L'administration tunisienne est vue comme un mastodonte aveugle qui piétine tout sur son passage et écrase le pauvre citoyen sous le poids insoutenable des démarches et d'une paperasse sans fin. L'affaire est d'une extrême urgence Bien que personne n'ignore la longue histoire de notre administration et son passé qui remonte à des milliers d'années, l'actualité est là pour nous démontrer une situation à la limite du tolérable. Cette machine est en train de s'enliser de plus en plus dans les méandres d'une bureaucratie qui se complique chaque jour un peu plus et bloque toutes les issues devant l'administré. Au lieu de s'améliorer et de s'ouvrir devant le public, toutes les issues se ferment et le simple citoyen se trouve devant une montagne infranchissable de démarches les unes plus insensées que les autres. Quel que soit le service qu'on veut obtenir, il faut s'attendre toujours à une petite ou grande surprise. Toujours désagréables, cela va de soi. Rares sont les moments où tout va comme sur des roulettes. On dirait que la poisse nous poursuit partout. Mais la vérité c'est le comportement des agents et les dispositions ou réglementations en vigueur qui constituent autant de freins et de blocages. On nous a dit et répété à longueur d'année qu'il va y avoir des facilitations et des simplifications des procédures. Mais ce que l'on vit au quotidien est on ne plus révoltant et humiliant. On fait marcher les gens pour un oui ou pour un non. Pour un simple papier il faut fournir deux ou trois autres documents. En d'autres termes, si vous voulez obtenir une autorisation (donc un document) il faut courir plusieurs administrations pour faire sortir une autre longue liste d'autres documents. Quant aux délais, là il faut s'armer de patience. Il est facile de passer des mois pour ne pas dire des années à faire des navettes entre tel ou tel agent ou service pour arriver, après des souffrances et des brimades, au terme des démarches. Le Tunisien : champion de l'endurance Sur ce point, on peut affirmer, sans risque de se tromper, que le Tunisien peut être classé parmi les plus tenaces et les plus patients dans ce domaine. Et, nos agents parmi les plus ingénieux et les plus habiles à mettre les bâtons dans les roues. Cette situation, malheureusement, laisse la porte grande ouverte devant les abus de tous genres ainsi que les excès et les frictions entre les différents acteurs. Qu'on ne s'étonne pas, alors, de voir se développer la corruption et le favoritisme. Les gens excédés par les nombreux blocages «improvisés», volontairement ou non, sont prêts à tout et, parfois, mettent la main à la poche pour débloquer une affaire ou accélérer l'issue d'un dossier. Certains employés sont rompus à ce genre de manège et mise en scène. Vous avez beau être dans vos droits, on vous accule à emprunter des voies prohibées et illicites. Car les voies réglementaires ou normales ne mènent plus à bon port. Il faut savoir user d'astuces ou de pistons ou d'expédients efficaces pour prétendre réaliser vos objectifs. Les moins patients lâchent prise et s'en remettent à la providence ou à la chance. C'est ainsi que de nombreux citoyens sont lésés et laissés pour compte tout simplement parce qu'on leur refuse leurs droits et qu'on se joue de leurs intérêts. Or, depuis ces trois dernières années on aurait pu commencer à «nettoyer» ce secteur et à rendre plus effective la simplification des démarches administratives et la facilitation de l'accès à l'information. Car dès que l'on pénètre dans les dédales de l'administration, il est difficile de s'en sortir aux moindres frais. Tout le monde en sait quelque chose pour avoir vécu une très mauvaise expérience ou subi des pressions directes ou indirectes en essayant d'obtenir plus vite un document. Ces pratiques ne sont pas secrètes. Elles sont tellement répandues qu'on se demande si les choses vont être prises en main ou non. A quand, donc, une véritable réforme administrative. On en entend parler depuis des lustres mais on ne voit rien venir. Pendant ce temps on paye... les pots cassés. L'absence d'information, l'ignorance et l'incompétence de certains employés, l'absence de qualité des prestations ainsi que d'innombrables autres facteurs sont autant d'obstacles devant les Tunisiens. Les gens mal intentionnés ne peuvent qu'en profiter. Ce qui est demandé, aujourd'hui, c'est de réagir, au plus vite pour remettre un peu d'ordre et rétablir les vraies valeurs du travail administratif. Il faut redonner plus de crédibilité à notre administration et redonner de l'espoir aux citoyens en restaurant la confiance et l'honnêteté. Que de citoyens ont renoncé à réaliser des projets et à monter des entreprises à cause de ces lenteurs et de ces pratiques ! Les jeunes sont découragés devant tous ces obstacles interminables. Et dire qu'on cherche à comprendre pourquoi des milliers d'entre eux veulent quitter le pays pour aller n'importe où. Une des réponses est devant nous. Il est temps de libérer ces services publics de l'emprise d'une catégorie de gens qui ne cherche que ses intérêts et ses privilèges. Le paysage doit s'éclaircir devant l'administré. Les agents qui ne sont pas au top ou à jour doivent être recyclés et remis au pas. Des structures d'orientation et d'aide doivent être prêtes à apporter le soutien à ceux qui sont dans le besoin parmi les agents qui ne maîtriseraient pas leur travail. Des guides pratiques (électroniques ou papier) doivent être disponibles pour expliquer toutes les démarches et préciser les documents à fournir. En outre, il faudrait développer une structure de contrôle qui veillerait à assurer le suivi des dysfonctionnements et des dépassements et à leur trouver les solutions en étant constamment à l'écoute des doléances et des réclamations. Dans la jungle actuelle, les agents indélicats sont totalement libres de s'adonner à leur sport quotidien et favori: celui de faire aller et venir les honnêtes gens jusqu'à épuisement.