Une consultation élargie lancée à partir d'aujourd'hui Après des discussions-marathon durant plus de trois ans, le projet d'un conseil national de la presse a fini par prendre forme, mais pas encore opérationnel. L'avis du métier et les propositions des journalistes eux-mêmes à ce sujet sembleraient lui donner corps portant leurs griffes purement professionnelles. Un poinçon de garantie, en quelque sorte, afin de ne pas retomber dans l'horreur de l'anarchie médiatique qui ne cesse, depuis la révolution, de se déchaîner. Pas plus tard qu'hier, le débat sur la question a repris de plus belle, lors d'une conférence de presse conjointement organisée par le Snjt et la Fédération tunisienne des directeurs de journaux, avec le concours de leurs partenaires de parcours, en l'occurrence le syndicat général de l'information relevant de l'Ugtt et la Ltdh. L'occasion était telle qu'une consultation élargie, aussi embryonnaire soit-elle, vient d'être finalement annoncée. A partir d'aujourd'hui, sa version initiale sera entre les mains des journalistes et à leur disposition sur la Toile. Dans son mot d'ouverture, M. Neji Bghouri, président du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) l'a bien mis dans son cadre. Et les raisons d'un tel choix devenu plutôt irréversible, parce que dicté par un contexte révolutionnaire imposant, ne sont plus à démontrer. C'est qu'après la Haica à laquelle est confié le contrôle de l'audiovisuel, dit-il, le décor déjà planté a eu un en besoin d'éléments de rééquilibrage, régulateurs d'un paysage médiatique mal en point. De ce fait, le conseil national de la presse est une instance d'autorégulation qui tarde à venir, dont le pouvoir décisionnel n'est pas encore évident. D'autant que son statut, sa composition, ses prérogatives, son financement et sa manière d'agir face aux dérives journalistiques dans la presse écrite et électronique pourraient, aussi, poser problème. Trois ans déjà, l'initiative semblait faire du surplace. Mais, les longues réflexions multipartites ont, à peine, abouti à une mouture de structure autorégulatrice nommée « conseil de la presse ». Au départ, affirme Bghouri, l'on ne savait plus de quoi parler ? Quel instrument de contrôle à mettre en place ? Qui serait en mesure de pouvoir trancher sur les questions déontologiques ? Comment protéger le public de l'hégémonie des médias ? De même, ce conseil aurait-il un caractère répressif ou juste un rôle de médiation ? De telles interrogations ont amené l'équipe du travail à s'en sortir, avec à la main un projet et une vision de gestion du secteur. En tout cas, l'autorégulation n'a rien à voir avec l'autocensure. Celle-ci ne devra plus réapparaître comme elle l'était autrefois, exercée sous le joug de la dictature. Arbitrage et médiation Bien au contraire, le président du Snjt était on ne peut plus clair : «Ce conseil tend à être un mécanisme d'arbitrage et de médiation, se la jouant fine sans laisser aucune affaire d'ordre journalistique comparaître devant la justice». La mise en ligne de ladite consultation élargie prête à plusieurs modifications et propositions, donnant lieu, au bout d'un mois, à une conception définitive du projet. Donc, un nouveau débat interactif commence à s'ouvrir largement jusqu'à en venir à bout. Tous doivent s'y impliquer fortement pour l'intérêt d'un secteur gangrené et à la merci des caprices de ses barons. Publique ou privée, la presse écrite souffre, en ces temps de grande révolution numérique, d'une crise sans précédent. Et la Fédération tunisienne des directeurs de journaux (Ftdj) en est fort consciente. L'instance d'autorégulation dont on a trop parlé aura un aspect typiquement tunisien, visant à renforcer les règles déontologiques et asseoir les bases d'un pacte d'honneur pour la profession», affirme Taieb Zahar, président de la Ftdj. Le patron du groupe «Réalités» n'a rien ajouté à ce qui a été déjà dit, à moins qu'il fasse valoir l'apport du conseil dans la réduction, autant que possible, de l'effet des feuilles de chou. Une plus-value viendra s'y ajouter, au grand dam des médias de la honte. Son indépendance est-elle garantie ? De son côté, Mohamed Salah Khriji, de la Ltdh, a relevé que la ligue reste toujours fidèle à ses principes. Et d'ajouter, dans le même ordre d'idées, que le projet en question est de nature à répondre aux ambitions des professionnels. « Chacun y trouvera son compte», estime-t-il. Reste que le lancement de la consultation est en soi un appel à davantage d'idées pour éviter les failles enregistrées de part et d'autre. Abdelkrim Hizaoui, directeur général du Capjc, s'est focalisé, en tant qu'académicien, sur la technicité dudit projet et sa faisabilité d'un point de vue juridique. D'après lui, le conseil national de la presse écrite et électronique aura bel et bien un statut associatif soumis à la loi des associations et ONG. De même, l'on devrait, pour l'heure, réajuster le texte du décret 115 pour qu'il fasse la mention « conseil de la presse », comme mécanisme autant reconnu que représentatif. A l'en croire, ce conseil aura ainsi tout l'appui de l'Etat. Toutefois, a ajouté Bghouri, le financement public à hauteur de 50% de ses besoins n'entache en rien son image. Il y aura, quand même, des garanties d'un fonctionnement indépendant. D'autres ressources viendraient des donations, des cotisations des adhérents et des contributions des entreprises médiatiques elles-mêmes.