Par Pr Hédi DAMI Bien que la Tunisie soit considérée comme un pays à économie émergente, la masse des travailleurs subit les revers de la croissance : chômage, inflation, paupérisation, manque d'hygiène qui affectent le monde professionnel et la vie des hommes.... Il faut donc improviser un nouveau type de développement. Mais comment et comment doit-on s'y prendre? On prétend que le salut est dans la croissance économique et dans le progrès social. Seulement dans le monde réel on observe clairement que le «prix» de la croissance c'est bien l'augmentation du chômage. Il s'agit là de grandes questions que nous devrions aborder avec beaucoup de sérieux et de fermeté. L'inadéquation entre le système éducatif et le système productif crée de nouveaux types de problèmes : mis à part le chômage des diplômés, la fuite des cerveaux, la ségrégation et l'exclusion sociale, il remet en cause l'altruisme social. Il est donc impératif de réduire la flexibilité du marché du travail au strict minimum pour une égalité des chances et pour une réelle justice sociale. La crise qui a tendance à affecter tous les domaines de l'économie provoque en même temps une onde de choc sur le marché du travail. La synergie de notre système exige donc un renforcement systématique des mécanismes autorégulateurs de l'économie. Pour cela, une bonne planification s'impose pour se connaître et connaître nos réels besoins dans tous les domaines de l'économie, tout en respectant un ordre de priorité, vu le manque de moyens financiers qui a tendance à faire de la crise actuelle une crise structurelle. Pour la relance de l'économie, il faut se remettre au travail, quitte à augmenter le taux de chômage. Ceux qui postulent pour un travail doivent comprendre que la demande de travail dépend des besoins des entreprises et le salaire est le prix du travail : il faut donc créer des biens et des services à soumettre sur le marché pour la dynamique de l'échange en contrepartie d'un salaire. Malheureusement, il y a une nouvelle mentalité chez les jeunes chômeurs dans différentes villes du pays, qui consiste à vouloir s'imposer dans des entreprises qui fonctionnent convenablement et qui ont suffisamment de cadres, de salariés et de travailleurs. La massification des travailleurs outsiders empêche les insiders de travailler et, à court terme, cela provoque l'arrêt du travail et le gel de l'activité des entreprises. Cette situation ne doit pas se reproduire chez nous et pour cela on doit prendre des mesures draconiennes contre les mauvaises graines et contre les mauvaises intentions qui veulent miner le pays. Il convient de faire répandre l'idée que le système de la propriété privée impose une nouvelle loi dans les relations capital/travail. Autrement dit, il n'est plus question de titularisation dans le monde du travail. Il n'existe qu'un contrat implicite entre le patron et l'ouvrier où la close principale est l'ardeur au travail et le rendement optimal. Il s'ensuit, une stabilité de l'emploi et un salaire qui dépasse le rendement marginal. Il faut commencer par interdire toutes les grèves non autorisées et réduire l'absentéisme au minimum. Chaque contrevenant subirait des sanctions qui vont jusqu'au licenciement même s'il s'agit d'un salarié ou d'un travailleur titulaire : il suffit d'abroger ou de changer la loi en vigueur. Dans quelques entreprises publiques et privées de petite ou moyenne taille, il faut «diviser pour régner » et pour cela il convient de distribuer des salaires d'efficience. Personne ne moisit dans le chômage : il y a un mouvement de flux et de reflux de main-d'œuvre. Tous les inactifs seront, un jour ou l'autre, insérés dans la vie active. Certes cela prendra un peu plus de temps vu la ténacité de la crise que l'on connaît à tous les niveaux à l'heure actuelle et vu la mauvaise conjoncture économique internationale. En outre, les actes terroristes à Tunis et à Sousse portent un coup dur au tourisme tunisien et donc ils fragilisent davantage notre économie : cela constitue un terrain propice pour des activités terroristes. Le seul « émail » qui attire les capitaux étrangers c'est de travailler sans arrêt pour créer de la richesse et pour vaincre le terrorisme. L'aide extérieure est toujours la bienvenue mais on ne peut compter que sur nos propres moyens techniques et surtout humains. Notre réussite reste tributaire aussi d'une volonté politique inébranlable, d'une citoyenneté honnête et sans équivoque pour faire face à des actions et à des situations qui se développent chez nous et qui commencent à envenimer notre vie et à miner notre économie, nous en citons les plus importantes : 1) le problème des ordures qui s'accumulent dans toutes les villes. Il convient, selon nous, de construire dans les 24 gouvernorats des usines de traitement des déchets domestiques qui permettraient d'assainir l'atmosphère et de créer des centaines de postes de travail permanents, cela coûte cher mais « pour faire une omelette, il faut casser des œufs ». 2) Notre richesse minière de phosphate et dérivés qui représentent déjà, pendant les trois dernières années, un manque à gagner de 4.800 milliards, doit reprendre normalement et sans interruption, quitte à utiliser les grands moyens. 3) La pêche qui assure des milliers de postes de travail directs et indirects et qui est source de devises par l'exportation des crevettes, des poulpes et des sèches, est dans une situation de délabrement général. La pêche côtière est assurée par des petites barques de 9 à 12 mètres qui s'adonnent normalement à la pêche au palangre, or des centaines de petites barques font du chalutage avec un treuil, à bord, ce qui est totalement interdit et appauvrit systématiquement notre mer puisque les poissons obtenus ne dépassent pas les 2 centimètres : il faut appliquer la loi. 4) Chaque responsable : chef de service, directeur financier, directeur commercial à la douane, au fisc...doit connaître des mutations et des permutations en permanence moyennant des avantages en nature et en numéraire... 5) Créer dans les entreprises publiques et privées, même si elles doivent assumer une importante charge financière, des « armées de réserves » pour assurer la continuité de la production et relancer l'économie. En période de crise une politique d'austérité est nécessaire. 6) Il faut orienter les étudiants en fonction des besoins de l'économie et non en fonction des infrastructures éducatives disponibles. Pour cela une planification centralisée s'impose pour se connaître et connaître nos réels besoins dans les différentes spécialités pour une meilleure adéquation formation-emploi. La multiplicité des institutions universitaires de même spécificité dans la même ville est un gâchis monstre qui se chiffre à des centaines de milliards. 7) Les 24 Iset doivent être restructurés conformément aux besoins des différentes régions. Il convient de les convertir en des centres de formation des techniciens supérieurs en électronique, en biochimie, en géni civil, en béton, en aquaculture, en mécanique, en électricité, en aluminium, en élevage et en culture moderne...Il serait possible de recycler les diplômés de l'enseignement supérieur au chômage et de faire, en même temps, assumer aux différents Iset leur responsabilité de départ qui est le développement technologique au lieu de dispenser des enseignements d'économie et de gestion. 8) Les investissements immatériels (éducation et santé) sont à la charge de l'Etat jusqu'à une certaine limite conformément à la puissance économique du pays : le niveau du PIB. Avec les moyens du bord, l'Etat ne peut assurer sans limite et indéfiniment les financements de l'éducation et de la santé. Dans ces conditions, les systèmes privés d'enseignement et des soins se trouvent une légitimation et ils s'imposent : les étudiants des facultés des sciences n'ont rien compris. 9) La principale ressource de l'Etat, c'est l'impôt. Pour une meilleure justice sociale et pour mieux alimenter les caisses de l'Etat il est impératif et même urgent d'imposer un nouveau système de contrôle des impôts, surtout dans les fonctions libérales. On peut allonger la liste indéfiniment. En somme la Tunisie a tant besoin de responsables à la fois courageux et honnêtes (une denrée qui devient rare) pour relancer l'économie et préparer un meilleur avenir à nos enfants loin des micmacs politiques et de l'esprit mercantile malveillant. *(Faculté des sciences économiques et de gestion de Sfax)