M. Georges Mavrikos, Secrétaire Général de la Fédération Syndicale Mondiale (FSM), c'est rendu en Tunisie les 11 et 12 février 2011 pour exprimer la solidarité de l'organisation syndicale internationale avec le peuple tunisien, soutenir sa révolte et appuyer le mouvement syndical tunisien. Durant sa visite, le Secrétaire Général a eu l'occasion de discuter avec des dirigeants syndicaux où il a souligné la nécessité de la poursuite de la lutte des travailleurs tout en restant vigilant quant aux développements des évènements sociaux et aux actions du gouvernement de transition nationale. Et de confirmer que cette révolte témoigne de la grande conscience de la classe laborieuse tunisienne et en saluant les efforts de la centrale syndicale pour l'instauration de la liberté et de la démocratie. La réunion était aussi une opportunité pour présenter la FSM, ses objectifs et ses stratégies et d'inviter les syndicalistes pour assister en tant qu'observateurs au 16ème Congrès de la FSM qui aura lieu du 6-10 avril 2011 à Athènes, Grèce. Ci-dessous le texte intégral de la déclaration de la solidarité de la FSM lancée le 28 janvier 2011 au peuple tunisien et au mouvement syndical en Tunisie : L'étincelle qui a mis le feu aux branches sèches de la rage du peuple de Tunis a été l'immolation par le feu de Mohammed Bouazizi, le 17 Décembre à Sidi Bouzid. Le jeune homme a pris sa décision quand les autorités ont confisqué son gagne- pain de banc de légumes. Cette nouvelle a causé le soulèvement populaire qui a duré pendant des semaines et continue encore maintenant et qui a eu pour résultat le départ du Président déchu. La Tunisie est l'un des pays les plus riches du Nord de l'Afrique. Un rapport récent du FMI mentionne qu'en 2010 le PIB du pays a atteint 4°/° comparé au 3 ,1°/° en 2009 et que la croissance économique a atteint 4,8 °/°, que les secteurs de technologie informatique et de l'industrie des hydrocarbures ont atteint 16°/° et 13°/° et que le taux du PIB annuel par personne est estimé à6,254 dollars ; un des plus « acceptables » de la région. Selon ce rapport la Tunisie est «l'économie la plus compétitive, en Afrique »et occupe le 40ème rang internationalement. Sur les directives du FMI, la Tunisie a pendant ces 20 dernières années implanté un programme politique qui inclut : la privatisation des entreprises (plus de 160 ont été complètement ou partiellement privatisées), la vente ou la location d'un grand nombre d'hectares de terrain à des propriétaires privés. 12°/° du revenu de l'état vient du tourisme faisant de la Tunisie « la Suisse de l'Afrique du Nord » comme disent les médias avec 6 ports commerciaux modernes et 7 aéroports internationaux ! Cette politique a eu comme résultat l'enrichissement de Ben Ali et des membres de sa famille. Le gouvernement tunisien a été un ardent support de la « guerre contre le terrorisme » que le gouvernement des Etats Unis a lancé, et a promu les affaires avec les multinationales américaines et est un partenaire de l'Union Européenne et particulièrement de la France (72,5°/°des importations viennent de l'UE et 75°/° des exportations partent vers l'UE et la France°. Les supporteurs du régime de Ben Ali ont été, pendant toutes ces années, des syndicalistes bureaucrates. Cette croissance va main dans la main avec le manque complet de liberté, la persécution des progressistes et de toute autre voix de contradiction, la pauvreté, le taux élevé du chômage, l'injustice sociale et les prix élevés des produits de première nécessité. 55°/° de la population a moins de 25 ans, mais le chômage des jeunes atteint 30°/°.Un jeune sur deux est sans emploi, bien que la plupart d'entre eux soient étudiants du troisième cycle ou ont le niveau de la maîtrise. L'exemple de la Tunisie prouve que la croissance et la compétitivité ne va pas de soi, elles se font contre le progrès et le bien-être de la couche laborieuse et populaire, elles se font contre les droits sociaux et du travail. Les Etats Unis et l'UE portent une très grande responsabilité dans la réalité à laquelle le peuple tunisien a à faire face. Pendant 24 ans le peuple tunisien a vécu dans une grande peur d'arrestations arbitraires, d'emprisonnement, de tortue et de différentes sortes d'abus. Jusqu'ici les Tunisiens se sont débarrassés du dictateur, ils auront encore à souffrir d'une autre dictature, plus forte et plus agressive celle des grands capitalistes, des multinationales et du pouvoir des institutions financières internationales spécialement la Banque Mondiale, le FMI et la Banque Européenne d'Investissement. L'immolation par le feu du jeune homme a été la cause de la colère du peuple qui a grandi en sourdine pendant beaucoup d'années. Cette lutte est claire, pleine de promesses et d'espoir, elle prouve jusqu'à maintenant, qu'elle ne s'arrête pas en face des « manœuvres» et des actions qui ont seulement pour but d'apaiser la colère du peuple sans apporter un réel changement de leur réalité, la lutte n'accepte pas « la démocratie des monopoles », le restant des membres de l'ancien gouvernement dans le gouvernement. Malgré les balles de la police et les nombreux morts et blessés, la détermination des manifestants n'a pas faibli. Cette lutte ne sera pas satisfaite avec rien de plus que la pleine satisfaction des revendications du peuple pour « la Dignité, le Pain et la Liberté », ils demandent de vraies solutions. La Fédération Syndicale Mondiale est au côté du peuple tunisien qui lutte, demande la satisfaction de leurs demandes, la libération immédiate de tous ceux qui se sont fait arrêter, l'arrêt de la violence de l'état. La FSM appelle ses organisations membres et amies à exprimer leur solidarité avec le peuple tunisien et ses luttes pour un travail décent, la liberté et les droits sociaux et syndicaux. L'appel et le slogan du 16ème Congrès pour une lutte « contre la brutalité capitaliste, pour une justice sociale et un monde sans exploitation » qui embrasse un mouvement syndical de classe dont nous avons besoin aujourd'hui.