Aussi bien aux bureaux de vote du Kram qu'à La Goulette relevant de la deuxième circonscription de Tunis, les jeunes ont préféré ne pas répondre à l'appel du devoir civique. Peu soucieux de l'enjeu électoral pour la présidentielle anticipée, ils ont boudé le scrutin. Ce sont plutôt les personnes âgées qui ont pris d'assaut les bureaux de vote dès l'ouverture des portes. Les personnes âgées et même les handicapées s'étaient pointées devant les bureaux de vote avant même leur ouverture et on voyait déjà de longues files d'attente depuis 7h30 du matin. Certaines personnes sont arrivées sur les lieux par le biais de chaises roulantes, d'autres en s'appuyant sur des béquilles. Pas la trace des jeunes, notamment durant les premières heures. Le président du bureau de vote à La Goulette nous a confirmé cet amer constat. Au Kram, c'est quasiment l'attachement des personnes âgées aux urnes qui doit servir de leçon aux plus jeunes. Le décalage est aujourd'hui abyssal entre les deux mais l'abstention des jeunes surtout était dans l'air depuis un bon bout de temps. « Quel intérêt porter à des élections qui ne feront pas rabaisser le taux de chômage et juguler la détérioration du niveau de vie des Tunisiens qui a atteint ses limites ?», nous confie un jeune avec ses amis dans un café à proximité de l'un des bureaux de vote au Kram. Le manque ou plutôt l'absence de confiance des jeunes dans les institutions de l'Etat n'est plus à démontrer. Ceci les accule à bouder le discours des politiques qui est truffé de verbiages et de promesses et n'accroche plus personne mais sonne plutôt comme une litanie, renchérit un jeune diplômé en chômage. Il ne faut pas s'en étonner pour autant, en janvier 2019 une étude effectuée par la Ligue des électrices tunisiennes et l'organisation Atide a démontré qu'environ 75% des jeunes et des femmes ne veulent pas prendre part à la présidentielle et aux élections législatives en raison des conditions de vie difficiles et les promesses électorales qui ne sont jamais tenues. Ceci nous renvoie au faible taux de participation aux élections municipales 2018 qui n'a pas dépassé 33,7% et notamment celui des jeunes. Un scrutin dans le calme et la transparence Le scrutin s'est déroulé sous haute surveillance militaire et policière et en présence des agents de la protection civile pour veiller à la sécurité des citoyens, sans compter le grand nombre d'observateurs venus de tous bords à l'affût d'éventuels dépassements. Le comportement des électeurs fut en majeure partie sans reproche depuis le démarrage du vote. Peu importe le vainqueur dans ces élections, ce qui compte le plus c'est qu'il soit à la hauteur des attentes des Tunisiens et que Dieu protège la Tunisie, nous ont déclaré plusieurs citoyens après avoir accompli leur devoir. « On est bien loin des années de braise où la voix du citoyen ne comptait rien, aujourd'hui la Tunisie vit une noce électorale », renchérit un septuagénaire, ravi, comme tant d'autres, d'avoir accompli son devoir civique depuis l'ouverture des bureaux de vote. Pas de graves dépassements Plusieurs observateurs se sont déployés dans les différents bureaux de vote en vue de contrôler le déroulement du scrutin et assurer l'intégrité électorale. Selon l'un des représentants d'une organisation d'observation électorale citoyenne, il n'y a pas eu de dépassement grave. Un petit groupe de personnes a, toutefois, tenté d'influencer les électeurs à proximité du bureau de vote de La Goulette (lycée 2 mars). D'après d'autres observateurs, certains électeurs âgés n'avaient pas d'idée sur les candidats et ne savaient pas pour qui voter. Ils ont demandé l'aide des observateurs mais ces derniers leur ont signifié que c'était contraire aux règlements. Il est révolu le temps où l'électeur voyait sa voix partir en fumée après l'annonce des résultats. Il est à signaler que plusieurs problèmes d'ordre organisationnel ont poussé certaines personnes âgées à ne pas voter durant les premières heures qui ont suivi l'ouverture des portes. En effet, il y avait foule devant certaines salles contrairement à d'autres qui étaient pratiquement vides. Un taux de participation en dessous des attentes Environ un million de nouveaux électeurs ont été inscrits pour ces élections, avait annoncé en fanfare le président de l'Isie, Nabil Baffoun, en mai dernier, dont 45% âgés entre 18 et 25 ans mais les observateurs avaient signalé que ces nouveaux inscrits pourraient bouder les urnes. Le taux global de participation était situé à 16,31% à 13 heures, ce qui n'est guère rassurant et donne une idée sur un boycottage que tout le monde sentait venir en raison du grand décalage entre le discours des politiques et le vécu des Tunisiens et notamment les jeunes qui aspirent à mieux. L'Isie a certes accompli son devoir dans les règles de l'art sur le plan de l'organisation de la présidentielle anticipée mais l'élite politique a échoué à se rapprocher des jeunes.Un hiatus sépare aujourd'hui les jeunes de la classe politique qui s'est traduit par le refus de prendre part à un scrutin qui ne changera par le train de leur vie. A une heure de la fin du scrutin, Baffoun a lancé un ultime appel aux jeunes pour rejoindre les bureaux de vote. La raison est bien claire, le taux global de participation jusqu'à 15h00 n'a pas dépassé 35%. En 2014, le taux de participation était nettement plus élevé à la fermeture des bureaux avec 64%