratie, le cœur battant de la Tunisie post-révolution, c'est tout l'édifice démocratique tunisien qu'on veut détruire (re-sic). A-t-on idée de tenter de destituer celui qui a tant donné à son pays, celui qui a manœuvré, non pas pour défendre une certaine idéologie, mais pour l'intérêt supérieur de sa patrie (triple sic). Rached Ghannouchi, une personnalité exceptionnelle, nous disait l'un de ses lieutenants. Des lieutenants sur le qui-vive et qui organisent une offensive sur tous les fronts. On peut continuer ainsi à égrener les petites phrases panégyriques et empreintes de victimisation, mais cela suffit, c'en est trop. Le président du Parlement se barricade au Bardo, derrière les murs et les barbelés. Un dispositif de sécurité mis en place à sa demande pour qu'il n'y ait pas de débordements. Débordements qu'on tente à tout prix d'éviter avec l'annonce d'un sit-in Errahil 2 dont les initiateurs appellent à la dissolution du Parlement. Ces barricades personnifient la peur d'Ennahdha de perdre le contrôle de la situation, en dépit du fait que les initiateurs de cette action ne représentent pas une réelle menace, en dépit du fait que les partis de l'opposition ne semblent pas emballés par le sit-in et ses revendications. Une surréaction qui démontre le haut degré d'appréhension atteint au sein du mouvement.
Rached Ghannouchi et sa garde rapprochée, peuvent bien éviter les interférences venant de l'extérieur du Parlement, mais les turbulences intra-muros sont inévitables. Le 3 juin, une séance plénière consacrée aux agissements diplomatiques du président de l'ARP, fera monter la température d'un cran. Abir Moussi, présidente du PDL, qui s'est jurée de se payer la tête des islamistes et de renverser le rapport de force, se démène pour en finir avec le règne du Cheikh. La faille trouvée pour auditionner Ghannouchi, c'est son positionnement par rapport au conflit Libyen et son soutien décomplexé du gouvernement El-Sarraj, tout ça au nom du Parlement tunisien. Ses incartades diplomatiques lui ont valu la condamnation non seulement de ses opposants, mais aussi des partenaires d'Ennahdha au gouvernement, en plus d'un rappel à l'ordre du président de la République, Kaïs Saïed. Se mettre toute la smala à dos, en lui donnant le bâton pour se faire battre, ne peut être que la marque d'une ‘personnalité exceptionnelle' (quadruple sic).
Le clan de Ghannouchi se démène de son côté et fait dans le discrédit. C'est ainsi que les détracteurs se voient, de nouveau, attribuer le rôle de Cheval de Troie, de pions à la solde de forces étrangères ennemies de l'expérience tunisienne. C'est qu'on lance des pétitions pour auditer la fortune du Cheikh. C'est que le but est de le déloger de son siège de président du Parlement si bien mérité après toutes ces années de militantisme patriote et sincère (quintuple sic). Ça ne peut être qu'un complot à l'échelle géopolitique pour les fans de Ghannouchi et non pas un rejet du projet qu'il représente, de tout ce qu'il représente. Et pour le déloger de son siège, on s'active. Abir Moussi assure que les concertations avec d'autres blocs parlementaires vont bon train afin de parvenir à lui retirer la confiance, dans le sillage de la séance d'audition. La température grimpe encore d'un cran. Ennahdha se refuse de perdre pied. Le mouvement, assailli de toutes parts, est fragilisé sur plusieurs fronts. Si ses opposants l'attendent au tournant, de même que ses éventuels alliés et ses partenaires au pouvoir, les dissensions internes ne font qu'empirer la situation. Les contours de la guerre de succession à la tête du mouvement se précisent. Le 11ème congrès devra voir, théoriquement, un successeur à Rached Ghannouchi, sauf que ce n'est pas aussi simple… Entre le clan qui tient à son départ, le clan qui hésite sur la démarche à suivre, celui qui tient à reporter l'affaire en prétextant de la situation politique instable, Ennahdha s'entredéchire sur fond d'une opposition qui s'organise et qui affute ses couteaux.
En accédant à la présidence du Parlement, Rached Ghannouchi s'est exposé, alors qu'il œuvrait auparavant dans une confortable semi-ombre. Il s'est exposé et a entrainé dans son insuccès son parti. Pour les islamistes d'Ennahdha, les jours qui viennent ne constitueront pas seulement une lutte de positionnement, mais aussi une lutte pour l'existence.